Cela fait déjà plus de 350 ans que des biologistes examinent les cellules humaines sous tous les angles possibles et imaginables — et pourtant, cette brique essentielle de la vie continue de nous réserver des surprises. Récemment, des chercheurs américains ont annoncé la découverte d’un nouvel organite qui semble jouer un rôle dans la maintenance et le nettoyage des cellules.
Vous savez sans doute que nos cellules ne sont pas de simples petites poches de liquide inertes. Il s’agit d’entités dynamiques dont le fonctionnement repose sur une machinerie interne complexe composée d’organites. Ce sont des sous-unités cellulaires hautement spécialisées, parfois acquises suite à l’assimilation d’un autre organisme, qui jouent chacune un rôle bien précis; même si l’analogie n’est pas parfaite, on peut les assimiler aux organes internes des mammifères dans une certaine mesure.
Les cellules des plantes vertes, par exemple, sont dotées de chloroplastes, des organites qui se chargent du processus de photosynthèse. On peut aussi citer les mitochondries, les fameuses « centrales énergétiques des cellules », ou l’appareil de Golgi qui modifie et conditionne les protéines et les lipides.
Les mitochondries sont des organites qui produisent l’énergie nécessaire au fonctionnement des cellukles. © Louisa Howard – Wikimedia Commons
Puisque les cellules humaines ont fait l’objet de plusieurs centaines de milliers d’études scientifiques réparties sur plus de trois siècles, on pourrait penser que tous leurs organites ont déjà été identifiés. Mais une équipe de l’Université de Virginie vient de prouver que cela serait bien présomptueux en revendiquant la découverte d’un tout nouvel organite, appelé hémifusome.
L’hémifusome, la Poste des cellules
Le fonctionnement exact de cette structure n’est pas encore tout à fait clair — rien d’étonnant puisqu’elle vient tout juste d’être identifiée. « Nous commençons tout juste à comprendre comment ce nouvel organite s’intègre dans le contexte plus large de la santé et des maladies cellulaires », explique Seham Ebrahim, doctorant à l’Université de Virginie et co-auteur du papier de recherche.
Mais les auteurs de l’étude ont déjà leur petite idée sur la question. Cet hémifusome semble jouer un rôle plus que significatif dans notre physiologie en aidant nos cellules à trier, recycler et se débarrasser de nombreux composés. En somme, c’est l’équivalent de la Poste et du SICTOM à l’échelle cellulaire. « C’est un peu comme découvrir un nouveau centre de tri et de recyclage au sein de la cellule. Nous pensons qu’il aide à gérer la manière dont les cellules emballent et traitent les matériaux », précise Ebrahim.
Plus précisément, cet hémifusome serait impliqué dans la formation des vésicules. Il s’agit de petites poches formées par les cellules pour transporter des molécules utiles, comme les protéines ou les lipides, mais aussi pour se débarrasser des déchets du métabolisme.
Ces hémifusomes ont été surpris de produire ce qui ressemble à des vésicules. © Tavakoli et al, 2025, Nature Communications
Pour reprendre l’analogie d’Ebrahim, on peut les assimiler à des petits camions de livraison qui parcourent constamment nos cellules. Par extension, l’hémifusome serait donc l’équivalent du centre logistique qui pilote ce service crucial. Si cette hypothèse se confirme, il y a donc une vraie probabilité qu’il joue un rôle très important dans le fonctionnement de notre métabolisme — d’où l’enthousiasme des chercheurs.
« C’est passionnant, car il est rare de découvrir quelque chose de véritablement nouveau à l’intérieur des cellules, et cela nous ouvre une toute nouvelle voie à explorer », se réjouit Ebrahim.
De la recherche fondamentale à la médecine clinique
Cette découverte pourrait notamment avoir des retombées en médecine. On sait que de très nombreuses maladies (cancers, infections, maladies auto-immunes ou génétiques…) sont associées de près ou de loin à des problèmes « logistiques » au sein des cellules ; certains composés chimiques peuvent être défectueux, le transport peut ne pas arriver à destination, les déchets peuvent s’accumuler par manque d’évacuation, et ainsi de suite. Cela signifie qu’en étudiant le fonctionnement de l’hémifusome, les chercheurs pourraient identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques pour traiter des maladies parfois très graves.
« Maintenant que nous savons que les hémifusomes existent, nous pouvons commencer à étudier leur comportement dans les cellules saines et ce qui se passe en cas de dysfonctionnement. Cela pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies pour traiter les maladies génétiques complexes. »
En d’autres termes, la découverte de l’hémifusome marque le début d’une nouvelle ère en biologie cellulaire. En révélant un maillon jusque-là inconnu de la logistique interne des cellules, elle promet non seulement de révolutionner notre compréhension du vivant, mais aussi de révéler de nouvelles pistes pour combattre des maladies hautement problématiques. Une découverte microscopique, certes, mais qui pourrait bien avoir des retombées colossales qu’il nous tarde déjà de découvrir.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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