C’est un coup de fil inédit depuis près de trois ans. Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se sont parlé mardi. Et malgré leurs positions très éloignées, les deux dirigeants, qui se sont entretenus durant « plus de deux heures au téléphone », sont convenus de continuer « d’échanger » sur le conflit en Ukraine, a précisé l’Elysée.

Moscou et Paris étaient conjointement à « l’origine » de cet appel, a indiqué la présidence française. Emmanuel Macron avait pour sa part averti son homologue Volodymyr Zelensky de son intention de joindre le maître du Kremlin. Il a aussi échangé avec lui après l’appel.

De quand datait le dernier appel ?

Le dernier échange entre les dirigeants français et russe remontait au 11 septembre 2022 et avait porté sur la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, occupée par les Russes et dont la sécurité était alors menacée.

Le président français, qui s’était vu reprocher de continuer à parler au maître du Kremlin pendant des mois après le début de l’offensive russe en Ukraine, en février 2022, a ensuite cessé tout contact, accusant Vladimir Poutine de « mentir » sur ses intentions et sa volonté de paix.

Pourquoi cet appel ?

L’échange de mardi était destiné en premier lieu à faire le point sur l’Iran – Paris et Moscou étant cosignataires de l’accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien – mais a aussi en partie porté sur l’Ukraine. Emmanuel Macron a pris le risque de renouer avec Vladimir Poutine, dans la foulée de Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, pour parler d’Iran mais sans omettre de rappeler ses exigences sur l’Ukraine, souligne-t-on à Paris.

Pour la politologue russe Tatiana Stanovaya, fondatrice du cabinet de conseil R.Politik, cet appel « ne veut pas dire que l’Ukraine va perdre tout soutien ». « Il montre plutôt la volonté des Européens d’avoir une place à la table » des négociations, même s’il « n’y a rien à discuter » pour l’instant du fait de l’intransigeance russe.

Qu’est ce qui a été dit sur l’Ukraine ?…

Lors de ce dialogue, Emmanuel Macron a souligné « le soutien indéfectible de la France à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine », a insisté l’Elysée, alors que la Russie occupe près de 20 % de ce pays. Le chef de l’Etat français a appelé à « l’établissement, dans les meilleurs délais, d’un cessez-le-feu et au lancement de négociations entre l’Ukraine et la Russie pour un règlement solide et durable du conflit ».

Le président russe a pour sa part prévenu que tout accord de paix en Ukraine devait être « global et sur le long terme, prévoir l’élimination des causes profondes de la crise ukrainienne et s’appuyer sur de nouvelles réalités territoriales », a souligné le Kremlin. Moscou a déjà revendiqué l’annexion de quatre régions ukrainiennes, en plus de la péninsule de Crimée, qu’elle a envahie en 2014.

Vladimir Poutine a aussi martelé que le conflit ukrainien était « une conséquence directe de la politique des Etats occidentaux », qui ont « ignoré les intérêts sécuritaires de la Russie depuis des années » et créé une « tête de pont anti-russe en Ukraine ».

…Et sur l’Iran ?

S’ils ont affiché leurs divergences sur le conflit en Ukraine, les deux dirigeants ont par contre affiché leur volonté de coopérer sur l’Iran après les frappes israéliennes et américaines.

Notre dossier sur la Russie

Sur le nucléaire iranien, ils ont « décidé de coordonner leurs démarches et de se parler prochainement afin de faire le suivi ensemble » du dossier, selon l’Elysée. A cet égard, Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont martelé que les crises au Moyen-Orient devaient être résolues « par la diplomatie », a renchéri la présidence russe.

Emmanuel Macron a, lui, insisté sur la nécessité d’un « règlement durable et exigeant du dossier nucléaire, de la question des missiles de l’Iran et de son rôle dans la région ». Il a pour cela demandé que les inspecteurs puissent « reprendre leur travail sans délai » en Iran, alors que Téhéran menace de rompre avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Vladimir Poutine a de son côté fait savoir que, selon lui, l’Iran avait « le droit » de développer un programme « nucléaire civil ».