Le duel était incertain. D’un côté le dauphin désigné, de l’autre l’ex-dauphin déchu. C’est finalement le député Emmanuel Grégoire qui remporte la primaire socialiste de la fédération de Paris, pour désigner le candidat du PS pour les municipales de 2026, a appris publicsenat.fr de sources socialistes.

Une revanche pour Emmanuel Grégoire

L’ancien premier adjoint d’Anne Hidalgo l’emporte dès le premier tour avec 52,61 % (807 voix), contre le sénateur PS Rémi Féraud, qui a rassemblé 44,33 % des suffrages (680 voix). Le chef de file du groupe Paris en commun (PS) à la maire de Paris avait pourtant reçu en novembre dernier le soutien très officiel de la maire sortante, Anne Hidalgo, qui ne se représente pas. Il n’aura pas suffi. Marion Waller, ex-conseillère de la maire de Paris, arrive troisième avec 3 % (46 voix). Environ 3.000 adhérents PS étaient appelés aux urnes ce lundi entre 17 heures et 22 heures.

C’est un coup dur pour Rémi Féraud, qui manque son pari, malgré le soutien d’Anne Hidalgo et de plusieurs maires d’arrondissement. Pour Emmanuel Grégoire, 47 ans, c’est une forme de revanche. Car à l’origine, c’était lui le dauphin implicite, quand il occupait le poste de premier adjoint d’Anne Hidalgo. Mais cette dernière s’est estimée trahie, notamment après sa déroute à l’élection présidentielle de 2017, et ses 1,75 %. Elle l’a notamment jugé trop proche du premier secrétaire, Olivier Faure, qu’il a soutenu ensuite lors du congrès. Une brouille totale, consommée, qui n’a pas freiné le socialiste dans ses ambitions. En novembre 2024, il se déclare candidat.

« Emmanuel, comme le collectif qui l’entoure, représente beaucoup de militants, qui se sont construits parfois loin des chefs à plume »

« C’est un vrai bonheur et une joie de gagner dès le premier tour, alors que beaucoup nous annonçaient perdants. Le résultat est très clair. Emmanuel a réussi à convaincre avec un projet extrêmement puissant pour Paris. J’ai hâte qu’on rassemble les socialistes et la gauche à Paris, et qu’on parte en campagne », réagit l’eurodéputée PS Emma Rafowicz, directrice de campagne d’Emmanuel Grégoire.

« Emmanuel, comme le collectif qui l’entoure, représente beaucoup de militants, qui se sont construits parfois loin des chefs à plume, mais qui ont réussi à se rassembler, à écrire un projet vraiment fort, de plus de 100 pages. Et Emmanuel, c’est aussi une incarnation pour gagner face à Rachida Dati », ajoute celle qui est maintenant co-secrétaire de la fédération de Paris. Elle ajoute :

Emmanuel Grégoire incarne quelque chose qui fait envie.

De son côté, Rémi Féraud a réagi par une courte déclaration. « Je remercie les militantes et militants socialistes qui m’ont apporté leur soutien, ainsi que la formidable équipe qui m’a accompagné tout au long de cette campagne. Rien n’est plus essentiel que de garder Paris à gauche. Félicitations à Emmanuel Grégoire pour sa désignation », a écrit sur X le socialiste.

Campagne tendue

Sa victoire met un terme à une campagne tendue entre les deux principaux camps, autour de la question de la date de désignation du candidat, et surtout sur le corps électoral, les soutiens d’Emmanuel Grégoire accusant la fédération de Paris d’avoir purgé des adhérents pour favoriser Rémi Féraud.

Le gagnant a pu afficher le soutien de plus de 800 militants, mais aussi des ex-premiers ministres Lionel Jospin et Jean-Marc Ayrault, dont il était au cabinet, de l’ex-maire PS Bertrand Delanoë et du président du groupe PS de l’Assemblée, Boris Vallaud.

Influence du congrès du PS

Les résultats du congrès du PS, fin mai et juin dernier, avaient donné une première indication en faveur d’Emmanuel Grégoire. Si le courant de Nicolas Mayer-Rossignol, soutenu par Anne Hidalgo et Rémi Féraud, est arrivé en tête avec 47,7 % des voix, loin devant les 33,5 % du courant d’Olivier Faure, les soutiens d’Emmanuel Grégoire ont regardé les 18,6 % du courant de Boris Vallaud. Il ne leur avait pas échappé que l’addition des deux derniers scores dépassait les 50 %…

En octobre 2023, dans un autre scrutin, interne au groupe PS du Sénat celui-là, le sénateur avait manqué d’un cheveu la désignation pour le poste de président de la commission des finances du Sénat, qui revient à l’opposition, qui avait été remporté par Claude Raynal. Le vote avait été particulièrement serré. 32 voix pour Claude Raynal contre 30 pour Rémi Féraud… et 2 blancs.

Dans cette longue bataille, qui a duré sept mois, l’ancien maire du Xe arrondissement avait notamment basé sa campagne interne sur le logement, en proposant une prime climat pour financer la rénovation thermique des logements. Il a aussi promis une reconnaissance des familles monoparentales et la généralisation de la zone à trafic limité (ZTL), en vigueur dans l’hypercentre de Paris, à tous les quartiers. En face, Emmanuel Grégoire a mis en avant l’idée du « droit à vivre » à Paris, avec la proposition d’un bail citoyen pour les locataires du parc privé, ou encore des « zones de calme » sans deux-roues la nuit. Tous les deux ont exclu tout accord avec LFI. Mais plus que le fond, c’est sur le style que les deux candidats se sont différenciés.

Comme un mauvais présage

Comme un mauvais présage, la campagne de Rémi Féraud avait commencé par un malheureux lapsus d’Anne hidalgo. A peine déclaré candidat, fin novembre, le sénateur de Paris se rend alors au jardin Aretha-Franklin, dans le XXe. A ses côtés, la patronne de la mairie de Paris vient lui donner son imprimatur, sous l’œil des caméras, qui n’ont pas loupé les mots qui suivent : « À certains moments, certains peuvent plus rassembler que d’autres. C’est tout à fait le cas d’Emmanuel Grégoire… », lâche Anne Hidalgo. Un simple lapsus, mais qui tombe très mal, alors que l’un des enjeux pour Rémi Féraud, était son manque de notoriété.

Un autre match, interne à la gauche celui-là, attend maintenant Emmanuel Grégoire. Un sondage Elabe publié par La Tribune le 22 juin donne les candidats socialistes à seulement 14 à 19 %, selon les cas, loin derrière Rachida Dati à 34 %. Les Ecologistes, avec David Belliard, et LFI, avec Sophia Chikirou, sont au coude à coude avec les socialistes. Le candidat écolo pourrait même se retrouver devant le PS. Mais le total de la gauche tourne autour des 50 %. Si la gauche peut garder Paris, l’enjeu sera pour Emmanuel Grégoire de conserver le siège de maire de Paris dans les mains des socialistes.