Mi-juin, lors du passage de flambeau à Philippe Rascle, face à la presse locale, Benoît Fabre est revenu sur les étapes marquantes de sa présidence au Medef. Tout en pointant, en fil rouge, ce qu’il juge comme une gouvernance économique catastrophique de la part de Saint-Etienne Métropole. Pas une première de sa part ou d’autres représentants du collectif économique de la Loire. L’exécutif de l’intercommunalité a d’ailleurs répondu par « budget interposé » lors du conseil public du 25 juin…
Philippe Rascle, ex président de l’UIMM Loire élu début juin à la tête du Medef 42 qu’a présidé 9 ans Benoît Fabre. ©If Medias / Xavier Alix
Une fusion à gérer entre le nord et le sud Loire, l’enterrement de l’A45 et le montage du Collectif économique de la Loire. Voilà le trio de tête des faits qui, pour synthétiser ses propos, ont le plus marqué les 9 ans de mandats de Benoît Fabre à la tête du Medef 42. Lors d’une conférence de presse de transmission de pouvoir mi-juin à Philippe Rascle, ex-président de l’UIMM Loire, le chef d’entreprise ce que ce dernier prenait en main pour les 3 ans à venir, au moins (deux mandats consécutifs maximum avec cette exception pour B. Fabre, en raison de la fusion). C’est-à-dire, non pas, du point de vue qu’il défend, un club des entrepreneurs / dirigeants les plus importants / fortunés, mais la « première organisation interprofessionnelle du territoire. Le Mouvement des entreprises de France représente 7 branches professionnelles (UIMM, FBTP, FNTR, etc., Ndlr) dont chaque président est issu. »
S’ajoutent cinq membres associés. Ce qui correspond à 1 500 entreprises et 42 000 salariés, dont une « majorité de TPE / PME de moins de 50 salariés ». Organisation qui entend bien peser, à défaut de décider, dans l’orientation des politiques publiques locales qui touchent l’économie dont les infrastructures transports. Cela dans une perspective d’intérêt commun, dixit Benoît Fabre, et parce que « les flux sont la base de l’économie ». Place qui se justifie aux yeux de ce dernier à la fois par « l’expertise » des directions des entreprises sur le sujet, croisée avec la fiscalité locale qui s’impose aux sociétés privées, comme sur la « taxe mobilité à Saint-Etienne Métropoles ou en tant que « contributeurs » ultra majoritaires du produit, aux deux tiers, il serait logique que l’on nous écoute, que l’on discute des aménagements sans même parler de dire forcément oui, à nos propositions. Mais à Métropole, les échanges, les discussions sur ces suggestions n’existent même pas. Pas vraiment ! »
« Aucune stratégie économique d’ensemble »
Compétent sur l’ensemble du département depuis la fusion des entités nord et sud, le Medef se montre beaucoup plus clément vis-à-vis de ses rapports avec les autres intercommunalités majeures du département. Citées dans l’ordre : Roannais Agglomération, Loire Forez avec qui « nous n’avons aucun problème, elles ». Avec Métropole et sa ville centre, et les « équipes » entourant Gaël Perdiau, « d’emblée, en 2014, les contacts ont été difficiles et il nous a été signifié que nous étions là pour payer, point, que notre avis ne comptait pas. Derrière cette attitude qui se prolonge plus ou moins jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune stratégie économique d’ensemble, et c’est dramatique pour le sud Loire. Au point où des municipalités du sud Forez se posent de très sérieuses questions… Il faut dire qu’elles ne sont pas les seules : les entreprises aussi avec une politique fiscale jusqu’à 50 % plus avantageuse chez le voisin… Cette gouvernance ne peut pas se limiter à gérer les zones d’activités. Il s’agit plus largement de favoriser, stimuler la valeur ajoutée de son industrie. Nous ne disons pas ça pour s’enrichir, enrichir d’autres gens mais par responsabilité économique, donc sociale vis-à-vis des salariés, des habitants. C’est l’avenir de tous qui se joue. »
D’emblée, en 2014, les contacts ont été difficiles et il nous a été signifié que nous étions là pour payer, point, que notre avis ne comptait pas.
Benoît Fabre, président sortant du Medef
Et Benoît Fabre de rappeler qu’il n’y a que quelques ponts à franchir d’est en ouest pour passer aisément, sans trop s’éloigner, de Métropole à Loire Forez, d’Andrézieux-Bouthéon à Saint-Just-Saint-Rambert… Par « exemple »… Rapports cités comme difficiles alliés avec l’abandon brusque par l’Etat de l’A45 qui continue à choquer le Medef l’ayant poussé, dit le syndicat à lancer, en 2019, le Collectif économique de la Loire pour essayer de faire sauter les « verrous administratifs », « l’inertie » des pouvoirs publics, tenter des initiatives d’ampleur – appartenant à ses seuls membres ou en rapport avec les pouvoirs publics – visant à mieux faire passer les idées de ses membres. « Et dans ces membres, il y a la Chambre d’agriculture avec qui nous avons intégré, depuis les Gilets jaunes, le fait de partager énormément d’enjeux communs en plus du fait que l’agriculture soit une part de l’économie : l’eau, le foncier, etc. Plutôt que s’opposer, on propose de se parler, de créer ensemble. Ce rapprochement, c’était quelque chose d’inédit, comme le collectif d’ailleurs. »
« Très inquiets pour le sud Loire »
Officiellement constitué il y a 13 mois, le collectif économique vient de susciter Fusion 42 (constituer un consortium de sous-traitants industriels du nucléaire dans le cadre de sa relance). En échec en revanche, son projet d’aménagement d’amélioration de la liaison routière sud Forez / Saint-Etienne (élaborée par la FBTP) dont il aurait aimé, puisqu’il impliquait une ligne à haut niveau de service de transports en commun, que la Métropole s’en empare. Là, c’est une fin de non-recevoir qu’a reçu le Medef de la part de SEM, son président en retrait ayant estimé que le projet n’était pas réaliste… Pas de quoi arranger les griefs du Medef, visiblement très vexé. « Ok, Eiffage, des cadres du BTP et leurs techniciens ne savent donc pas de quoi ils parlent !, ironise B. Fabre. S’ajoute, avant même cette réponse, l’affaire de chantage qui a définitivement enfoncé cette gouvernance, l’isolement politique et vis-à-vis des investisseurs, donc l’attractivité du sud Loire pour qui nous sommes très inquiets, au-delà de la paupérisation catastrophique de Saint-Etienne. Car ailleurs, dans le département, pendant ce temps ça avance dans le bon sens. »
Et davantage d’est en ouest que sud au nord quant aux fameux « flux », argue le Medef. « C’est dommage, poursuit B. Fabre, il y a des vice-présidents, des techniciens qui ne sont pas mauvais, des gens de bonne volonté, qui ont compris. Sylvie Fayolle fait tout son possible mais ce n’est pas suffisant face à un homme. » L’ex-président du Medef dit que les entreprises sont tombées de haut entre une annonce, avec le recul, jugée fanfaronne, à une AG de la FBTP qu’1,2 milliard d’euros serait investi par Sem sur le mandat en cours à la suite des augmentations de fiscalité actées en 2021. « Si au final, ce sera 500 Md€, ce sera bien. Ça aussi, c’est un énorme problème au moment où les entreprises ont anticipé, espéré et ont, là, besoin de cet investissement public faisant effet levier. » Ce sera pourtant bien 840 M€ cumulés en se fiant aux présentations de Saint-Etienne Métropole mercredi dernier. Ce qui est tout de même, plus de double que le cumul investi lors du mandat précédent.
Saint-Etienne Métropole répond
« Seulement » 300 M€ de plus (soit un total 700) en réalité à « périmètre constant » selon la nuance donnée mercredi par Michel Gandilhon, maire de Fontanès en conseil communautaire. C’est-à-dire en prenant en compte inflation et transfert de compétences, dont la prise en main des voiries départementales n’est sûrement pas le moindre au moment de payer des factures supplémentaires dont une partie ne l’est donc pas pour les prestataires. Lors de la présentation à la presse du pacte fiscal et financier en septembre 2021, le scenario évoqué – seulement évoqué – annonçait au moins, le doublement des investissements entre 2014/20 et 2020/26, soit 800 M€ cumulés. Et, si possible, alors, pouvant monter à 1 milliard, voire à 1,2 milliard sans alors indiquer ne serait-ce que les grandes lignes des projets justifiant une telle amplification. Ils sont aujourd’hui, et jusqu’à nouvel ordre, délestés, déjà, de la nouvelle patinoire métropolitaine. Ce qui avait aussi estomaqué le collectif, son membre qu’est le FBTP en tête.
Visiblement vexé aussi, l’exécutif de Métropole, pourtant loin d’être composé de « pro Perdriau », ne s’est pas désolidarisé de son président censé être en retrait, sur ce sujet-là. Dans l’expression, en public de son ensemble du moins. Et c’est rare aussi. Sans évoquer Gaël Perdriau ou son « entourage » dans leur attitude avec le milieu économique, sa présidente par intérim, Sylvie Fayolle a fait à plusieurs reprises allusions à ces attaques en conseil métropolitain, à l’occasion de l’examen de la réalité du budget 2024. Elle a insisté sur l’utilisation bel et bien réelle des fonds inscrits sur le terrain et sur le fait qu’à l’issue du mandat, plus de 800 M€ auront été réellement investis par Sem, entre autres au bénéfice des entreprises du territoire. Soit beaucoup, beaucoup plus qu’entre 2014 et 2020. Les dépenses d’équipements sont passées de 68,9 M€ en 2020 à 112,2 M€ en 2022 puis 150,7 M€ en 2024. Du réel et donc hors remboursement du capital de la dette. A titre d’exemple estimé significatif et gros « plus », un bilan de l’utilisation du plan de relance par les communes a été dressé. Il avait été initié à l’issue de Covid pour aider ces dernières et les entreprises dans la reprise : 85 M€ ont bénéficié à 146 projets (toutes les communes, soit 53 en ont eu au moins un) d’aménagements de toutes sortes.
Vice-présidente à l’économie depuis le départ de Georges Hallary (c’était en 2022 avant les révélations de Mediapart), Nora Berroukeche, a précisé que « pour 1 euro dépensé par Saint-Etienne Métropole, ce sont 2,50 € (pratiquement, Ndlr) qui ont été dépensés sur le territoire ». De quoi susciter par effet levier, 208 M€ de la part d’autres investisseurs que Métropole. Le plan de relance, du moins le fonds de concours lié bénéficiant aux projets de municipalités avait été même prolongé de six mois, ajoutant ainsi plus de 30 M€ à la somme initiale prévue. Suffisant pour démontrer au Medef et ses membres qui appellent à un « new deal » avec la collectivité, la bonne volonté de Sem en la matière ? Sans doute pas. Mais les messages à d’éventuelles futures majorités en sud Loire, a priori favorables à son point de vue, voire en amont leur électorat, ont été envoyés…