« C’est pour toi, ma bonne ville de Saint-Étienne, que j’ai réalisé ce film. Je ne parlerai pas de ton glorieux passé, d’autres l’ont fait avant moi. Je montrerai simplement, ce que ta modestie t’empêche de signaler aux touristes qui traversent ta belle cité… »

Les premiers commentaires sont clairs : Henri Catonnet aime sa ville plus que n’importe quel Stéphanois. Et dans son documentaire Saint-Étienne, ville industrielle mais aussi ville accueillante, le cinéaste amateur n’hésite pas faire usage du second degré pour le faire savoir (1). Le tout avec un accent que même MC Pampille trouverait excessivement prononcé.

La vie au camping en centre-ville de Saint-Étienne

Tourné en couleurs, ce film de 20 minutes conservé à la Cinémathèque nous plonge dans la société du loisir au début des sixties et montre comment les Ligériens passaient leurs vacances estivales : « À l’époque, il y a vraiment eu cette folie pour le loisir. À Saint-Étienne, ça s’est beaucoup développé parce que, grâce à Manufrance notamment, on pouvait enfin s’acheter une toile de tente par exemple », analyse Joëlle Virissel, archiviste à la Cinémathèque de Saint-Étienne.

Les premières séquences semblent montrer une exposition du matériel destiné aux loisirs lors de la foire de Saint-Étienne : équipement de pêche, de bivouac, de chasse… Puis le réalisateur pose sa caméra 16 mm au camping municipal Chantegrillet sur la colline de Villebœuf : « Il était situé en contrebas de l’actuel Opéra (la Maison de la culture et des loisirs fut inaugurée en 1969, NDLR). Le Touring-club de France est devenu gestionnaire des lieux en 1963. Il a fermé ses portes en 2004. On peut penser qu’il recevait davantage de gens de l’extérieur qui venaient voir de la famille ou en transit pour rejoindre le sud. Il y avait une super vue depuis la colline ».

Les estivants sont en tenues légères, les parties de pétanque rythment l’après-midi, une jeune femme plante des sardines de camping avec les crassiers du puits Couriot en arrière-plan. Une ambiance de Côte d’Azur en plein cœur de la ville.

Des images de Grangent avant la construction du barrage

Après un détour par la base nautique du barrage de Lavalette (Haute-Loire) « qui, avec ses 44 millions de ètres cubes d’eau, alimente en eau potable l’agglomération stéphanoise », nous dit la pittoresque voix off du réalisateur, le court-métrage emmène le spectateur du côté du barrage de Grangent. Le montage, fait de rushes antérieurs à sa construction (1955-1958) et d’images de 1961, met en avant l’évolution du paysage avec la mise en eau de l’ouvrage.

Il est ainsi surprenant de voir le château de Grangent avant qu’il ne soit une île ou encore le hameau des Camaldules avant qu’il n’ait les pieds dans l’eau. Sur un fond de samba (!), Henri Catonnet filme la base nautique de Saint-Victor animée par ses petites embarcations et ses pêcheurs. « Lorsqu’elle sera achevée, elle sera un lieu touristique très apprécié », prédit le cinéaste.

« Le Pertuiset sera dans quelques années un petit “Saint-Tropèze” »

Arrivent les séquences tournées en amont du fleuve Loire. Le clou du spectacle. Avec ce commentaire, agrémenté de l’accent stéphanois, venu d’ailleurs : « Le Pertuiset sera dans quelques années un petit “Saint-Tropèze” (sic) ».

« Henri Catonnet est un personnage haut en couleur. Il adore mélanger les tons sérieux et les boutades », précise Joëlle Virissel pour évacuer les commentaires de la team premier degré. La caméra semble particulièrement attirée par les Ligériennes en bikini, dans une atmosphère estivale où se croisent voiliers, pédalos et skieurs nautiques. Un authentique havre de paix qui « possède un camping et une école de voile », probablement à l’endroit de l’actuelle base nautique de l’US Vigie Mouette de Saint-Paul-en-Cornillon.

Saint-Étienne, ville industrielle mais aussi ville accueillante « reste du cinéma amateur avec une bande sonore médiocre. Et il ne s’agit pas d’une commande pour un organisme (comme le fut De la Terrasse à Bellevue, un docu-fiction du même réalisateur sur la Prévention routière demandé par la Ville de Saint-Étienne) », selon Joëlle Virissel.

« Le cinéma était la vie de mon père »

Antoine Ravat, responsable de la Cinémathèque, pense que ce court-métrage a été projeté dans les ciné-clubs de la Loire et de la Haute-Loire : « En tout cas, on peut le supposer parce qu’Henri Catonnet faisait partie du Caméra-club forézien. »

Les films de ce fumiste de profession (2) plein d’humour (décédé en 1989) constituent l’une des plus importantes contributions apportées à la Cinémathèque de Saint-Étienne (plus de 170 avaient été déposés par sa famille). En 2018, Éliane Saintantoine, la fille du cinéaste, avait expliqué à l’établissement municipal : « Le cinéma était la vie de mon père. Entre les films de la famille et les documentaires qu’il pourchassait, toujours la caméra en bandoulière, il était heureux ! Nous, à la maison, un peu moins. Par rapport à l’argent qu’il dépensait (dans le matériel) et ses absences. Il était toujours par monts et par vaux ».

(1) Saint-Étienne, ville industrielle mais aussi ville accueillant e, d’Henri Catonnet. Le film, dont les quatre dernières minutes sont consacrées aux sports d’hiver au Bessat, est intégralement disponible sur le site : cinematheque.saint-etienne.fr

(2) Un fumiste est un ouvrier qui procède à la construction d’ouvrages en terre réfractaire (fours, hauts-fourneaux…)



Le bassin extérieur de la piscine.  Photo Henri Catonnet

La piscine Grouchy, l’atout fraîcheur des Stéphanois

Le documentaire Saint-Étienne, ville industrielle mais aussi ville accueillante, consacre également 2 minutes à un équipement emblématique de la ville : la piscine Grouchy. « Une jeunesse débordante de vitalité profite des derniers rayons de soleil qui marqueront la fermeture de la saison… », commente Henri Catonnet.

Sur les images, dans une atmosphère plutôt familiale, les plongeons s’enchaînent dans le bassin extérieur. Édifiée en 1946 dans la rue Bergson, à la place d’une caserne de cavalerie devenue prison pendant la Seconde Guerre mondiale, la piscine Grouchy ne possède pas encore de bassin d’hiver : il ne verra le jour qu’en 1970.

Fermé début juillet 2024 pour cause de travaux, l’équipement du quartier de La Terrasse devrait rouvrir en septembre.