Avec l’achèvement de l’îlot mixte Bergeron, un pan du passé industriel de l’île de Nantes (Loire-Atlantique) aurait pu s’effacer. Livrée par étapes en début d’année, cette opération de 12 000 m² SP s’est développée sur l’emprise de la dernière halle Alstom du territoire à n’avoir pas muté. Des activités d’entretien de turbines y ont perduré jusqu’en 2021. Mais, à sa manière, le projet conçu par l’architecte et urbaniste Alexandre Chemetoff pour le groupe Quartus a préservé l’esprit des lieux…

Depuis que les chantiers navals ont fermé en 1987, après deux cents ans d’existence, Nantes n’a jamais rompu avec cette histoire.

Dans le nouveau morceau de ville en construction depuis vingt-cinq ans, sur la pointe ouest de l’île, d’anciens bâtiments d’usines ont demeuré çà et là, convertis à de nouveaux usages, surtout en lien avec la création ou la tech. La première démonstration de cette possible transformation remonte au début des années 2000. Le même Alexandre Chemetoff, alors premier maître d’œuvre du réaménagement de l’île, avait réhabilité de hautes halles en nefs culturelles, pour accueillir notamment les Machines de l’île, et créé le parc des Chantiers, au paysage marqué par les rampes de lancement de navires.

Qualité d’insertion urbaine

« Mais que garder quand il ne reste rien, si ce n’est la mémoire ? », interroge aujourd’hui l’architecte. Car sur la parcelle du projet Bergeron, située en face des Machines, les édifices industriels n’ont, cette fois, pas pu être conservés. « La question s’est posée, mais la faisabilité technique d’une restructuration s’avérait compliquée, explique Yann Pigeard, directeur de territoire Grand Ouest chez Quartus. Nous n’aurions pas pu développer le même programme. » Outre des logements, destinés à de l’accession libre et de l’habitat social, ce dernier a intégré très tôt la création d’environ 7 800 m² SP de bureaux pour la société Doctolib. S’y s’ajoutent des ateliers pour de l’industrie créative et culturelle et quelques commerces. « Nous avons plutôt axé la réflexion sur le réemploi. Ainsi, la structure métallique a été réutilisée ailleurs et une ancienne cuve a été conservée pour assurer la récupération et le stockage des eaux de pluie », poursuit Yann Pigeard.

En 2021, Alexandre Chemetoff remporte le concours de maîtrise d’œuvre, notamment pour la qualité d’insertion urbaine de son projet. Pour l’architecte, soucieux du respect de l’identité des villes, cet ensemble de quatre bâtiments neufs longeant une longue rue intérieure devait perpétuer l’histoire locale. Alors, puisqu’alentour s’étend une « mer de sheds » conservés, Alexandre Chemetoff a reproduit ce mouvement en dents de scie sur les corps de bâtiments accolés au parking voisin. Construit en 2009 par l’agence Barto+Barto, celui-ci conservait de toute façon sur sa face nord l’empreinte de l’usine disparue.

L’îlot Bergeron adopte un vocabulaire sobre, assez brut, reposant sur l’usage d’une structure béton, de bois en ossature de façade ou en structure pour les longues coursives à usage de distribution ou de balcons et enfin d’éléments métalliques simples. « Nous avons repris l’esthétique industrielle mais en lui conférant un aspect domestique », explique l’architecte. Ainsi, toutes les composantes du programme jouissent d’extensions extérieures et d’ouvertures généreuses.

L’omniprésence du bois aurait pu donner à l’opération un caractère rustique, ou pire, monotone, mais la réalisation se révèle d’une grande sophistication dans les détails, servie par la qualité d’exécution des entreprises. La composition du plan-masse, le dessin des façades et le traitement des circulations permettent enfin d’offrir une grande variété de situations. Yann Pigeard s’enthousiasme : « Où que vous soyez, vous profitez d’un point de vue différent, à travers une faille, depuis un angle… C’est la grande force de cette réalisation. »

Informations techniques

Maîtrise d’ouvrage : Quartus.

Maîtrise d’œuvre : Alexandre Chemetoff & Bureau des paysages (architecte mandataire, paysagiste), Christophe Theilmann (architecte associé), Isac (structure), Canopée (environnement), Gefi (fluides).

Surfaces : 11 970 m² SP dont logements : 2 699 m² SP ; bureaux : 7 807 m² SP ; ateliers ICC : 680 m² SP ; commerces : 784 m² SP.

Principales entreprises : Léon Grosse (gros œuvre), Cruard Charpente (charpente), André BTP (bardage bois), Ateliers David (bardage métal et métallerie), Tallot Couverture (couverture).

Calendrier : concours en 2021, déconstruction en 2022, début de la construction en 2023, livraisons début 2025.

Coût des travaux : 28 M€ HT.