Avec des températures qui frôlent déjà les 40 °C par endroits dans le Sud, avant une généralisation de la vague de chaleur à une grande partie de la France dans les jours à venir, les organismes des travailleurs vont être mis à rude épreuve. Mais quels sont les droits des salariés ? Peut-on demander à télétravailler ? Quelles sont les obligations des employeurs ? Existe-t-il un droit de retrait ? Libération fait le point avant que les fortes chaleurs ne reviennent.

Pour les personnes ayant des emplois de bureau, la loi ne leur permet pas d’exiger de rester en distanciel en cas de grosse chaleur, ou inversement en cas de grand froid, sauf s’il existe des dispositions contraires écrites dans l’accord collectif de l’entreprise. A noter que le code du travail ne fixe pas de température maximale au-delà de laquelle il est interdit de travailler en présentiel. Il est donc toujours possible de faire la demande de télétravailler à son employeur, mais ce dernier a la possibilité d’accepter ou non.

Un droit de retrait existe pour le salarié en cas de «danger grave et imminent». Il lui permet de s’arrêter sans conséquence et sans perte de salaire. Jean-Claude Sciberras, ancien président de l’Association nationale des DRH et qui dirige à présent le cabinet de conseil en relations sociales NewBridges, note cependant que «ce n’est pas toujours facile de le caractériser lors d’un épisode de forte chaleur».

S’il n’existe toujours pas de température maximale pour travailler au sens juridique, «au-delà de la barre des 33 °C, fixé par l’Institut national de recherche et de sécurité [IRNS], c’est considéré comme une situation qui peut présenter un risque pour la santé du salarié», souligne-t-il. «Si un de vos collègues fait un malaise car les règles ne sont pas respectées, cela serait compliqué pour un employeur de s’opposer au droit de retrait de ses salariés.» L’ancien président de l’ANDRH rappelle qu’avant tout, «ce n’est pas une question de confort mais de sécurité».

Le code du travail dans L’article L4121-1 stipule que l’employeur doit «prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs». La chambre de commerce et de l’industrie (CCI) liste une série de recommandations, en amont («identifier les risques», en «informer le CSE»…) et pendant une canicule («prévoir une nouvelle organisation du travail», «aménager les postes de travail», «former et sensibiliser les salariés»…). Elles diffèrent toutefois en fonction des spécificités de l’emploi. Un travail dans un bureau n’est pas soumis aux mêmes obligations qu’un métier pénible en extérieur.

Jean-Claude Sciberras met l’accent sur le fait que «ces mesures restent quand même assez largement à l’appréciation de l’employeur». Même si, dans l’idéal, «les bonnes conditions de travail sont fixées par les conventions collectives, les négociations patronales et grâce au dialogue social à l’intérieur de l’entreprise», rappelle-t-il.

De plus, un nouveau décret publié le 27 mai, qui entrera en vigueur mardi 1er juillet, fixe de nouvelles règles plus précises à respecter pour les employeurs. Le niveau de vigilance et les précautions à prendre par l’employeur doivent à présent s’adapter aux vigilances canicule jaune, orange ou rouge émises par Météo-France. Pour ceux œuvrant en extérieur, sans accès à l’eau courante, il est sera obligatoire à compter de la publication du décret au 1er juillet que soient mis à leur disposition trois litres d’eau fraîche et potable en cas de chaleur intense.

En outre, l’employeur sera tenu à partir de mardi de faire «évoluer l’organisation du travail avec des mesures visant à adapter les horaires, suspendre les tâches pénibles aux heures les plus chaudes, mieux ajuster les périodes de repos. Les postes de travail devront être aménagés pour amortir les effets des rayonnements solaires et l’accumulation de chaleur, par des dispositifs filtrants ou occultants, de la ventilation ou de la brumisation», est-il écrit sur le site du ministère du Travail.

Les inspecteurs du travail peuvent mener un contrôle aléatoire ou être prévenus par un salarié pour vérifier que la réglementation est bien respectée lors d’une canicule. Jean-Claude Sciberras insiste sur le fait qu’«il n’y a pas besoin de passer devant un tribunal pour arrêter le travail en cas de danger, c’est un des pouvoirs de l’inspecteur du travail d’ordonner l’arrêt d’un chantier par exemple s’il y a une situation de danger, comme lorsque les règles ne sont respectées lors d’une canicule». «En pratique c’est rare que l’inspecteur le fasse du premier coup, tempère le chef d’entreprise. Mais imaginez qu’il passe et qu’il fasse un constat qui n’est pas suivi. En revenant sur les lieux, il a le pouvoir d’arrêter les situations de travail dangereuses.»

En cas de non-respect des obligations de sécurité, une entreprise pour être condamnée à une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros par salarié concerné, et 30 000 euros ainsi qu’un an de prison en cas de récidive.