L’annonce du déblocage d’une aide de l’UE de 15 millions d’euros pour soutenir des projets portés par des Noirs, des femmes ou encore des jeunes sud-africains ne passe pas, alors que la filière française traverse une grave crise.

Au moment même où la filière viticole française, confrontée à la baisse de la consommation d’alcool et au changement climatique, traverse une crise, voilà un financement européen qui ne passe pas. Les viticulteurs français viennent d’apprendre qu’une subvention européenne de 15 millions d’euros avait été récemment débloquée en faveur de l’industrie viticole sud-africaine.

Plus précisément, cette enveloppe servira, comme l’explique l’organisme professionnel South Africa Wine, à «stimuler une croissance inclusive, à ouvrir de nouvelles opportunités commerciales et à soutenir le développement de marques, d’exploitations agricoles, d’établissements d’enseignement et d’entreprises détenues par des Noirs tout au long de la chaîne de valeur du vin et des spiritueux». En clair, il s’agit notamment de soutenir des projets portés par des Noirs, par des femmes ou encore par des jeunes, et de «promouvoir un accès équitable à la terre ou à des infrastructures adéquates» dans ce secteur des vins et spiritueux. Sur ces 15 millions, 10 millions d’euros seront consacrés au développement des entreprises et 5 millions à des initiatives axées sur la commercialisation et la distribution des vins sud-africains.

Un accord datant de 2002

Cette aide européenne découle en réalité d’un texte datant… de plus de vingt ans. Elle figure en effet dans un accord sur les vins et spiritueux entre l’UE et l’Afrique du Sud entré en vigueur en 2002, faisant partie d’un accord commercial plus global signé en 1999. Cet accord prévoyait notamment un quota d’importation annuel – fixé à 119 millions de litres pour 2024 -, permettant l’entrée de vins sud-africains en Europe sans droits de douane. Mais aussi, donc, une «aide communautaire à la restructuration du secteur sud-africain des vins et spiritueux» de 15 millions d’euros. Aide qui n’avait jusque-là jamais été versée. Jusqu’à aujourd’hui. Car en Afrique du Sud aussi, la filière viticole traverse de grosses difficultés, liées à une stagnation des ventes.

Une subvention «indigne» et «incompréhensible» pour Jérôme Despey, premier vice-président de la FNSEA, le syndicat majoritaire chez les agriculteurs. «Au moment où nous vivons une crise d’ampleur , je trouve cette décision inadmissible et une vraie provocation pour la filière viticole européenne», déplore-t-il sur X, en appelant «la Commission européenne à stopper immédiatement ces aides au profit de la viticulture d’Afrique du Sud». «Au moment où nous demandons des crédits de réserve de crise pour accompagner les viticulteurs, cette décision va mettre le feu», avertit le viticulteur héraultais.

Une aide d’autant plus dure à avaler pour la filière française que les États européens viennent d’approuver un plan de Bruxelles pour soutenir la viticulture, qui prévoit notamment d’offrir plus de souplesse aux pays membres dans les opérations d’arrachage et de replantation, mais sans moyens supplémentaires. «Nous ne pouvons pas être traités de la sorte avec un “paquet vin” où la Commission européenne n’annonce aucun financement pour les pays européens. Elle doit se ressaisir très vite est annoncer des soutiens massifs pour aider avant tout la viticulture européenne», appelle Jérôme Despey.

Échos politiques

«Nous demandons depuis des mois des aides pour une restructuration de notre vignoble, alors que la demande ne cesse de baisser. Cela coûte cher et on nous dit qu’il n’y a pas d’argent. Et non seulement on encourage nos concurrents, mais on finance leur développement ? Cela n’a aucun sens», s’emporte de son côté Joël Boueilh, président des Vignerons coopérateurs de France, dans L’Opinion.

L’irritation des viticulteurs français contre cette subvention européenne commence même à avoir des échos politiques, en particulier à droite. «Pendant qu’on regarde mourir notre patrimoine, nos terroirs, nos familles, Bruxelles finance des projets à l’autre bout du monde. Quelle honte. Quel mépris», a fustigé sur X Stéphanie Galzy, députée RN de l’Hérault. «La viticulture européenne est en crise et l’Europe subventionne la viticulture sud-africaine à coups de millions d’euros au nom de “l’inclusivité”. Nous marchons sur la tête», a également dénoncé Maxime Michelet, député ciottiste de la Marne.