Malgré sa défaite en finale de Top 14, l’Union Bordeaux-Bègles a réussi une saison exceptionnelle avec un sacre en champions cup et une nouvelle finale de Top 14, après avoir passé vingt-trois journées aux deux premières places du classement.

La défaite est toujours douloureuse, souvent cruelle. Celle de l’Union Bordeaux-Bègles en finale de Top 14, au bout d’une saison aussi longue qu’incroyable, est de celle qui dévaste un compétiteur. Il suffisait de regarder le visage de Romain Buros, hagard au moment de se refaire le fil d’une ultime soirée de juin, point d’orgue d’un palpitant d’un Top 14 qui s’est terminé au bout de la nuit et de la prolongation d’une finale torride. « C’est difficile de se dire que ça a été une belle saison. Je pense qu’il va nous falloir une ou deux semaines pour digérer cette défaite en finale », soufflait l’arrière de l’UBB, incapable de souffler le chaud après ce dernier coup de froid.

Le manager de l’Union Bordeaux-Bègles, Yannick Bru, parvenait à avoir plus de recul sur cette année folle et même historique pour le club girondin, vainqueur de la Champions Cup, premier trophée à exposer dans les couloirs du Ceva Campus : « C’est une belle saison, c’est ce qui me fait dire que je suis déçu, mais pas dévasté. Parce que le premier de la phase régulière du championnat est sacré champion, donc la logique est respectée. On fait quand même un beau second. C’est surtout aussi, je l’ai souvent dit, le cheminement qu’on a emprunté qui est intéressant, parce que dans la vie, quand on prend des gamelles, il faut se relever, discuter, comprendre pourquoi on a pris ces gamelles. L’année qu’on a vécue avec les joueurs, elle était quand même assez incroyable sur le plan de l’harmonie. » C’est effectivement un chemin incroyable parcouru par l’Union Bordeaux-Bègles depuis la reprise au mois d’août, alors que l’on pensait les Girondins alourdis d’un boulet de 59 kg à leurs pieds. Ce poids de l’humiliation subie à Marseille au mois de juin 2024 était alors sur toutes les lèvres, dans tous les esprits. Comment les Bordelais pouvaient-ils se remettre d’une telle gifle pour la première finale de championnat de leur histoire ? La réponse a été claire, forte, rapide. Pour leur première sortie officielle, Maxime Lucu et ses partenaires infligeaient une raclée au Stade français dans un Chaban-Delmas en effervescence. La revanche de la dernière demi-finale du Top 14, indécise jusqu’à un dernier coup de pied raté parisien après la sirène, virait deux mois plus tard à la démonstration.

Toulouse, les yeux dans les yeux

L’Union Bordeaux-Bègles s’était relevée de manière fulgurante, après une thérapie express effectuée au mois d’août. « On voulait montrer que nous étions concentrés sur cette nouvelle saison, avouait Louis Bielle-Biarrey avant un déplacement à Toulouse, lors de la 4e journée pour des retrouvailles tant attendues. Nous voulions partir fort. Dans le secteur offensif, nous nous sommes vite retrouvés, mais dans le secteur défensif, c’est un peu plus ambigu donc c’est pour ça que ce match à Toulouse va nous donner une idée de notre niveau général. » Quelques jours après, l’Union s’imposait pour la première fois de son histoire à Ernest-Wallon. Les Bordelais montraient qu’ils n’allaient pas baisser les yeux devant leur ancien bourreau. Sensation confirmée lors du match retour disputé au Matmut Atlantique à la sortie du Tournoi des 6 Nations. Il ne manquait plus qu’un plafond de verre à faire exploser. Battre le Stade toulousain pour la première fois dans un match à élimination directe. Le rendez-vous était fixé en demi-finale de Champions Cup, le 4 mai dernier, toujours au Matmut Atlantique. Bordeaux faisait chuter le champion en titre, avec autorité et la manière. « Les joueurs avaient décidé de croire en eux et de faire mieux que l’année dernière face à cet adversaire, savourait Yannick Bru. Je suis très fier. C’est une étape supplémentaire dans notre construction […] Bravo aux leaders car nous avons senti que nous étions forts mentalement même quand le bateau tanguait. »

Les Girondins n’ont pas attendu ce jour-là pour démontrer cette nouvelle force de caractère, cette résilience née dans les entrailles du Vélodrome de Marseille. C’est dans la folie bretonne, le froid irlandais, le brouillard tarnais d’un soir de décembre, le piège palois du printemps que l’Union Bordeaux-Bègles se métamorphosait pour s’endurcir, pour éprouver sa profondeur d’effectif et être mieux armée au printemps, comme le reconnaissait le deuxième ligne Cyril Cazeaux avant d’attaquer la phase finale de la Champions Cup : « Ce qui est génial, c’est que quand tu es dans ce groupe, tu sais que tu peux gagner tous les matchs et renverser toutes les situations. On l’a vu à Vannes en première partie de saison, avec un scénario de fou. Ce match-là est un bon souvenir mais il n’est pas le seul. Sur beaucoup de rencontres à l’extérieur, nous avons fait une première période pas terrible. Mais à chaque fois, nous avons réussi à mettre à mal les équipes sur les trente dernières minutes. Nous avons cet état d’esprit : celui de ne rien lâcher. »

La meilleure saison de Jalibert

Plus personne d’ailleurs ne se souvient que l’Union Bordeaux-Bègles avait souffert lors du coup d’envoi de sa première finale de Champions Cup à Cardiff, encaissant un essai dès la deuxième minute de jeu. Une entame qui aurait pu couper les jambes et embrouiller les têtes bordelaises. Il n’en fut rien. Bien au contraire, pour un premier sacre historique, fêté comme il se doit dans les rues bordelaises et place des Quinconces. Au moment de dresser un premier bilan dans les coursives du Stade de France, Yannick Bru soulignait cette maturité nouvelle pour faire face à presque tous les événements : « L’équipe a grandi, elle a grandi sur le leadership, elle a grandi dans plein de secteurs, on les a évoqués souvent. On n’a pas perdu notre temps cette saison. On s’est passé le témoin au sein de l’effectif avec beaucoup de succès, pour le bien commun. » Maxime Lucu, général en chef, est maintenant épaulé par une garde rapprochée composée de Bastien Vergnes-Taillefer, Jefferson Poirot, Maxime Lamothe, Nicolas Depoortere et Romain Buros. Cyril Cazeaux, auteur d’une saison incroyable, et Yoram Moefana, émancipé depuis sa prise de pouvoir logique en Bleu, ne sont pas non plus très loin.

Au cœur de ce collectif plus affirmé, plus fort au niveau du leadership, des individualités ont aussi émergé, confirmé, excellé. Guido Petti et Pete Samu ont été les grands artisans du printemps européens. Sans surprise, ils ont aussi été à l’origine de la révolte de l’UBB en finale de Top 14 pour arracher une prolongation. Et puis que dire de la charnière, avec un Maxime Lucu au sommet de son art et enfin salué au niveau international, associé à un Matthieu Jalibert qui a réalisé la meilleure saison de sa carrière, même s’il n’a pas réussi à rééditer sa performance de Cardiff au Stade de France. « Il a entamé un travail sur lui qui est important, a ainsi reconnu à plusieurs reprises Yannick Bru. Un travail sur le leadership, sur l’autorité qu’il a sur le groupe, avec cette capacité à être un vrai bon guide pour l’équipe. » Le patron sportif avait insisté dans les couloirs du Principality Stadium alors que son ouvreur venait de réaliser une performance dont on se souviendra pendant longtemps : « C’est un Matthieu gagneur qui fait passer le groupe avant lui. Je pense qu’il a franchi un cap depuis plusieurs semaines en mettant les choses dans l’ordre, dans sa préparation et son entraînement. » Il y a fort à parier que son ascension n’est pas terminée, tout comme celle de l’Union Bordeaux-Bègles, qui vient de disputer trois finales en douze mois.