L’histoire de la semaine : bilan comptable

C’est un conseil municipal en forme de revue de mandat qui s’est tenu lundi 23 juin à Strasbourg. Au menu : un paquet de délibérations budgétaires, une piste cyclable à un million et un conflit israélo-palestinien importé dans l’hémicycle. Si vous avez manqué le spectacle, voici le replay.

D’abord, la Cour des comptes. Reporté du précédent conseil, son rapport a ouvert le bal. L’adjoint aux finances, Syamak Agha Babaei, n’a pas manqué de railler les ambiguïtés de « l’ordolibéralisme », qu’il fustige avec constance, conseil après conseil. D’un côté, la Chambre régionale des comptes somme la Ville de rénover patrimoine scolaire et muséal. De l’autre, les magistrats invitent la collectivité à tenir les cordons de la bourse. Alors certes, la dette a augmenté, mais Fitch confirme la note de la Ville… la même que celle de l’État français, glisse le premier adjoint – les macronistes apprécieront.

La droite a vu rouge. Jean-Philippe Vetter (LR) a ressorti la calculette : +72 % de dette en quatre ans, pour seulement 3 millions d’autofinancement prévus en 2027, c’est le signe que la municipalité a croqué toutes les marges de manœuvre. « Vous avez enchaîné les gadgets », tacle Pierre Jakubowicz (Horizons), pendant que Caroline Barrière (PS) enfonce le clou : « Ce sont les dépenses non maîtrisées, pas les recettes, qui plombent le navire. »

Réponse du bord vert : des investissements assumés et des écoles rénovées malgré la tempête. Hülliya Turan rappelle que 25 % des Strasbourgeois vivent sous le seuil de pauvreté : « On ne gouverne pas une ville avec des tableurs. » Et Suzanne Brolly d’aligner les arbres (1 000 plantés par an), les hectares de parcs (27), les écoles végétalisées (70 %), les aides aux copropriétés (30 M€). Clôture du débat : Jeanne Barseghian cite Pisani-Ferry et Moscovici. L’écologie ne rentrera pas dans les cases comptables. Les délibérations sont votées. Rideau.

Le chiffre

La Ville de Strasbourg veut créer 40 hectares de prairies en transformant l’équivalent de 10 % de ses espaces verts d’ici 2028. Les élus ont adopté un plan dédié ce lundi 23 juin, face à une opposition s’inquiétant de savoir qui tiendrait la binette – on manque de jardiniers – et si ces herbes hautes n’allaient pas favoriser la prolifération des rats et des tiques.

Aïda et Ramat Gan : diplomatie de bancs

Enfin, dernier acte, ambiance géopolitique. Le jumelage avec le camp palestinien d’Aida a, sans surprise, profondément divisé l’hémicycle. De « manière exceptionnelle », Jeanne Barseghian a découpé la délibération en trois tranches. Si le projet de coopération avec Bethléem, piloté par le quai d’Orsay, et le versement de 20 000 € au fonds de solidarité pour les populations civiles sont passés à l’unanimité, le jumelage avec le camp de réfugiés palestiniens d’Aida est passé avec les voix de la majorité, les oppositions s’abstenant. Mais les débats qui ont précédé vont laisser des traces.

L’opposition est revenue sur les clichés de la maire avec le keffieh ou une carte de la région antérieure à Israël – autant de symboles qu’elle interprète comme une négation d’Israël et un parti pris antisioniste. La maire a eu beau plaider une « optique de paix » et un « geste de solidarité », rien n’y a fait. Notamment parce que le gel du jumelage avec Ramat Gan rend inaudible cet argument, estime l’opposition.

Et justement, Jean-Philippe Vetter contre-attaque, en fin de conseil, précisément sur ce point. Sa résolution propose de revenir sur « le gel du jumelage avec Ramat Gan », pourtant décidé par la maire. Surprise, le texte est adopté à 12 voix « pour » (droite, centre et PS) contre 11 et 4 abstentions. Barseghian ne vote pas, invoquant l’« insincérité » du déposant. Elle regrette ce texte, rappelle les tensions diplomatiques et martèle : « Les liens ne sont pas rompus. » En vain.

La phrase

De l’autre côté de l’Atlantique, dans une motion déposée en vue de son examen lors d’un conseil municipal le mercredi 25 juin, le conseiller municipal de Boston Ed Flynn a demandé la « suspension » du jumelage avec Strasbourg. Et ce jusqu’à ce que la « Ville [de Strasbourg] réaffirme son attachement au droit d’Israël à exister ».

En effet, cet élu démocrate d’opposition estime que le gel du jumelage avec Ramat Gan, « sans passer par un vote du conseil », la photo de la maire avec une carte de la région controversée – avec un drapeau palestinien, mais sans trace d’Israël – ont jeté le trouble « dans la communauté strasbourgeoise et dans les communautés juives à travers le monde ». Au point « d’envoyer un message pour le moins perturbant », niant à l’État Hébreu le droit d’exister.

En bref

La Ville a créé une société publique locale pour reprendre en main la gestion de son stationnement payant sur voirie. Exit Streeteo. Fini aussi les courriers de lecteurs rageurs sur le sujet ? Que sera, sera.