Par

Jade Lacroix

Publié le

2 juil. 2025 à 17h15

Ce mardi 1er juillet 2025, un jeune homme de 18 ans, Timothy G., a été arrêté à proximité d’un lycée avec deux couteaux dans son sac dans la région de Saint-Étienne (Loire). Il se revendiquait de la mouvance « incel » et voulait s’en prendre à des femmes.

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a confirmé l’ouverture d’une information judiciaire. C’est officiellement le premier dossier exclusivement lié à cette mouvance.

Une mouvance née en ligne

En 2021, le Réseau de sensibilisation à la radicalisation (RAN), une initiative européenne qui vise à lutter contre la radicalisation, a sorti un rapport sur la communauté « incels ».

Ce rapport, intitulé Incels : première analyse du phénomène (dans l’UE), et impact et difficultés associées sur le plan de la prévention et de la lutte contre l’extrémisme violent, avance une définition de cette mouvance.

Les célibataires involontaires (« incels ») sont des hommes qui se considèrent incapables d’établir des relations sexuelles consensuelles en raison de leur manque d’attrait physique perçu.

Réseau de sensibilisation à la radicalisation (RAN)
Rapport de 2021

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Ce terme est apparu en premier en 1997. Il s’adressait alors à tous les genres et à toutes les sexualités. Une communauté s’était formée autour d’un site créé par une étudiante, intitulé « Alana’s Involuntary Celibacy Project ». Il avait « pour but d’offrir à tous un lieu où exprimer ses frustrations en matière de sexe, relations amoureuses et sexualité ».

Une communauté qui s’est radicalisée

Mais cette communauté, qui est née en ligne, s’est radicalisée et est devenue plus misogyne, excluant les femmes qui en faisaient partie.

Le cœur de cette mouvance est resté le même que lors de sa création. Les incels concentrent toujours leur discours sur l’accès aux relations sexuelles avec des femmes.

Ces hommes, souvent jeunes, « pensent être désavantagés sur le plan génétique et sociétal au point de se voir refuser l’accès aux relations sexuelles avec les femmes », appuie l’Union européenne.

Présents sur le forum Reddit, 4chan ou encore la plateforme TikTok, les « incels » sont notamment convaincus de l’existence d’une règle – « la règle 80/20 » — selon laquelle 20 % des hommes les plus attirants ont monopolisé 80 % des femmes, rendant selon eux la tâche plus ardue pour les 80 % d’hommes restants.

C’est quoi la « manosphère » ?

La communauté des « incels » s’inscrit plus largement dans la « manosphère ». Selon le rapport de l’Union européenne c’est « un ensemble de communautés antiféministes principalement présentes en ligne qui se caractérisent par une misogynie plus ou moins marquée et, à l’occasion, par une violence ciblée ».

« Une menace pour la santé et la sécurité publique »

Les contenus « incels », qui circulent sur les réseaux sociaux ou des forums dédiés, célèbrent la violence faite aux femmes.

Et cette mouvance grossit. Dans une étude portant sur plus d’un million de messages publiés de janvier 2021 et juillet 2022, le CCDH notait une hausse de 59 % de l’utilisation de termes et de mots de code relatifs à des actes de violence de masse. Il relevait en outre une mention de viol toutes les 29 minutes.

Selon le rapport de l’Union européenne, cette communauté constitue donc « une menace pour la santé et la sécurité publique ».

Cette approche a favorisé la création d’un environnement en ligne réunissant des hommes isolés, déprimés, souvent en colère et parfois suicidaires.

Réseau de sensibilisation à la radicalisation (RAN)
Rapport de 2021

Des auteurs de tuerie de masse élevés en héros

Certains d’entre eux sont même passés à l’acte. C’est le cas d’Alek Minassian, qui a tué 11 personnes, principalement des femmes, lors d’une attaque au camion-bélier au Canada en 2018.

Quatre ans avant, en 2014, un Américain, Elliot Rodger, qui avait proclamé sa haine de la société et des femmes, a tué six personnes, dont trois femmes, en 2014 en Californie, avant de se suicider. En 2021, Jake Davidson avait tué cinq femmes à Plymouth, au Royaume-Uni, avant de mettre fin à ses jours.

Ces auteurs de tueries de masse sont devenus des symboles dans la communauté. Les personnes qui ont commis des tueries de masse en raison de leurs « caractéristiques » incels, de façon explicite ou implicite, sont canonisées et élevées au rang de « héros » incels, d’après le RAN.

En France, la mouvance masculiniste est notamment passée sur le devant de la scène début juin. La ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne avait annoncé que la série britannique Adolescence, traitant des ravages sur les jeunes des contenus masculinistes des réseaux sociaux, allait être proposée comme support pédagogique à partir du collège en France.

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