Quelques vacanciers en villégiature à Saint-Tropez sont venus faire un saut au petit village médiéval du Val. Il faut dire qu’il a son charme, avec ses petits cafés, son moulin à huile d’olive et son église du XIe siècle, hors des sentiers battus de la Provence. Les cinq Mexicains qui ont débarqué ici voilà un peu plus de deux ans n’ont donc sans doute pas fait tache dans le paysage, même s’ils avaient fait un sacré voyage pour venir visiter un village où il ne se passe pas grand-chose. Or, c’était justement la raison de leur présence ici.
Les hommes en question, qui avaient loué une villa somptueuse, étaient mandatés par le cartel le plus redouté du monde, celui de Sinaloa. Nos Mexicains, tous chimistes, étaient arrivés au Val pour y ouvrir un laboratoire de méthamphétamines et former des gens du cru pour le gérer, avant de rentrer au Mexique et de percevoir une partie des profits générés.
Quand la police française y a effectué une descente, le laboratoire tournait déjà à plein régime, et les cinq Mexicains s’étaient envolés depuis belle lurette. Jérémy Giuliano, le maire du Val, fait observer :
“S’ils sont venus ici, c’est parce qu’on est un petit village tranquille et, comme nous, ils ne voulaient pas être dérangés.”
La création de ce laboratoire était la première opération confirmée du cartel sur le sol hexagonal. Et ce n’est sans doute pas la dernière.
Sinaloa étend ses tentacules sur l’ensemble du globe
Depuis quelques années, Europol fait état d’un rapprochement entre les cartels latino-américains et les gangs européens. Les policiers estiment que près de 400 kilos de méthamphétamine ont été produits au Val, pour être écoulés localement mais aussi exportés en catimini à l’étranger, jusqu’à la Nouvelle-Zélande, pour un profit estimé à plus de 11 millions d’euros.
Les 15 personnes arrêtées au Val étaient pour l’essentiel des Français – et des malfrats locaux – même si certains membres présumés de Sinaloa n’avaient pas quitté le pays. Le Colombien Elias Heriberto Ravo Tobar, 66 ans, a ainsi été arrêté [fin mai] à Paris grâce à une info des autorités américaines, qui le recherchaient pour trafic de cocaïne.
Le cartel de Sinaloa étend ses tentacules sur l’ensemble du globe. On sait qu’il a des clients sur tous les continents et qu’il fournit en Chine, en Inde et dans toute l’Asie des produits chimiques entrant dans la composition de diverses drogues. Longtemps, sa présence était cependant sporadique en Europe, où le gros du trafic est géré par des gangs marocains et albanais. Les choses sont en train de changer…
“Ça n’a pas vraiment été une surprise pour nous de découvrir un laboratoire lié à un cartel mexicain en France, confirme Dominique Lambert, de la gendarmerie nationale, qui constate une évolution analogue en Belgique et aux Pays-Bas. Il n’y avait pas de raison de penser que la France serait épargnée. Le cartel de Sinaloa est une multinationale de la drogue, avec des dizaines de milliers de personnes associées à ses activités dans le monde entier.”
Durcissement de la répression aux États-Unis
Parmi les facteurs ayant amené le cartel à étoffer ses activités, on peut citer la pression accrue des autorités américaines sur l’une de ses principales sources de revenus : les livraisons de fentanyl et de cocaïne au marché américain. Un des chefs de Sinaloa, Ismael “El Mayo” Zambada, a été arrêté en juillet 2024 à l’atterrissage de son avion au Texas. Il avait été trahi par un r