Un exercice rare. Inhabituel même. Ce lundi, dans la chaleur de la salle du conseil municipal, deux invités ont ouvert la séance. Conviés par la maire de Rennes Nathalie Appéré, le procureur de la République Frédéric Teillet et le préfet Amaury de Saint-Quentin ont tenté de justifier de leurs efforts pour lutter contre le trafic de stupéfiants. En proie à une flambée de violences sur fond de narcotrafic, la capitale bretonne a été ciblée politiquement, pointée du doigt pour un supposé laisser-aller.
Ces dernières années, des faits particulièrement violents ont choqué la population. Un enfant de 5 ans a été touché par balle à la tête. Des jeunes ont été tués lors de règlements de compte à la kalachnikov. Des tentatives d’assassinat ont éclaté en pleine journée, au milieu d’une population sidérée.
« Rennes n’est pas négligée », assure le préfet
Face aux élus du conseil municipal, le préfet et le procureur ont d’abord présenté leur bilan. Le préfet Amaury de Saint-Quentin a vanté les efforts de l’État, assurant que « la République l’emportera » face aux narcotrafiquants. « Le nombre de policiers a progressé de manière significative en Ille-et-Vilaine. Rennes n’est pas négligée. Nous ne défaussons pas. Vous pouvez compter sur nous », a assuré le préfet. Insuffisant pour convaincre les élus, dont certains très remontés. « Nous avons besoin de forces de police encore plus nombreuses », a regretté Honoré Puil, du Parti radical de gauche. « A Paris, on n’entend pas. Ou on ne veut pas entendre », a ajouté Yannick Nadesan, président du groupe communiste.
Tous portent la voix des policiers rennais, qui s’estiment sous-dotés pour assurer la sécurité des habitants. « Rennes a besoin d’un pacte de sécurité », a demandé l’élu d’opposition Charles Compagnon, qui était dans le Subway de Kennedy où des tirs avaient retenti en avril. « Rennes n’est pas oubliée. Nous obtenons l’arrivée d’effectifs quand d’autres n’en ont pas », a répondu le préfet, qui a promis que des policiers seraient affectés à Rennes d’ici la fin de l’année et même « avant la fin de l’été ».
Vingt mois avant une convocation
La prise de parole du procureur de la République s’est davantage concentrée sur les besoins judiciaires, qui sont eux aussi colossaux. Frédéric Teillet s’est félicité que « 100 % des auteurs impliqués dans les règlements de compte depuis l’été 2024 ont été interpellés et incarcérés », tout en refusant tout « triomphalisme ». « Il n’y a pas de laxisme judiciaire. Dans le cadre des tirs sur la place du Banat (Le Blosne), on a cumulé vingt-sept années de prison pour les personnes mises en cause. »
Des tirs en rafale avaient réveillé la place de Banat et le quartier du Blosne en mars 2024 sur fond de trafic de stupéfiants. - C. Allain/20 Minutes
Le problème de sa juridiction, c’est le problème de toute la justice française : juger dans des délais décents. « Le délai de convocation, c’est vingt mois. Ça veut dire qu’un trafiquant qu’on interpelle aujourd’hui, il sera convoqué au tribunal en février 2027. Ce n’est pas une réponse. C’est insatisfaisant pour nous, pour les victimes, pour les policiers et gendarmes qui enquêtent. » Et qui retrouveront ce même gamin au même endroit le lendemain matin. Mais pour régler ce problème qui ne concerne pas que Rennes, la France n’a pas trouvé la solution.