La revue britannique Nature a publié une étude mercredi 9 avril, dans laquelle elle explique que des hommes du Mésolithique ont traversé la Méditerranée pour s’installer sur l’île. Des traces de foyers et des outils découverts sous une couche de cendres, prouvent leur occupation.
On les imaginait cantonnés à la terre ferme, mais des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique ont maîtrisé une traversée en mer Méditerranée pour s’installer sur l’île de Malte il y a 8 500 ans, selon une étude parue le 9 avril 2025 dans Nature . Jusqu’ici les archéologues considéraient le petit archipel, l’un des plus isolé du bassin méditerranéen, comme colonisé il y a 7 400 ans par des populations du Néolithique. Partageant avec les fermiers du continent un mode de vie établi sur l’agriculture et l’élevage. Ils n’imaginaient pas que leurs prédécesseurs du Mésolithique, des chasseurs-cueilleurs, « aient vraiment essayé d’atteindre ces îles », rappelle à l’AFP l’archéologue Eleanor Scerri, première autrice de l’étude.
Avec une traversée d’environ 85 km à vol d’oiseau depuis la terre la plus proche, en Sicile, et plus de 250 km jusqu’aux côtes tunisiennes, « on pensait qu’ils n’en avaient pas les moyens techniques », bien avant l’invention de la voile, ajoute cette professeure à l’Institut allemand de géoanthropologie Max Planck. Les fouilles d’une équipe internationale menées avec l’Université de Malte apportent la preuve du contraire, sur le site de Latnija, un petit cirque proche du rivage sur l’île de Malte. Dans une tranchée de plusieurs mètres ont été mises au jour des traces de foyers, couverts d’une couche de cendres, permettant de dater la première occupation à 8 500 ans. Avec des outils rudimentaires, sous forme de galets de calcaire taillés.
Les fouilles sur le site de la grotte de Latnija ont mis au jour des outils rudimentaires comme des galets
Huw Groucutt
Un régime alimentaire composé principalement de produits marins
Surtout, le mode d’alimentation de cette population se démarquait singulièrement de celui des fermiers qui s’installeront plus tard avec chèvres, moutons, cochons et cultures de céréales. Les chasseurs-cueilleurs « avaient un régime alimentaire beaucoup plus varié, incluant une part importante de produits marins », comme en témoignent les plus de 10 000 coquilles fossiles de gastéropodes retrouvées sur le site, tout comme les restes de poissons, phoques et crustacés. Ils consommaient des animaux terrestres tels le cerf élaphe, prélevé avec modération, et beaucoup d’oiseaux, mais savaient aussi « se débrouiller sur un petit territoire grâce à leur exploitation de la mer », selon la chercheuse.
L’étude reste prudente sur la motivation d’une installation sur l’archipel à une époque de mouvements de population. « Ils étaient peut-être curieux », suppose Eleanor Scerri. En tout cas suffisamment familiers du milieu marin pour se lancer dans une aventure périlleuse. Car si l’île était bien visible depuis les hauteurs en Sicile, elle est trop lointaine pour être discernable au niveau du rivage. L’expédition supposait donc, « avec peut-être une pirogue de bois ou un radeau fait de roseaux ou de peaux d’animaux », de « passer au moins un jour et une nuit en mer, avec des compétences de navigation comme la connaissance des courants et possiblement des constellations », souligne Dylan Gaffney, professeur en archéologie du paléolithique à Oxford, dans un article accompagnant l’étude.
Une maîtrise de la mer
Ce constat « a des implications importantes sur la compréhension des capacités maritimes des premiers peuples méditerranéens », ajoute-t-il. Loin de l’image populaire du cueilleur de châtaignes et chasseur de sanglier, ces populations étaient aussi aptes à l’exploitation des ressources de leur littoral. Voire à des connexions maritimes plus étendues, comme le soulignent les Eleanor Scerri et Dylan Gaffney en référence à une étude parue le mois dernier dans Nature. Qui a découvert des traces d’ADN de chasseurs-cueilleurs européens dans le patrimoine génétique d’un fermier du Maghreb il y a 8 000 ans.
L’étude de l’équipe du Max Planck et de l’Université de Malte montrerait ainsi que les premiers peuples méditerranéens étaient « capables de longs voyages, similaires en magnitude aux traversées maritimes en Asie du Sud-Est, Japon et Nouvelle-Guinée », selon le Dylan Gaffney. Des compétences nourries par la nécessité de s’adapter, bien avant ce temps, à la montée des eaux enregistrée à la fin du dernier âge glaciaire, il y a entre 20 000 et 10 000 ans, rappelle l’universitaire. C’est ce même savoir qui a pu, bien plus tard, profiter aux populations de fermiers du Néolithique. « On peut se demander si cela n’a pas favorisé l’extension rapide de l’agriculture sur le littoral méditerranéen », interroge la Eleanor Scerri.