Le conseil départemental de Haute-Garonne a voté à la quasi-unanimité – deux abstentions seulement –l’expérimentation d’un congé menstruel à partir de 2026. Il se matérialisera sous la forme d’un forfait de 13 jours annuel d’ASA (autorisation spéciale d’absence), sur présentation d’un certificat médical ; pour les métiers compatibles, il pourra s’agir d’une « extension télétravail de deux jours par mois », précise la collectivité. Selon ses estimations, entre 350 et 400 agentes, sur les 4382 que compte le CD31, seraient potentiellement concernées.

Malgré l’adhésion des employés territoriaux, un problème subsiste, et pas des moindres : en l’absence de législation claire, le dispositif, déjà déployé dans d’autres collectivités , est régulièrement considéré comme illégal par la justice administrative. Ainsi, la mesure pourrait se voir interdite avant même d’entrer en vigueur.

Contactée par ToulEmploi, la préfecture laisse d’ailleurs peu de place au doute : une fois saisi formellement de la demande d’expérimentation, “[le préfet] ne manquera pas de l’instruire, dans le cadre du contrôle de légalité qu’il est constitutionnellement tenu d’exercer”, ont indiqué les services de l’Etat en Haute-Garonne.

Vers une jurisprudence ?

La probable attaque préfectorale ne serait pas une première, loin s’en faut. En décembre dernier, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu en référé – procédure d’urgence à effet provisoire – le congé menstruel dans la commune de Plaisance-du-Touch et la communauté de communes du Grand Ouest Toulousain. Ailleurs sur le territoire national, d’autres collectivités ont vu elles aussi leurs dispositifs retoqués. La Ville de Grenoble ou encore la Métropole de Lyon, à la fois pionnière et poids lourd du congé menstruel avec ses 5000 agentes, en ont fait les frais.

En outre, une nouvelle décision inédite pourrait faire jurisprudence : mardi 24 juin, alors que le CD31 votait son propre congé menstruel, le tribunal administratif de Strasbourg annulait au même moment celui de la Ville et de l’Eurométropole du Bas-Rhin, déployé l’an dernier. Pour la première fois, les juges ont examiné l’affaire sur le fond.

Parallèlement, une circulaire datée du 21 mai et relayée par maire-info.fr de la Direction générale des collectivités locales (DGCL) enfonce le clou, appellant les préfets a porter une « vigilance accrue » sur les délibérations instaurant les congés menstruels, arguant que « une collectivité territoriale ne peut créer de nouveaux motifs d’ASA ».

« Il faut provoquer le débat »

Pour autant, le président du conseil départemental ne s’avoue pas vaincu. « Je demande le droit constitutionnel à expérimenter le congé menstruel et j’irai jusqu’au tribunal administratif s’il le faut ! », martèle Sébastien Vincini. S’il invoque la Constitution, c’est parce qu’un article (37-1) pourrait lui permettre de contourner l’interdiction : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet ou une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental », dit le texte. Mais existe-t-il vraiment une probabilité pour que cette simple petite ligne, en substance assez floue, parvienne à convaincre les autorités ? Au vu du contexte, rien ne semble plus improbable.

Peu importe, « il faut provoquer le débat et aller chercher ce droit pour combattre cette inégalité entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel », répond Sébastien Vincini.

Prévue pour durer deux ans, l’expérimentation devrait démarrer à partir du 1er janvier 2026. En plus de l’instaurer dans sa collectivité, l’élu a souhaité mobiliser tout son périmètre et appelle, par un courrier envoyé le 20 juin dernier, les communes et intercommunalités de Haute-Garonne à rejoindre le dispositif.

Marie-Dominique Lacour

Photo : Sébastien Vincini, président du conseil départemental de Haute-Garonne. Crédit : Aurélien Ferreira/CD31