Dans l’un des box du cabinet de Kiné Montolivet, Théo Cantona est assis, bottes de pressothérapie aux pieds. Il lui reste encore 20 minutes de soins, et un objectif en tête : revenir à son meilleur niveau sur le sable.
Les ligaments croisés en reconstruction, mais le maillot rose et noir de Marseille Beach Team toujours sur les épaules. Même en convalescence, le joueur de beach soccer ne décroche jamais vraiment le terrain.
À presque 30 ans, l’Allaudien n’est pas un attaquant de football classique : c’est sur les plages et non sur du gazon qu’il fait vivre le ballon. Avec des gestes spectaculaires, qu’il qualifie lui d’« acrobatiques ». Théo évolue dans un sport encore méconnu mais ultra physique, où les retournés, les duels et les sprints dans le sable s’enchaînent à un rythme effréné. « Ce que j’aime, c’est le côté show. Le ballon ne reste jamais au sol. Tu sautes, tu frappes, tu t’arraches sur chaque action. »
© A. A. – Théo Cantona a entamé sa rééducation en décembre 2024 avec l’équipe de Kiné Montolivet. Le beach soccer : « Je suis tombé dedans comme Obélix »
L’histoire commence forcément tôt. Le beach soccer, chez les Cantona, est une affaire de famille. « J’avais trois ans quand mon père l’a ramené du Brésil. Je suis tombé dedans comme Obélix, petit », avance Théo. Joël Cantona, son père, a contribué à implanter la discipline en Europe, soutenu par ses frères, Eric et Jean-Marie. The King*, alors sélectionneur-joueur de l’équipe de France, décroche même un titre de champion du monde en 2005.
Mais Théo ne se précipite pas directement sur le sable. Il commence par le foot classique, passe par les clubs locaux, avant d’enfiler ses premières chaussettes de beach soccer à 17 ans, à Aix-en-Provence. L’aventure s’interrompt rapidement – faute de moyens, le club dépose le ballon.
Théo part alors voyager, en Australie notamment, et met la discipline entre parenthèses. Jusqu’à ce que le virus le rattrape à 21 ans : retour à Aix, deux saisons, puis cap sur La Grande-Motte (Hérault), l’un des clubs les plus structurés de France. Enfin, Marseille. Depuis cinq ans, il évolue à la MBT : « Un vrai projet, avec un terrain dédié, monté avec la mairie des 9/10. C’est le premier de la ville. »
Un sport spectaculaire mais exigeant
Le beach soccer ne s’improvise pas. Terrain réduit (36 mètres), matchs en trois tiers-temps de 12 minutes, changements illimités… et sable brûlant sous les pieds. « On mouille le sol régulièrement, sinon tu te crames. Mais le plus dur, c’est l’effort constant. Cardio, explosivité, reprise d’appui… t’as pas une seconde de répit. » Même les attaquants défendent. Même les artistes transpirent. Théo insiste : « Même si t’es pas un acrobate, tu peux jouer. Mais il faut être solide. »
Les buts pleuvent : neuf ou dix par match en moyenne. Et la saison s’étire de mars à décembre : championnat de France de mai à août, Ligue des champions en juin, Coupe du monde des clubs en septembre, Grèce en octobre, Andalousie en décembre. Une planète sableuse encore discrète dans l’Hexagone mais bien installée ailleurs : « On a dix ans de retard sur les Italiens, les Portugais, les Espagnols. » Et pourtant, la France a été championne du monde, il y a 20 ans. Un souvenir un peu lointain.
En Espagne, des souvenirs de match : « On m’a pété les deux dents, mais on a gagné »
Théo n’a pas choisi la voie la plus confortable. Le beach soccer ne permet pas – pas encore – d’en vivre, en France. À côté, il bosse dans l’événementiel avec son père. Joël a d’ailleurs organisé une Coupe du monde en 2008 à Marseille. Depuis ?
La Fédération ne suit plus vraiment. Il y a eu des choix d’investissement peu cohérents. Comme pour le foot en salle : ils investissent, mais mal. »
Et malgré les galères, le joueur garde l’envie. Même les mauvais souvenirs finissent en anecdotes. « En Espagne, je prends un coup de coude dès le premier match. Résultat : deux dents pétées. Mais on gagne le tournoi. »
© D. R. – Après avoir reçu un coup de coude, Théo Cantona a fini le tournoi avec deux dents cassées. Marseillais et sanguin
Sur un terrain, le buteur assume : il a le sang chaud. « Quand il y a des injustices, je peux vriller. Je suis Marseillais, ça joue. Et un Cantona, aussi. Le sang est très chaud dans la famille », dit-il en souriant. Il sait ce que son nom évoque. Mais ne le brandit pas. Il cherche à tracer sa voie, à construire son propre palmarès.
Son prochain objectif ? Gagner enfin le championnat de France avec le MBT. « Ça fait cinq ans qu’on court après. L’an dernier, on perd 5-4 en finale contre les Minots de Marseille. » Finale 100 % marseillaise. Et plus loin, un autre rêve : porter le maillot tricolore. « L’équipe de France, c’est dans un coin de ma tête. »
* Eric Cantona a été surnommé The King par les supporters de Manchester United pour son charisme, son style de jeu spectaculaire et son rôle décisif dans les succès du club dans les années 1990.
Le supplément marseillais :
Ton endroit préféré à Marseille :
OM ou pas OM ?
- Oui, OM. A la vie à la mort. Et même si on n’est plus le seul club français à avoir remporté la Ligue des champions, on est à jamais les premiers.
Le truc qui t’énerve le plus à Marseille ?
- La saleté dans les rues.
Le truc qui te fait rester à Marseille ?
- Le soleil, le foot, l’OM, et la famille bien sûr.
Le mot marseillais que tu adores utiliser ?
- « Tarpin ». Et j’aimerais l’utiliser un peu moins ! Et « tié un fada ! », j’aime beaucoup.
Une expression locale que tu as mis du temps à comprendre ?
- « Ça m’engatse ! »