« Le professeur ». Derrière ce titre sobre et évocateur se cache un drame qui a bouleversé la France entière: l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020.
Ce professeur d’histoire-géographie avait été décapité par un terroriste islamiste, à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).
Sa sœur Mickaëlle, qui réside sur la Côte d’Azur, avait retracé l’engrenage mortel qui a conduit à cette tragédie, dans un livre coécrit avec la journaliste Emilie Frèche, Le cours de Monsieur Paty.
Ce sont ces dix jours fatidiques, rythmés par les accusations infondées et une série de lâchetés, que raconte Le professeur.
Une lecture-performance avec Carole Bouquet, mise en espace par Muriel Mayette-Holtz, la directrice du théâtre national de Nice. Une représentation unique est prévue ce lundi 30 juin à Nice, dans le cadre du « Festival de tragédies ».
Et cette initiative n’a pas manqué de faire réagir les avocats d’Abdelhakim Sefrioui, l’un des principaux accusés.
Le 20 décembre 2024, la cour d’assises spécialement composée de Paris a reconnu ce militant islamiste coupable d’association de malfaiteurs terroriste.
Elle l’a condamné à 15 ans de réclusion criminelle. « Il a interjeté appel de cette décision. Il est donc à ce jour présumé innocent », rappellent ses conseils, Me Vincent Brengarth et Colomba Grossi, dans un courrier adressé à Muriel Mayette-Holtz.
« Le public peut être tenté de prendre ce qu’il voit et entend pour la réalité »
« Il n’est nullement question pour nous de remettre en cause la liberté artistique, encore moins lorsqu’elle analyse la barbarie, même s’il est singulier que des œuvres de non-fiction interviennent en amont de l’aboutissement des processus judiciaires en cours, appelant impartialité, indépendance et sérénité », écrivent les avocats de la défense.
Problème, à leurs yeux: « Le public n’est pas toujours au fait des subtilités des procédures judiciaires, et peut être tenté de prendre ce qu’il voit et entend pour la réalité. »
Dans « Le professeur », Abdelkhakim Sefrioui est tour à tour cité comme « l’accompagnateur » ou le « militant islamiste ». Il est accusé d’avoir orchestré, avec le père d’une collégienne qui avait menti, la campagne de cyberharcèlement menée contre Samuel Paty.
Le professeur assassiné avait présenté des caricatures du prophète Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, avec en toile de fond le procès des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher.
« Très difficile de faire valoir les droits de la défense »
Mes Brengarth et Grossi rappellent qu’Abdelhakim Sefrioui « a, depuis le début de cette affaire, vigoureusement protesté de son innocence ». Voilà bientôt cinq ans qu’il est incarcéré et placé à l’isolement.
« Loin d’être un objet de théâtre, cette affaire emporte des conséquences très graves et violentes sur sa vie ainsi que sur sa famille qui subit de plein fouet cette situation. »
Point par point, ses conseils réaffirment l’innocence de leur client, même si la cour a affirmé le contraire en première instance.
En 2024, Vincent Brengarth avait raconté dans un livre, Défendre l’impossible, son combat pour l’un des principaux accusés dans un autre procès terroriste médiatique: l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice.
Dans ces dossiers chargés d’émotion, il constate « la très grande difficulté à faire valoir les droits de la défense ».
Dès lors, avec Me Grossi, il demande à la directrice du TNN de « s’assurer que le public soit informé de la position de notre client sur ces faits ainsi que de la présomption d’innocence dont il bénéficie ».