CHRONIQUE – Sur Instagram, l’influenceur mode Lyas, 305.000 abonnés, a proposé à sa communauté de se rassembler le 27 juin dans un bar du 10e arrondissement afin de suivre sur écran géant le premier défilé ultraprivé de Dior par Jonathan Anderson. Notre journaliste mode y était.
De temps en temps, les planètes s’alignent. Le 27 juin au matin, le nouvel album de la chanteuse néo-zélandaise de 28 ans Lorde, baptisé Virgin, sort sur toutes les plateformes. Cette même artiste qui réussissait un pari fou deux mois plus tôt : réunir, via un message sur les réseaux sociaux, une horde de fans en délire en plein cœur de New York pour un concert surprise, mettant la police à rude épreuve. L’événement, largement relayé sur TikTok, a dépeint l’image d’une génération post-Covid avide de liberté, toujours aussi désireuse de se réunir, de se rencontrer et de partager des moments uniques. Comme un pied de nez à cette période anxiogène.
L’influenceur Lyas à son événement organisé en parallèle du défilé Dior par Jonathan Anderson.
Augustin Bougro
Alors forcément, quand Elias Medini, influenceur mode de 24 ans connu sous le pseudonyme Lyas, invite ses 305.000 abonnés Instagram à le rejoindre dans un bar afin de suivre sur une télévision le premier défilé de Jonathan Anderson chez Dior, l’information se répand comme une traînée de poudre. Ainsi, ce 27 juin aux alentours de 14h, il était presque impossible de circuler librement dans la rue du bar Le Saint Denis, dans le 10e arrondissement de Paris, tant la foule s’était amassée. «Je pensais qu’on allait être une petite trentaine, nous confie l’influenceur, tout de noir vêtu, lunettes de soleil fixées au nez. Là on doit être une centaine, peut-être même deux cent…»
Une œuvre constituée de canettes spécialement conçue pour l’occasion.
Augustin Bougro
Un show sur-mesure
Vingt minutes plus tard, l’espace se réduit et devient de moins en moins accessible aux vélos et scooters qui tentent, tant bien que mal, de se frayer un chemin. Étrangement, sans s’énerver ni klaxonner. «C’est un quartier où la mode est partout, nous confie un participant. Les gens ont l’habitude. La Fashion Week, c’est tous les jours de l’année ici.» Au bout d’un moment, quelques passants finissent par s’arrêter. «Que se passe-t-il ?», demandent-ils tous, surpris de voir autant de monde au même bar. La même réponse est répétée inlassablement : «Un influenceur mode a privatisé un bar pour projeter le premier défilé Dior de Jonathan Anderson. On est tous ici pour célébrer cet événement.»
C’était important pour moi d’organiser un événement où on peut tous ensemble célébrer la mode, peu importe qui on est.
Lyas, influenceur mode
Elias Medini a eu cette idée la veille, sur un coup de tête. Celui qui a désormais l’habitude de s’installer aux premiers rangs des défilés des plus grandes marques de mode – dont Dior -, n’avait cette fois pas reçu son carton d’invitation. Il faut dire que ce premier show signé Jonathan Anderson, successeur de Maria Grazia Chiuri et Kim Jones, était l’un des plus attendus de la Fashion Week printemps-été 2026. Les places étaient donc naturellement rares. «Seulement 100 personnes ont été conviées à assister au défilé Dior», nous informe une étudiante en mode.
Pour Lyas, hors de question de ne pas vivre ce moment historique à 100%. Il a donc fait ce qu’il sait faire le mieux : dégainer son smartphone, et poster une vidéo où il invite toute sa communauté à le rejoindre dans un bar pour regarder le défilé. «C’était important pour moi d’organiser un rassemblement où on peut tous ensemble célébrer la mode, peu importe qui on est, nous raconte-t-il. Car c’est aussi pour cette raison qu’on veut assister à un défilé, c’est littéralement parce qu’on est passionné de mode.»
Le calme finit finalement par s’installer lorsque le show, diffusé sur une télévision, commence. Tous les spectateurs se sont d’ailleurs habillés pour l’occasion : chapeaux de cowboy, bermudas ultralarges, santiags, sacs de luxe et lunettes de soleil de créateurs. Sous 28 degrés, les éventails s’agitent un peu partout, les boissons fraîches sont fermement maintenues dans les mains. Au fond, il est difficile de voir quelque chose sur l’écran. Qu’il en soit ainsi : celles et ceux qui n’ont pas une bonne visibilité restent à leur place, et suivent l’événement en direct sur les comptes Instagram de LVMH et Lyas.
Le défilé Dior retransmit en direct sur la télévision du bar Le Saint Denis à Paris.
Augustin Bougro
Quand certaines silhouettes défilent, des cris de joie se mêlent à quelques applaudissements. «Jonathan ! Jonathan !», scandent quelques-uns, visiblement admiratifs de cette collection imaginée par le couturier irlandais. Puis, lorsque le show touche à sa fin, un tonnerre d’applaudissements retentit dans le quartier. Les téléphones se lèvent, tous prêts à filmer Lyas, l’autre vedette de la journée.
L’influenceur mode nouvelle génération
Depuis plusieurs mois maintenant, le critique de mode préféré de TikTok originaire de Rouen se forge un nom de plus en plus solide au sein de l’industrie de la mode et de l’influence, lui permettant d’obtenir certains passe-droits exceptionnels. Comme s’entretenir avec Madonna au sein même de sa résidence privée de Manhattan, animer le tapis rouge de la prestigieuse cérémonie des Fashion Awards 2024 à Londres…ou orchestrer un événement viral en pleine Fashion Week de Paris, séduisant toute une génération de modeux en recherche, comme lui, d’un peu de rêve en ces temps moroses. «Je suis venu ici car j’adore la mode, nous confie Nicolas, passionné de mode. C’est génial de vivre cela, de rencontrer plein de personnes, même si parfois c’est un peu vertigineux car il y a tellement de monde. Lyas a eu une super idée.»
Nicolas, passionné de mode, s’est rendu à l’événement de l’influenceur. (Paris, le 27 juin 2025.)
Augustin Bougro
La recette de son succès ? En finir avec la culture du «non-dit» du milieu de la mode en optant pour des critiques de défilés sans langue de bois, un ton franc du collier et un style atypique qui le démarque très souvent de ses collègues. À l’image du 24 juin ou, au très chic défilé Saint Laurent par Anthony Vaccarello, il débarque à la Bourse de Commerce en costume, cuissardes en cuir, rouge à lèvres et perruque ébouriffée façon rock star post-concert.
«Je me suis dit “j’ai un créneau là. Si personne n’ose, je le ferai”», a-t-il révélé lors d’une interview accordée à France Inter le 22 janvier dernier. Culotté, mais payant : depuis, son réseau professionnel ne cesse de croître. Parmi ses proches, Elias Medini peut aujourd’hui compter sur le mannequin de l’année 2024 Alex Consani, le styliste américain et rédacteur en chef du magazine Interview Mel Ottenberg ou encore l’éditrice Carine Roitfeld, ex-patronne du Vogue France, avec qui il a échangé un baiser langoureux devenu viral au dernier Festival de Cannes. De quoi lui attribuer un surnom prometteur, d’après ce qu’on pouvait entendre au bar Le Saint Denis : «Le petit prince de la mode».