« Étant donné la possibilité de négociations avec l’Iran dans un avenir proche, je prendrai ma décision d’ici deux semaines » avait annoncé Donald Trump par la voix de sa porte-parole Karoline Leavitt, le 20 juin. Le lendemain, les États-Unis larguaient des bombes sur les trois principaux sites nucléaires iraniens.
Comme plusieurs médias américains l’ont souligné après l’événement, ce délai de « deux semaines » est une constante de la communication du président américain, souvent sans suite concrète. « Presque tout le monde à Washington le sait à présent : « deux semaines » est l’unité de temps favorite de M. Trump », pose ainsi le New York Times dans un billet. Sans vraiment être une mesure de temps, « deux semaines » constituent plutôt « un intermède » et « une chose insaisissable » pour Donald Trump, selon le quotidien américain. « Cela peut signifier quelque chose… Ou rien du tout. C’est à la fois un oui et un non. C’est remettre à plus tard tout en donnant une date », analyse le journaliste Shawn McCreesh.
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Selon la chaîne de télévision NBC News, Donald Trump a fait appel à ce délai à une douzaine de reprises… Au cours des deux derniers mois seulement ! Accords commerciaux, tarifs douaniers, conflit Ukraine-Russie, et bien d’autres encore… « Tous ces sujets, à un moment ou un autre, ont été des énigmes qu’il avait promis de résoudre « dans environ deux semaines », liste le New York Times.
« Deux semaines », un mantra déjà lors de son premier mandat
L’utilisation outrancière de ce délai magique prend sa racine dès le début du premier mandat de Donald Trump. « Nous allons annoncer quelque chose, je dirais dans les deux ou trois semaines à venir, qui sera phénoménal en matière de fiscalité et de développement de notre infrastructure aérienne », avait déclaré le président au sujet de ses projets de réforme fiscale, le 9 février 2017. Il avait fini par présenter un simple résumé en une page du plan… Onze semaines plus tard, selon une analyse de Bloomberg à l’époque. Un schéma qui s’était déjà reproduit à de nombreuses reprises entre 2017 et 2021.
- Deux semaines pour fixer les tarifs douaniers
Le 47e Président des Etats-Unis semble s’accrocher à cet étrange élément de langage depuis le début de son second mandat. « Si nous n’avons pas d’accord avec une entreprise ou un pays, nous allons fixer le tarif. […] Ça arrivera, disons, dans les deux prochaines semaines, vous ne croyez pas ? Moi, je pense que si […] Et ce sera peut-être pour la Chine aussi » assurait confusément Donald Trump lors d’un échange avec des journalistes dans le bureau Ovale le 23 avril dernier, promettant du même coup de « très bons accords » commerciaux. Les tarifs douaniers ont depuis évolué à plusieurs reprises.
Le 4 mai à bord de l’avion présidentiel Air Force One, il réitérait. « À un moment donné dans les deux ou trois semaines, je vais fixer les termes de l’accord [avec la Chine, NDLR]. Je vais désigner tel ou tel pays qui bénéficie d’un surplus commercial énorme à nos dépens », ajoutait-il.
Même promesse le 6 mai lors d’une rencontre avec le Premier ministre canadien Mark Carney. « Tout le monde demande : quand, quand ? Quand allez-vous signer les accords ? Nous ne sommes pas obligés de les signer […]. Ce sont eux qui veulent un accès à notre marché. Nous, on ne veut pas le leur. Donc on peut juste s’asseoir, et je le ferai à un moment dans les deux semaines à venir ».
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Le délai magique a depuis maintes fois été utilisé par le président sur le dossier des tarifs douaniers. « On va envoyer des lettres dans une semaine et demie, deux semaines, pour leur dire ce qu’on propose, comme je l’ai fait avec l’UE », promettait-il vaguement le 12 juin dernier en référence aux propositions d’accords douaniers qui doivent être fixées avec plus de 150 pays.
- Deux semaines pour décider de soutenir l’Ukraine
Même son de cloche sur le dossier ukrainien. « Je pense que nous allons conclure un accord, et si c’est le cas, ce sera formidable. Nous n’aurions pas à s’inquiéter de votre question. Vous pouvez la reposer dans deux semaines, et nous verrons » lançait Donald Trump au Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre, le 24 avril, au sujet d’une éventuelle poursuite de l’aide militaire et du renseignement à l’Ukraine si aucun accord de paix n’était conclu avec la Russie.
Le 19 mai dernier, le président était interrogé pour savoir si le président ukrainien Volodymyr Zelensky faisait assez pour mettre fin à la guerre. « Je préférerais vous répondre dans deux semaines parce que je ne peux pas dire oui ou non. Je pense — regardez, c’est un homme fort, Zelensky, pas facile à gérer, mais il veut mettre fin à la guerre », répondait-il alors.
- Deux semaines pour faire confiance à Poutine
Le 27 avril, des journalistes ont demandé à Trump s’il faisait confiance au président russe Vladimir Poutine, alors même que les attaques contre l’Ukraine s’intensifiaient malgré ses appels au cessez-le-feu. Le président a répondu : « Nous vous le ferons savoir dans environ deux semaines », avait-il arbitrairement tranché.
Quelques jours plus tard, le 4 mai, le président était interviewé sur NBC News pour savoir s’il avait mal interprété les intentions de Poutine dans la guerre en Ukraine. « Je vous en parlerai dans un mois, ou dans deux semaines. Aucune idée. Ce que je peux vous dire, c’est que ses ambitions ont été largement freinées quand il a vu que c’était moi qui prenais les choses en main » répondait-il alors.
Le 16 mai, soit deux semaines plus tard, il invoquait à nouveau ce délai pour fixer la date d’une potentielle rencontre avec Vladimir Poutine. Tandis que le 28 mai, à nouveau interrogé sur les intentions de Poutine, Donald Trump répétait inlassablement ce délai, déjà annoncé deux semaines plus tôt… « Je ne peux pas vous le dire, mais je vous le ferai savoir dans environ deux semaines. On va le savoir très bientôt. On saura s’il nous mène en bateau ou non ». Quelques jours plus tôt, le président américain avait échangé au téléphone avec le dirigeant russe.