L’affirmation selon laquelle la pilule contraceptive serait aussi dangereuse que le tabac ou l’amiante inonde les réseaux sociaux. En Suisse, les recherches sur le sujet ont bondi de 150% en un mois. Nous avons vérifié cette classification de l’OMS et on vous explique pourquoi la réalité est plus nuancée que les rumeurs alarmistes.

La pilule contraceptive a-t-elle été classée cancérogène par l'OMS ? La pilule contraceptive a-t-elle été classée cancérogène par l’OMS ? / FastCheck / 3 min. / vendredi à 12:59

L’information est exacte: en 2005, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a bien classé les contraceptifs oraux combinés (la pilule la plus courante) dans le Groupe 1 des substances cancérogènes, le niveau le plus élevé.

La pilule combinée, c’est celle qui contient à la fois des œstrogènes et de la progestérone. Attention: cette classification ne concerne pas les pilules progestatives seules (parfois appelées microdosées).

Cependant, cette classification est souvent mal interprétée. Le rôle du CIRC est d’identifier les « dangers » cancérogènes (ce qui « peut » causer le cancer) et non d’évaluer le « risque », c’est-à-dire la probabilité que cela arrive à une personne donnée. Comme le précise son préambule (Partie A, Section 2), le CIRC classe les substances selon le niveau de preuve scientifique de leur lien avec le cancer, et non leur dangerosité absolue. Le Groupe 1 signifie donc qu’il existe des preuves scientifiques solides d’une causalité, pas que la substance est la plus dangereuse.

Risques et bénéfices: une balance complexe

Le rapport du CIRC (Monographie 91) indique que la pilule combinée est liée à une légère augmentation du risque de certains cancers: sein, col de l’utérus et foie. Pour le cancer du sein, le risque augmente pendant la prise, mais « revient à la normale environ 10 ans après l’arrêt de la pilule ». Une étude récente publiée en 2023 dans « Plos Medicine » confirme que « toutes les contraceptions hormonales (…) augmentent le risque de développer un cancer du sein de 20 à 30% ».

Néanmoins, ce chiffre représente un risque relatif. Le risque absolu demeure faible, surtout chez les jeunes femmes. Par exemple, le risque absolu sur 15 ans est estimé à « seulement 8 cas pour 100’000 utilisatrices âgées de 16 à 20 ans », contre « 265 cas pour 100’000 utilisatrices âgées de 35 à 39 ans ».

La pilule peut aider à réguler les cycles menstruels irréguliers ou réduire les douleurs menstruelles

Jennifer Dotta-Celio, pharmacienne adjointe à Unisanté

Ce que les rumeurs sur les réseaux sociaux omettent souvent, c’est que le même rapport du CIRC souligne aussi que la pilule protège contre d’autres cancers. Le CIRC, dans sa « classification officielle », note « des preuves d’absence de cancérogénicité pour les cancers de l’endomètre, de l’ovaire et du côlon-rectum, et même une association inverse ». Elle réduit ainsi « significativement le risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire ».

Jennifer Dotta-Celio, pharmacienne adjointe à Unisanté, précise: « La pilule peut aider à réguler les cycles menstruels irréguliers ou réduire les douleurs menstruelles. »

Une étude de l’EPFL et du CHUV (2021, « EMBO Molecular Medicine ») a montré que certains progestatifs stimulent la prolifération des cellules du sein, tandis que d’autres, « anti-androgènes », ne le font pas, suggérant des pistes pour réduire ce risque. Ces recherches sont des « preuves mécanistiques » qui aident le CIRC à comprendre les mécanismes du cancer (« IARC Preamble, Partie B, Section 4 »).

Autres effets secondaires et contexte suisse

Au-delà du cancer, la pilule peut entraîner d’autres effets secondaires, comme la thromboembolie veineuse (TEV), la formation de caillots sanguins. Selon « Swissmedic de novembre 2024 », le risque varie selon le type de progestatif. Pour les non-utilisatrices, il est d’environ « 2 cas pour 10’000 femmes par an ». Pour les pilules les moins risquées, il est de « 5 à 7 cas », et pour d’autres, il peut atteindre « 8 à 12 cas pour 10’000 femmes par an ». Il est cependant « crucial de noter que (…) le risque de TEV lié à la pilule est inférieur à celui d’une grossesse et de la période post-partum ».

Jennifer Dotta-Celio détaille les risques de TEV: « Le risque de thromboembolie veineuse (TEV) varie selon le type de pilule contraceptive. Parmi les pilules les plus utilisées, celles contenant de la drospirénone ou celles de troisième génération présentent un risque plus élevé que celles de deuxième génération. » Elle ajoute que « tout contraceptif hormonal présente un risque plus ou moins élevé de thrombose. »

En Suisse, la pilule n’est plus la méthode de contraception la plus utilisée. Selon l’enquête suisse sur la santé de 2022, « seules 16% des femmes en âge de procréer utilisent encore la pilule ». En 2017, elles étaient 31 %. C’est une baisse significative, souvent liée à la peur des effets secondaires. Le préservatif est désormais plus utilisé, avec 36% d’utilisateurs.

En résumé: oui, la pilule combinée est classée cancérogène par le CIRC, mais cette classification indique une preuve scientifique, pas un niveau de dangerosité comparable à celui du tabac. Elle présente des risques, mais aussi des bénéfices, y compris la protection contre d’autres cancers. Si vous avez des questions ou des inquiétudes, le meilleur réflexe est toujours d’en parler avec votre médecin ou votre gynécologue.

Hélène Joaquim

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