À l’instar de cette villa des années 70 à Poisat, certaines maisons disposent d’un terrain susceptible d’être détaché pour être vendu séparément et accueillir un nouvel habitat.
On fait alors ce que l’on appelle une division parcellaire. « La famille souhaitait vendre la propriété de leurs parents pour aider celui restant à supporter le coût de la maison de retraite où il est », explique Adrien Lando, cogérant de l’agence Valoris Immobilier (Grenoble). « Mon travail est d’ouvrir toutes les possibilités et d’informer les propriétaires de ce qu’ils peuvent faire ».
Après analyse du règlement d’urbanisme, la division parcellaire était envisageable. Montant estimé de la vente ? Entre 310 et 320 000 € pour la villa et toute sa parcelle, entre 415 et 435 000 € pour la maison et un terrain détaché non viabilisé de 360 m².
« Mais il n’y a pas de solution miracle. Chaque option a ses avantages et ses inconvénients en termes de contraintes réglementaires, de délais d’instruction et de vente, de frais générés et de taxes… À nous d’être dans cette souplesse en fonction des attentes des clients » résume le professionnel.
Sollicitée par un voisin pour racheter l’ensemble, la famille a opté pour cette solution plus rapide et soumise à moins d’aléas, notamment en termes d’accès de la parcelle détachée.
Un sujet épineux pour les communes
Souvent, l’accès de ces parcelles détachables n’a pas été prévu. « Et dans le contexte de la loi Zéro artificialisation nette (Zan) et de la limitation de la consommation d’espace, notre souci est que ces divisions soient économes en mutualisant notamment les accès et les haies » explique Françoise Rey, l’adjointe à l’urbanisme de Saint-Jean-de-Moirans.
La commune a choisi d’inscrire des règles de division parcellaire dans son Plan local d’urbanisme (PLU) modifié. Elles font l’objet d’une Orientation d’aménagement et de programmation (OAP) non sectorielle.
Saint-Martin-d’Uriage en a fait de même. Le sujet est en effet devenu épineux pour les communes, confrontées à une demande accrue de divisions parcellaires.
Voilà 50 ans, il fallait souvent de grandes parcelles pour construire une maison, exigence souvent liée à l’installation d’une fosse septique et son système d’épandage.
La suppression du Coefficient d’occupation au sol (Cos) et des surfaces minimales des terrains constructibles dans les PLU introduit par la loi Alur (1) a permis de construire sur de plus petites parcelles. Certaines font tout juste 300 m².
Des points bloquants
Vendre une partie de son terrain devenu avec l’âge trop grand pour l’entretenir, en céder une partie à ses enfants, augmenter la valeur de vente… Les objectifs de la division parcellaire sont variés.
« Il y a cinq ou 10 ans, les règles étaient moins contraignantes et l’on tirait un trait à l’arrière de sa maison sans forcément apprécier le projet dans sa globalité » rappelle Jordan Carvin, cogérant de la société Trévit (Grenoble).
Ce spécialiste de la valorisation immobilière par division du bâti en constate aujourd’hui les dégâts collatéraux comme pour ces propriétaires de Jarrie qui se retrouvent avec le mur de la nouvelle maison à deux mètres de leur terrasse. « Ils ont peut-être gagné 200 000 € avec le foncier qu’ils ont détaché mais en perdront peut-être au final tout autant sur leur maison. S’ils parviennent à la vendre ».
Magali Tracou, négociatrice de l’agence Arava Immobilier (Grenoble) peut aussi témoigner de ces difficultés de revente.
Si le terrain constructible situé à l’arrière d’une maison familiale du Grésivaudan a pu être divisé trois lots, leur route d’accès prévue à proximité immédiate de cette bâtisse « mère » rebute les acquéreurs potentiels.
La mutualisation des accès est aujourd’hui, avec le très faible Coefficient d’emprise au sol (CES) imposé sur certaines zones, un des points les plus bloquants des divisions parcellaires.
Pour leur autorisation d’abord, mais aussi pour la vente des lots détachés. « Les rapports entre acheteurs et vendeurs se compliquent aujourd’hui. S’il y a des servitudes de passage, 50 % des acquéreurs potentiels ne viennent pas visiter le terrain » note Nathalie Panalier, cofondatrice de l’agence Trenta Immobilier (Voiron, Grenoble).
Du cas par cas
Procédure contraignante et souvent longue, la division parcellaire n’a rien de magique. Elle génère des coûts (géomètre, actes notariés, travaux…).
« Et le fait de densifier crée une décote. La division parcellaire peut être une façon de valoriser son bien, mais cela ne permet pas d’exploser les gains » souligne Lionel Goncalvez, cofondateur de l’agence Arava Immobilier.
Certains agents immobiliers en ont l’expertise. D’autres sollicitent des marchands de bien pour vendre un bien comme cette grande ferme rénovée et ses 3 000 m² au bord du lac de Paladru.
« Les propriétaires pourraient détacher deux lots constructibles et revendre la maison mère d’un seul tenant ou en deux habitats », avance l’un d’eux, Mathieu Morestin (MM Développement,Colombe) intervenu sur ce mandat de vente. « Mais c’est de la couture, il faut être délicat et savoir jongler entre toutes les contraintes ».
Du cas par cas que Nicolas Fillecia connaît bien aussi. « Il peut y avoir un arbre classé, un bâtiment à détruire, une ligne électrique trop proche, un local poubelle à mutualiser avec un voisin… Il faut croiser les intérêts de tout le monde, mairie, propriétaires, voisins… » énumère ce responsable d’opérations du constructeur Les Bâtisseurs d’aujourd’hui (Corenc).
L’accompagnement de ces professionnels peut vite devenir déterminante.
Les cinq clés de la division parcellaire
Pour favoriser la compréhension des règles d’urbanisme liées à la division parcellaire, la Métropole grenobloise a conçu avec l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise (Aurg) un guide intitulé « Les cinq clés de la division parcellaire », téléchargeable sur leur site internet respectif.
Ces éléments existent déjà dans le règlement d’urbanisme métropolitain mais ils sont là rassemblés, schémas et dessins à l’appui.
« Le plus simplement possible pour favoriser leur prise en main par les instructeurs et les pétitionnaires » précise David Rodriguez-Saores, architecte urbaniste de Grenoble Alpes Métropole (Gam).
Au-delà du rappel des procédures réglementaires à respecter, ce guide attire l’attention des pétitionnaires sur les points clés d’une division parcellaire réussie : 1- bien diviser pour mieux habiter, 2-soigner les accès, 3- préserver l’intimité et optimiser les espaces verts, 4- renforcer la nature existante, 5- soigner les limites de votre terrain.
Objectif ? Qu’ils se projetent un peu plus loin la réflexion sur l’usage de la pleine terre, les clôtures, le soin des accès, l’aire d’ordure ménagère… et évitent ainsi les déconvenues comme la possible nécessité de réengager des frais si le découpage ne convient pas ou des éléments réglementaires n’ont pas été pris en compte.
« On ne peut plus aujourd’hui décider d’un découpage de terrain sans d’emblée réfléchir à ce qui pourra se construire dessus » résume l’architecte conseil Jean-Marc Aufauvre.