Une cérémonie d’adieu dans une salle omnisports, ce n’est pas classique. Mais Romain Auzary ne l’était pas non plus. Et ses parents n’ont pas vu trop grand en choisissant ce gymnase de Sorbiers pour la cérémonie d’hommage à leur fils, tragiquement disparu à l’âge de 43 ans.
Dès 13 heures ce lundi 30 juin, les personnes touchées par le décès du menuisier installé à Montricher-Albanne (Savoie), également pisteur-secouriste, ont convergé vers les rives de l’Onzon, pour un hommage programmé à 13 h 30. Les centaines de chaises installées n’ont pas été de trop pour accueillir la foule, pendant que Bob Marley invitait, avec Redomption song , à chanter la liberté.
Deux paires de ski et un maillot Manufrance de l’ASSE
Famille, amis, collègues ont pris la parole pour exprimer, avec des mots poignants, ce qui les liait à « cet homme fait de neige, d’amour et de folie », comme le décrit son frère, inconsolable.
« Ta disparition, toujours inexplicable, ne correspond pas à ce que tu étais, toi qui avais un amour incommensurable pour ton fils et un attachement infini à ta famille », déclare son père. Qui évoque les « conversations enflammées » au sujet de la politique ou du football.
« Aujourd’hui encore, tu as réuni une si grande assemblée qui nous bouleverse devant tant de reconnaissance », confie sa mère. Pour elle, « les vacances à Serre-Ponçon sont les plus beaux souvenirs. Là-bas, nous marcherons dans tes pas avec ton fils. » Elle promet : « Tu ne disparaîtras jamais. Tu seras partout où nous serons. »
Le ski, plus qu’un sport pour cette « grande gueule au grand cœur »
Devant le cercueil, sur lequel ont été apposés ses deux paires de ski et le maillot Manufrance de l’ASSE dont Romain Auzary était fan, ses amis de Sorbiers ont témoigné de leurs décennies « d’amitié sans faille ». Et leurs souvenirs heureux du temps du foot à l’ES Sorbiers, des courses de BMX, des karaokés avec Manu Chao, Secteur A ou Barbara. « Tu pouvais tout chanter en soirée. »
Un ami de 35 ans regrette : « On aurait tant aimé que tu nous appelles pour nous annoncer la descente de l’OL en Ligue 2… » Il note que la seule infidélité de Romain à l’équipe des Verts qui le faisait vibrer était sa « passion pour Messi et le Barça ».
« Grande gueule au grand cœur », Romain Auzary a « toujours su organiser les retrouvailles malgré le temps qui passait », avec ses amis d’enfance. À moto ou à ski, celui qui « vivait à 200 à l’heure » a marqué par son « rire », son « accent stéphanois » mais surtout son « cœur énorme où chacun avait sa place ».
« On célèbre une vie droite et sincère »
Chez ses collègues et amis pisteurs, son « petit grain de folie a tout de suite plu, puis on a découvert un gars en or » avec qui partager « la rigueur dans le travail et les fous rires sur les pistes ».
Le ski, c’était « plus qu’un sport » pour Romain, « c’était un souffle ». Un de ses amis des Alpes raconte comment Romain s’est « approprié un couloir, qu’on appelle maintenant le couloir Auzary. Il te ressemble : difficile d’accès pour éviter d’être trop tracé, bien orienté pour avoir la meilleure neige et suffisamment pentu pour délivrer des sensations. »
Entre Baby can I hold you tonight de Tracy Chapman et Imagine de John Lennon, ses cousins ont assuré qu’ils continueraient de parler de Romain « pour ne pas oublier qui nous étions quand tu étais là ». Car Romain Auzary changeait le cours des vies qu’il a croisées, tous en ont témoigné : « Je n’ai jamais vu quelqu’un attirer un tel élan d’amour, d’amitié et de solidarité », assure l’un ; « on célèbre une vie droite et sincère pendant laquelle tu tirais tout le monde vers le haut et vers la joie », complète l’autre.
« Tu étais trop grand pour ce monde »
Le père de Romain, qui a chapeauté les opérations de recherche après la disparition le 7 juin, en marge de l’Outdoormix Festival d’Embrun (Hautes-Alpes), a conclu par des remerciements aux élus ligériens et haut-alpins qui se sont mobilisés, au camping qui a accueilli la famille pendant les 13 jours entre la disparition et la découverte du corps, et aux loueurs de bateaux, paddles et aux kayakistes qui ont tenté de le retrouver.
Puis le cercueil a quitté la salle sous un tonnerre d’applaudissements, pendant que les mots de ses proches apparaissaient sur grand écran : « Tu étais trop grand pour ce monde. »