C’est le grand jour. Dès neuf heures, ce matin, les visiteurs vont pouvoir découvrir l’exposition « Cezanne au Jas de Bouffan ». Pour ce grand rendez-vous orchestré par le musée Granet, 135 œuvres sont accrochées aux cimaises, réparties en huit sections chronologiques et thématiques.
L’expo est riche, foisonnante. Elle démarre pied au plancher, avec, après l’école de dessin en introduction, la reconstitution du grand salon. 70% des œuvres qui le décoraient ont pu être rapatriées à Aix par le musée Granet. Un premier morceau de bravoure, donc, apprécié à sa juste mesure par Sylvain Amic, président de l’établissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie. « La reconstitution du grand salon est bluffante », lâche-t-il, alors qu’il était invité, comme tous les prêteurs, à découvrir ce « Cezanne au Jas de Bouffan ».
« Le génie de Cezanne »
« L’exposition est très spectaculaire », enchaîne-t-il quand on lui demande son avis sur la qualité de la proposition de Granet. « Chaque salle thématique est une réussite, il y a un propos, une qualité d’accrochage. L’exposition est extrêmement bien construite et il y a des prêts fabuleux », estime Sylvain Amic, dont l’établissement a prêté des toiles iconiques, avec Les joueurs de cartes ou La femme à la cafetière. Mais aussi La table de cuisine, qui se trouve dans une salle dédiée aux natures mortes qu’il juge tout simplement « géniale ».
Cette Table de cuisine, « elle nous frappe parce qu’il y a toutes les dimensions originales, inédites et singulières de Cezanne. Il y a là la pluralité des points de vue, le pot à gingembre et le sucrier sont pris de points de vue différents, comme si Cezanne s’était déplacé au moment de peindre, explique Bruno Ély, directeur du musée Granet. Cette pluralité des points de vue est importante, parce que le cubisme va s’en emparer. Ce qui est encore particulier, c’est l’irrégularité, le rebord de la table ne se poursuit pas de la même manière d’un côté et de l’autre du linge. » Dans cette autre nature morte, on se demande comment les cerises tiennent dans cette assiette penchée. « Mais Cezanne construit une forme de stabilité par une série d’instabilités », considère Bruno Ély.
Le Jas en fil rouge
C’est que le peintre, quand il travaillait comme cela sur un thème fétiche, est du genre jusqu’au-boutiste. « Il ne va pas chercher loin ses sujets, il va tourner autour des mêmes motifs », souligne Bruno Ély. Pour l’allée des marronniers par exemple, il va travailler sur l’axe Nord-Sud, puis sur un point de vue latéral. « Il tourne autour d’un sujet, il cherche toujours, répète souvent les points de vue, comme ses natures mortes ont toujours les mêmes objets. Comme avec ses baigneurs-baigneuses où il prend toujours les mêmes postures et attitudes. Et pourtant il arrive chaque fois à faire une peinture différente. C’est le génie de Cezanne », observe le directeur du musée.
Et c’est au Jas de Bouffan qu’il s’est lancé dans toutes ses expérimentations. « Le fil rouge, c’est le Jas et c’est quelque chose qui n’avait jamais été mis en évidence. Ses portraits, ses natures mortes, tout cela a été fait au Jas. Et nous, au musée d’Orsay, on est très fier d’avoir contribué à cette lecture », remarque Sylvain Amic. Qui confie, au passage, que Cezanne sera au centre d’une grande exposition à l’automne 2026 au Grand palais, à Paris, ouverte sur les artistes qui l’ont suivi, sous le commissariat conjoint du musée d’Orsay-Orangerie et du Centre Pompidou.
« Cezanne au Jas de Bouffan, du 28 juin au 12 octobre au musée Granet. Renseignements et réservations ici.