Il a la voix grave, le regard franc et le silence lourd de ceux
qui ont vécu. Gérard Lanvin, 74 ans, incarne depuis plus de quatre
décennies ce cinéma français populaire et sincère, celui qui parle
aux tripes autant qu’au cœur. De ses débuts sur les planches du
Café de la Gare avec Coluche à ses succès retentissants
dans Le Fils préféré, Marche à l’ombre ou Les
Spécialistes, l’acteur s’est forgé une place à part dans le
paysage cinématographique français. Une carrière jalonnée de
récompenses, dont deux César, mais aussi de choix forts, de
fidélités, d’amitiés et de silences tenus trop longtemps. Derrière
cette image d’homme fort, il y a aussi un fils. Un homme cabossé
par un chagrin qu’aucune récompense ne saurait atténuer. Et ce
n’est qu’à l’occasion d’une interview exceptionnelle accordée à
Laurent Delahousse pour 20h30 le dimanche, en avril
dernier, que Gérard Lanvin a accepté d’ouvrir une porte sur
l’intime
, le douloureux, l’indicible.

Gérard Lanvin : un artiste à contre-courant

Celui qui a vu le jour le 21 juin 1950 à Boulogne-Billancourt
dans une famille bourgeoise, n’était pas destiné à devenir
comédien. Lui que ses parents voyaient avocat ou commerçant, s’est
échappé très jeune du carcan familial pour suivre son propre
chemin. Ce chemin, c’est celui du théâtre, de la débrouille, des
marchés aux puces et
des rencontres décisives. Miou-Miou, Coluche, Martin Lamotte

des noms devenus mythiques qui l’ont accueilli
dans leur bande, alors qu’il vivait de petits boulots et rêvait de
scène.

À la fois brut et touchant, Gérard Lanvin s’impose dans les
années 80 comme le nouveau visage du cinéma d’action
français
. Belmondo et Delon ont trouvé leur héritier. Mais
le comédien ne se contente jamais d’un seul registre : il brille
aussi dans la comédie (Camping,
Envoyés très spéciaux) et le drame (Le Goût des
autres, Le Fils préféré), sans jamais perdre de vue
l’essentiel : rester fidèle à lui-même.

Derrière l’acteur, un fils face à l’indicible

Le 27 avril dernier, face à Laurent Delahousse, Gérard Lanvin
s’est exprimé sans filtre sur l’épreuve la plus marquante de son
existence : la mort de son père. Un homme qu’il
admirait, qu’il aimait, et qu’il a accompagné jusqu’à son dernier
souffle. « Mon père avait un cancer des poumons… »,
souffle-t-il, les yeux humides. « Il avait peur. Peur de mourir
étouffé, peur que ça se passe mal. Alors il a choisi. Il m’a
regardé et m’a dit : « C’est le moment.' »

Gérard Lanvin ne tremble pas en racontant. Mais tout son corps
parle pour lui. Les silences, les pauses, les mots simples et
forts. « J’ai appelé le médecin, celui avec qui on en avait déjà
parlé. Il est venu. Et on a fait en sorte que mon père parte comme
il le voulait. », a-t-il ajouté. Une euthanasie
choisie
. Un adieu lucide. Pour l’acteur français, un
serment tenu. Celui d’un fils à son père Mais cette fidélité lui a
laissé des cicatrices. Lors d’une interview accordée à la RTBF en
mars 2023, ce dernier avait confié : « Ça m’a foutu une maladie
terrible. Parce que j’ai dû tenir ma parole. »

« J’emmerde ceux qui pensent que c’est
un débat sans fond »

Cette expérience, Gérard Lanvin ne veut pas la taire. Il veut
qu’elle serve. Sur l’euthanasie, l’acteur ne mâche pas ses mots :
« J’ai une parole. J’ai des couilles. Je l’ai
fait
. Et j’emmerde ceux qui pensent que c’est un débat
sans fond. » Pour lui, il ne s’agissait pas de politique ou
d’opinion. Il s’agissait d’amour. De respecter la volonté d’un
père. D’accompagner celui qui vous a tout donné, jusqu’au bout.

« On ne peut pas laisser quelqu’un dans la souffrance
et la peur. C’est inhumain
« , a-t-il affirmé avec
force. Dans ce combat, il rejoint d’autres voix comme celle de
Nicolas Bedos, qui avait également accompagné son père dans un
choix similaire.