Après trois ans de combats acharnés, Donald Trump espérait parvenir à mettre fin à la guerre en Ukraine (et même en vingt-quatre heures chrono, s’il vous plaît). Mais, si la partie américaine a obtenu un semblant de discussion entre belligérants en Arabie saoudite – vite suivi par le silence, les canons, eux, parlent toujours autant sur le front. « On constate une intensification des attaques et des bombardements depuis le début des négociations », commente Carole Grimaud, chercheuse en Sciences de l’information et de la communication à l’université Aix Marseille.

Dans la région russe de Koursk que les Ukrainiens avaient envahie par surprise à l’été 2024, « les trois quarts du territoire ont été récupérés par les Russes, soit environ 60 kilomètres² », précise l’experte de la Russie. Dans le même temps, l’armée russe progresse lentement sur le front est (dans la région de Kharkiv et de Soudja), mais aussi sur le front sud. Dans son point daté du 3 au 6 avril 2025, le ministère des Armées français note que les forces russes « ont l’ascendant sur la ligne des contacts ».

Ni gel, ni offensive massive

« Il n’y a pas d’invasion à grande échelle, tempère Carole Grimaud. Ce sont plutôt des offensives retenues. » Le Kremlin parvient bien à arracher des miettes territoriales de-ci de-là, mais la ligne de front, longue de plus de 1.500 kilomètres, a peu bougé depuis 2023. « On ne parle pas de grandes échelles. Fin 2023, les forces russes occupaient 17 % du territoire, aujourd’hui elles en occupent environ 20 % [certaines sources évoquent même 18,5 %] », illustre Carole Grimaud. Pas de quoi faire pâlir de jalousie Napoléon donc, qui à l’apogée de ses conquêtes, pouvait assujettir des centaines de milliers de kilomètres carrés chaque année.

Carole Grimaud l’assure toutefois : « Le front n’est pas du tout gelé. » « Certes, on observe une guerre d’attrition depuis 2023, mais chacun ne campe pas de son côté. Les forces russes espèrent avancer plus loin. Si les Ukrainiens n’étaient pas aussi résistants, les Russes avanceraient certainement beaucoup plus loin ! » Car les Ukrainiens, après la contre-offensive décevante de l’été 2023, ont changé de stratégie. Interrogé par La Dépêche lundi, le général Jérôme Pellistrandi explique que Kiev adopte désormais « une posture défensive assumée, notamment via un renforcement massif des lignes : tranchées, fortifications, pièges antichars ». Leur emploi des mines antipersonnel a d’ailleurs fait scandale, tant ces armes sont persistantes après les conflits et meurtrières pour les civils.

Un nouveau printemps guerrier

Malgré une situation relativement stable, l’arrivée des beaux jours est aussi synonyme d’offensives plus agressives en Ukraine. Dans une interview au média ukrainien Leftbank, le général Oleksandr Syrsky expliquait mercredi que l’offensive russe de printemps avait débuté. « Depuis plusieurs jours, nous observons un quasi-doublement du nombre d’actions offensives ennemies dans toutes les directions principales », explique-t-il. « Jeudi matin, les Russes ont lancé une offensive sur Soumy et Kharkiv. Les Ukrainiens s’attendaient à cette attaque, mais on voit que ça s’accélère. De l’autre côté, il semblerait que les Ukrainiens aient lancé une offensive dans la région de Belgorod, même si on a très peu d’informations pour le moment », décrypte Carole Grimaud.

La dynamique sur le terrain tranche donc avec les ambitions américaines de mettre rapidement fin au conflit. D’autant plus que le chef adjoint du bureau président ukrainien, Pavlo Palisa, a assuré début avril que l’armée russe prévoyait d’augmenter son contingent de soldats en Ukraine. Ce sont donc 150.000 hommes qui pourraient rejoindre les rangs d’une armée estimée à environ 600.000 personnes à l’heure actuelle. « Il est clair qu’on ne s’oriente pas vers un arrêt des combats ou vers le cessez-le-feu », glisse Carole Grimaud. « Beaucoup d’analystes avaient prévu une fin de la guerre en Ukraine pour 2025 mais, pour l’instant, elle ne semble pas se profiler. Au contraire, cette issue semble petit à petit nous échapper. »