Publié le
28 juin 2025 à 7h12
« Les deux conducteurs fonctionnent manip à fond sans dépasser les 20 km/h ». Dans la cabine en tête de rame, Augustin Huerre adresse ses instructions à l’équipage. Armé d’un talkie-walkie, le responsable d’essai des Métro Fer, appel d’offres 2019 (MF19) pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP) fait office de relai avec les ingénieurs et les ouvriers du fabricant Alstom. La moindre anomalie remonte rapidement aux analystes de l’entreprise ferroviaire, positionnés à l’arrière du train avec les yeux rivés sur un écran de contrôle. Depuis quatre mois, il s’agit du quotidien d’une poignée de techniciens chargés d’évaluer la conformité de ces métros du futur déployés par Île-de-France Mobilités (IDFM) qui débarqueront sur la ligne 10 à l’automne prochain. Ce mardi 24 juin 2025, actu Paris a pu assister à l’un de ses essais nocturnes. Une expérience saisissante de quelques heures dans des tunnels et des stations désertiques.
Manœuvre d’accouplement à la main
« On n’est pas inquiets. Tout s’est bien passé jusqu’à présent. On est dans les temps ». Chef de projet des essais des MF19 à la RATP, Jean-Daniel Schmitt tente de rassurer à l’aube des tests. L’horloge pointe vers le 1. Les coups de klaxon marquent l’arrivée d’une rame bariolée à la station porte d’Auteuil, remplie de câbles, de capteurs et de couvertures pour protéger les sièges qu’occuperont les usagers. Une lumière tamisée maintient les bobines en éveil. Il est l’heure de monter à bord du train en direction de la station Javel-André Citroën.
🚇⏳ Les nouveaux métros, MF19, font l’objet de test depuis quelques mois. Leur mise en service sur la ligne 10 doit intervenir à l’automne prochain. Voici les coulisses. #transport #metro #ratp #essai
Quelques minutes plus tard, ordre est donné de descendre à quai. Le prototype P4 doit s’accoupler à un autre prototype afin de simuler le secours d’une rame en panne. Cette dernière est constellée de gueuses, un appareil de manutention s’apparentant à des poids, utilisé pour tester la résistance des équipements. « L’idée, c’est de relier les deux rames avec un crochet de sécurité », explique Jean-Daniel Schmitt. L’engin a beau exhiber les signes distinctifs de la modernité, le travail manuel reste nécessaire.
L’accouplement des trains se produit grâce à l’intervention d’agents. (©AG/ actu Paris)
Des agents sont attelés à cette manœuvre qui va durer quelques minutes. Cet exercice prépare également le MF19 aux modulations en fonction de la longueur du quai.
« Nous aurons des trains de 4 ou 5 voitures, avec 3 longueurs différentes, à savoir 60 mètres, 76 mètres et 77,5 mètres »
Jean-Daniel Schmitt
Chef de projet MF19 à la RATP
Contretemps et réglages
Les essais reflètent également la dynamique d’une « machine de guerre » en rodage. Si la plupart des essais se sont bien déroulés, il arrive qu’un contretemps nécessite l’intervention des agents de manutention. Illustration au milieu de la nuit, vers 3h30. Un bruit sourd surgit devant la rame de secours. « L’espace entre les deux rames est trop distendu, ça coince », dénoue un employé d’Alstom, positionné derrière la cabine du conducteur. Il faudra plusieurs coups de marteau pour réparer la motrice « inactive » (MI).
Le jargon du ferroviaire est peuplé d’acronymes sibyllins. Pour s’en convaincre, il semble impérieux d’écouter les propos d’Augustin Huerre. Au talkie-walkie, le chef d’orchestre informe les agents de sa volonté de simuler un « FU » pour freinage d’urgence. Un test loin d’être superflu. Car plusieurs des lignes parisiennes parcourent du relief, à l’image de la ligne 10.
Le responsable des essais de la RATP Augustin Huerre distille ses ordres dans la rame. (©AG/ actu Paris)
Les conducteurs doivent donc s’exercer à activer un bouton avec une vitesse maximale de 20 km h. Ce chiffre est loin des pointes atteintes par les MF19, capables de rouler jusqu’à 80 km h. « C’est une vitesse de pointe qui dépasse les standards. Mais cela fait partie du cahier des charges pour tester les limites de l’engin », affirme Jean-Daniel Schmitt. Verdict : le freins apparaissent en très bon état, eu égard au mouvement de recul effectué à l’intérieur du train.
Les anciennes et nouvelles rames cohabiteront jusqu’en’2027
Après plusieurs répétitions sur une partie de la ligne 10, la petite troupe invite à descendre du quai à la porte d’Auteuil vers 4h15. La station est plongée dans un calme apaisant. Dans une heure, les vieux métros fer conception 1967 (MF67) resurgiront. « Nous avons fixé l’échéance mi-2027 pour le départ des anciennes rames et l’arrivée des nouvelles. C’est la vie de mixité », indique le directeur de la ligne 10 Boris Huard. « Si vous avez un jardin pour les stocker », sourit Jean-Daniel Schmitt.
En attendant, les MF19 poursuivent leur protocole. Un troisième prototype sera déployé début juillet, avant un dépôt de dossier de sécurité à la rentrée, en septembre. Pour être commercialisées, les rames doivent obtenir l’aval de l’État. La ligne 10 servira de « crash test » aux autres lignes (3, 3bis, 7, 7bis, 8, 10, 12 et 13), qui recevront les 410 rames produites par Alstom d’ic’ à 2033.
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