Près de 300 coiffeurs venus de toute la France ont manifesté ce lundi 30 juin place de la Bastille contre la concurrence jugée «déloyale» des «barbershops», qui se multiplient dans le pays.

«Quand certains barbershops proposent 10 euros la coupe, pour nous, ce n’est pas tenable», lance Christelle. Cette coiffeuse depuis 27 ans en région parisienne fait partie des quelque 300 professionnels venus manifester, place de la Bastille, dans la capitale, ce lundi 30 juin. Brandissant des pancartes et des ciseaux géants brandis vers le ciel, ceux-ci ont fait entendre leur colère et clamé leur agacement envers la concurrence jugée déloyale des salons de barbiers qui fleurissent partout en France. L’occasion, aussi, de dénoncer l’augmentation des charges qui pèse sur leur activité.

Entre TVA à 20%, hausses des charges et des matières premières, les professionnels de la coiffure dénoncent une situation qu’ils jugent intenable. «Les charges patronales, les charges salariales ne baissent pas, elles sont particulièrement hautes. Les avancées aujourd’hui ne sont pas suffisantes», résume Christophe Doré, président de l’Union nationale des entreprises de coiffure (Unec). Un constat particulièrement important alors qu’en 2023, plus de 1100 salons ont mis la clé sous la porte, un record. «Ça fait 10 ans que nous n’avons pas manifesté. On est plutôt silencieux, mais là on en a ras le bol », insiste le président de l’Unec.

Mais ce qui inquiète surtout les professionnels, c’est l’essor des barbershops, accusés de ne pas respecter les règles du métier. Les coiffeurs accusent en vrac les barbiers de ne pas avoir les diplômes nécessaires pour exercer, de négliger les règles d’hygiène dans les salons et de contourner la fiscalité pour baisser leurs prix et éviter de déclarer leurs gains. «Il y a une multitude de salons qui s’installent de façon sauvage, de façon illégale, tempête Christophe Doré. On attend plus de contrôles. Si tout le monde ne paie pas les charges sociales, c’est un problème et ce n’est pas équitable». Et d’ajouter : «Même métier, mêmes règles».

«Il faut que les charges baissent, on ne s’en sort plus»

Dans la foule, Christelle, coiffeuse depuis 27 ans en région parisienne, réclame des mesures concrètes : «Il faut que les charges baissent, on ne s’en sort plus. Il faut que l’État contrôle et encadre les coiffeurs illégaux. Pour qu’on puisse payer nos charges et nos impôts, il faut l’État fasse son boulot». Pierre, coiffeur dans le 18e arrondissement de Paris depuis 15 ans, renchérit. «Dans la rue de mon salon, il y a trois ou quatre barbers ! Certains n’ont même pas de diplôme et ils proposent des prix qui défient toute concurrence. Je m’en sors grâce à ma clientèle fidèle, mais les nouveaux clients ne viennent plus. Je ne peux pas baisser mes prix, sinon je ne peux pas payer mes salariés ni mes charges», déplore-t-il.

Karine, coiffeuse depuis six ans, insiste sur la nécessité d’un cadre clair. «Je manifeste pour plus de contrôles aujourd’hui, pour des règles équitables pour tout le monde sur l’hygiène, sur les diplômes, sur la fiscalité. Coiffer, ce n’est pas juste couper des cheveux, c’est aussi le lien social, le contact humain». Même au sein des barbershops, certains dénoncent les dérives. Aldrick Quéval, coiffeur-barbier du salon Grizzly Barbershop, défend une approche professionnelle : «Nous sommes des coiffeurs hommes et barbiers diplômés, qualifiés. Lorsque nous avons ouvert il y a dix ans, nous étions 14 barbershop à Paris. Désormais, nous sommes plus de 450». Il détaille les difficultés : «Nous constatons une augmentation des charges fixes, des loyers, des coûts de consommation. Entre 50% et 55% du chiffre d’affaires est absorbé par la masse salariale».

Il insiste aussi sur la qualité du service : «Nous mettons 30 minutes pour une coupe, en respectant les règles d’hygiène. La concurrence à bas prix réalise en 10 minutes les prestations en enchaînant les clients, en gardant les mêmes outils, les mêmes peignoirs. On sait que dans ce genre d’établissements, les sommes perçues ne sont pas forcément déclarées à 100%. Cela dévalorise le métier. La coiffure est un art, à nous de nous battre pour qu’il soit à nouveau valorisé». Une étude du cabinet Extencia sur le secteur de la coiffure en France en 2025, confirme les tensions dans la profession : inflation, hausse des tarifs, baisse de fréquentation, et explosions du nombre de barbershops. Autant de points qui inquiètent les professionnels.