Des bips insupportables. Vous voyez passer un cycliste avec un deux-roues qui sonne? Il s’agit sûrement d’un vélo proposé en libre-service à Nice. Mais c’est louche. Lorsqu’ils sont forcés et volés, ils émettent un son intermittent pour signaler qu’ils ont été détournés. Sauf que cela agace plusieurs quartiers de Nice, car ce sont des nuisances quotidiennes, s’agace Franck, résidant à Saint-Jean-d’Angély: « Sur la place en bas de chez moi, des jeunes font des tours sur des vélos qui sonnent en continu. Ça donne mal au crâne jusqu’à 22h – 22h30. »
À la différence de leurs prédécesseurs, les Vélobleus, les biclous des sociétés Pony (couleur bleue) et Lime (couleur verte) sont un peu plus faciles à détourner. Auparavant, chaque vélo était verrouillé sur un socle, plutôt complexe à débloquer illégalement. Mais depuis qu’ils sont arrivés à Nice fin février 2024, les Lime et Pony sont stationnés librement, en théorie sur des emplacements réservés. Seul un système de verrouillage mécanique du vélo les protège contre le vol.
Une alarme dès que le vélo est en mouvement
Pour les utiliser normalement, il faut donc se rendre sur l’application, localiser un vélo et le payer, ce qui conduit à son déverrouillage. Mais certains parviennent à les forcer pour s’affranchir du paiement. « Un vélo dégradé, dès qu’il est en mouvement, se met à sonner. C’est pour montrer aux gens autour qu’il y a quelque chose d’anormal », explique Guillem Leroux, directeur des relations publiques chez Pony, qui met à disposition 1.000 vélos dans toute la métropole de Nice. L’alarme continue de sonner tant que le capteur du vélo détecte un mouvement, et s’arrête après son immobilisation. Pendant ce temps, la société est avertie et la géolocalisation du vélo est envoyée. « Des logisticiens vont ensuite les récupérer et les emmènent à l’atelier pour qu’ils soient réparés et remis en service », poursuit Guillem Leroux.
Si ces alarmes semblent utiles, Franck songe à déposer plainte en raison des nuisances sonores qu’elles génèrent.
« Ce n’est pas à nous de payer le fait que les vélos soient fraudés, argumente-t-il. Je ne vais pas courir après les personnes qui circulent sur un vélo volé. Quant aux voleurs, ça n’a pas l’air de les déranger plus que ça », ironise Jean-Michel Bidart, président du comité de défense du quartier du port de Nice.
Des engins de 30kg sans assistance électrique
Pourtant, lorsqu’ils sont forcés, ils sont beaucoup plus durs à manœuvrer, car l’assistance électrique ne fonctionne pas. Il est donc uniquement possible de pédaler pour mettre en mouvement l’engin de 30kg.
Les fraudeurs, considérés comme des voleurs, encourent trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. « Si quelqu’un est pris sur le vif par la police et identifié, nous portons plainte systématiquement », prévient le porte-parole de Pony. Chez Lime, ces vols sont « un réel problème », souligne Jacques Thiébaut, responsable communication de la société. Les équipes travaillent pour sécuriser davantage leurs vélos et font aussi la chasse aux contenus qui apprennent à frauder. « Sur les réseaux sociaux, il y a des vidéos qui montrent comment hacker un vélo. On fait une veille et on les signale systématiquement », assure le porte-parole de Lime. Les deux sociétés ont refusé de donner des chiffres sur l’état de la fraude.
« Ils encombrent les trottoirs »
Au port, un autre problème gêne Jean-Michel Bidart, le président du comité de quartier. « Comme ils n’ont plus de socles, . Ça fait un souk du diable », constate-t-il. La société Lime l’assure pourtant : les villes allouent seulement certains emplacements pour garer les vélos. « Si les utilisateurs se garent en dehors, ils ne peuvent pas terminer leur course sur l’application. La première fois, le trajet continue pendant 15 minutes. La seconde fois, ils ont une amende de 15 euros, puis de 25 euros la fois suivante. Nous avons aussi déjà banni des utilisateurs qui ne respectent pas nos conditions », avertit Jacques Thiébaut. Mais cela concerne bien sûr les utilisateurs légaux.
Sur les places Arson et Cigalusa à Riquier, même problème. « Certains font tomber en dominos une quinzaine de vélos. Ils sont ensuite couchés et encombrent les trottoirs », râle Bernard Duranthon, président de l’association Arson Village. Selon Pony, les services sont aussi avertis lorsque les vélos sont en position couchée, et peuvent les remettre en place rapidement.
Depuis le lancement des services Lime et Pony, les deux sociétés revendiquent plus d’1,7 million de trajets dans la métropole de Nice.