La beauté est pleine de vices. L’Europe l’a appris à ses dépens, en découvrant l’usage dévoyé qu’en ont fait les régimes autoritaires. Le drame de l’art est d’être récupéré par des artistes ratés, déterminés par leur ratage et l’amertume qu’ils en nourrissent. Les armoires de l’humanité sont pleines de tyrans jaloux des créateurs qu’ils ont été incapables de devenir. Ils en conçoivent une haine du génie et du talent. Le succès rend heureux, et le bonheur est impardonnable aux yeux de ceux qui n’ont pas su l’obtenir. Ainsi de Adolf Hitler.
À l’été 1940, il entreprend une visite à Paris. C’est le sujet du passionnant dernier livre de Michel Guénaire*.
Le 23 juin 1940, Hitler est à son quartier général, dans les Ardennes belges. Départ prévu : 3 heures du matin. Ce qui pour lui est anormalement tôt : il se couchait et se levait tard. Il a donc peu dormi, voire pas du tout. L’absence de sommeil est une forme d’ivresse, un état d’hystérie apathique, comme en dehors de soi-même et de son propre corps. On devient, après une nuit blanche, le narrateur extérieur de sa propre vie. Ce qui explique peut-être le comportement étrange de Hitler pendant cette journée.
Visite légendaire
L’avion décolle, Hitler passe le voyage à contempler le ciel dans le silence. Il quitte l’aéroport du Bourget dans une Mercedes décapotable, traverse La Courneuve, Aubervilliers, déserts, et entre dans Paris par la porte de La Villette. Le cortège s’arrête devant l’opéra Garnier. Hitler est att […] Lire la suite