Le cancer du pancréas progresse plus vite que prévu, et ce n’est pas un hasard

Il progresse vite, trop vite. Et personne ne l’a vu venir. Depuis quelques années, ce cancer discret gagne du terrain à une vitesse inquiétante. Silencieux, souvent diagnostiqué trop tard, il pourrait devenir d’ici peu l’un des plus meurtriers. Et les scientifiques lèvent enfin le voile sur ce qui pourrait expliquer cette flambée.

Entre 1990 et 2018, les cas ont bondi de plus de 3 % par an. En France, on enregistre désormais près de 15 000 nouveaux diagnostics par an, contre moins de 10 000 en 2010. Ce cancer, longtemps considéré comme rare, est en train de supplanter celui du côlon-rectum, et pourrait devenir la deuxième cause de mortalité par cancer après celui du poumon d’ici 2030, selon plusieurs spécialistes. Alors pourquoi cette explosion soudaine ? Et surtout, pourquoi touche-t-elle autant les femmes ?

Une hausse fulgurante… et un coupable trop longtemps ignoré

Ce cancer frappe le pancréas, cette glande située derrière l’estomac, indispensable à la digestion et à la régulation du sucre. Sa forme la plus fréquente, l’adénocarcinome canalaire, est aussi la plus agressive. Et surtout, elle reste longtemps silencieuse. « La majorité des cas sont diagnostiqués trop tard, souvent à un stade où il n’est plus opérable », explique le Dr Jean-Baptiste Lequeu, chirurgien au CHU de Dijon, interrogé par Femme Actuelle.

Pendant longtemps, les facteurs de risque connus étaient relativement peu nombreux : le tabac, impliqué dans 20 à 30 % des cas, l’alcool, la pancréatite chronique, le diabète, le vieillissement, et dans 5 % des cas, des prédispositions génétiques. Mais cela ne suffit plus à expliquer la flambée actuelle.

Car depuis vingt ans, un autre phénomène s’est imposé en parallèle de la montée des chiffres : la transformation de nos modes de vie.

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Le cancer du pancréas est souvent découvert trop tard, rendant les chances de rémission très faibles.

Une alimentation transformée pointée du doigt

« Le problème, c’est que personne ne connaît avec précision les causes de l’augmentation de ce cancer« , confiait le Dr Antoine Hollebecque, oncologue médical à l’Institut Gustave-Roussy, au Parisien. Il ajoute que des pistes environnementales sont étudiées, mais sans certitude.

De son côté, la Pr Vinciane Rebours, cheffe du service de pancréatologie à l’hôpital Beaujon, a souligné dans Femme Actuelle que le tabac à lui seul ne suffit plus à expliquer l’explosion des cas : « Le tabagisme a diminué, or les cas continuent d’augmenter ». Elle évoque la responsabilité probable de la nourriture ultra-transformée et d’une mauvaise alimentation accumulée sur plusieurs décennies.

En France, près d’un adulte sur deux est en excès de poids. Ce surpoids, combiné à la sédentarité, au diabète de type 2 et à la généralisation des plats industriels, pourrait former un terreau favorable au développement de la maladie.

Un pronostic toujours sombre malgré les progrès

Aujourd’hui, moins de 30 % des patients sont diagnostiqués à un stade opérable. Et parmi eux, seuls 30 à 35 % atteignent une survie à cinq ans. Pour les cas avancés, la médiane de survie reste inférieure à un an. « Le taux de survie à 10 ans n’a quasiment pas bougé depuis les années 70 », indique l’American Cancer Society.

Les traitements ont connu des améliorations, notamment avec le protocole Folfirinox, mais les thérapies ciblées restent minoritaires. « Aujourd’hui en France, la majorité des thérapies ciblées pour le cancer du pancréas ne sont pas remboursées », alerte le Pr Louis de Mestier dans Femme Actuelle. « On fait des recherches, on identifie des cibles, mais les patients n’ont pas toujours accès aux traitements ».

Face à une maladie aussi discrète qu’implacable, les médecins s’accordent à dire que l’urgence est réelle. « Si on ne considère pas aujourd’hui que c’est une priorité de santé publique, ce le sera demain », conclut le Pr de Mestier.

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En forte hausse, le cancer du pancréas reste l’un des plus mortels faute de dépistage précoce et de traitements accessibles.