Une forte fièvre et des douleurs diffuses dans tout le corps. Les symptômes du petit garçon de 5 ans, vivant à Illats en Gironde, ont été suffisamment inquiétants pour conduire ses parents à l’hôpital le plus proche dans la journée du 1er juillet. C’est là que les médecins soupçonnent une possibilité qu’il puisse souffrir d’une infection au chikungunya. Son analyse de sang est aussitôt envoyée au centre national de référence afin de détecter la présence du virus. Le résultat tombe ce 2 juillet au matin : le petit garçon souffre du chikungunya. La maladie, aussitôt déclarée à l’Agence régionale de santé (ARS) de Bordeaux, met en branle tout un processus de mesures urgentes, afin d’éviter la propagation du chikungunya.
Comme ici à La Réunion, où sévit une épidémie de chikungunya, la démoustication est une arme essentielle pour lutter contre la propagation des moustiques-tigres.
Ludovic Marin/AFP
« Il s’agit du premier cas autochtone, déclare la directrice adjointe de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, Cécile Tagliana, lors d’une conférence de presse organisée dans la foulée. Après une première enquête familiale, nous avons eu confirmation que l’enfant a contracté la maladie ici, à Illats. Il n’a pas voyagé en zone contaminée. Ce premier cas survient dans un contexte particulier. En effet, la Nouvelle-Aquitaine compte depuis janvier dernier 115 cas importés, du jamais-vu, sachant que la Gironde est le département le plus concerné. »
Le docteur Karim Tararbit, médecin à la cellule de veille, d’alerte et de gestion sanitaire de l’ARS, explique ensuite qu’une enquête épidémiologique est lancée, dont la mission sera d’identifier tous les lieux où l’enfant a circulé, et où il aurait pu être contaminé : école, maison, aires de jeux, etc. « Il faut aussi tenter de croiser la présence de l’enfant avec des cas de personnes infectées après un séjour à La Réunion par exemple, annonce-t-il, car il s’agit de trouver le cas source, celui qui, le premier, a été piqué par un moustique-tigre, l’a contaminé, avant que ce moustique ne pique l’enfant à son tour. Nous allons faire le tour de l’éventualité d’autres cas non déclarés sur les lieux de vie de l’enfant, en faisant… du porte-à-porte. »
« On y est : le moustique-tigre vit avec nous, il est désormais ici chez lui et les dômes de chaleur, les pluies agressives, les chaos climatiques favorisent son intégration »
Pulvérisations d’insecticides
Ainsi, dès jeudi matin les habitants de la commune d’Illats vont voir débarquer des enquêteurs de l’ARS d’une part, mais aussi des techniciens de la société Altopictus, agence missionnée par l’ARS dans la lutte antivectorielle. Ces derniers vont analyser le terrain, observer où se situent les nids de moustiques-tigres, se rendre sur les sites fréquentés par l’enfant et préparer des pulvérisations d’insecticides afin d’éliminer les moustiques adultes vecteurs du chikungunya, afin d’éviter d’autres contaminations.
Delphine Binet, responsable de l’agence, explique : « Nous devons agir très vite. Outre les actions de démoustication, nous allons aussi dénicher les sites larvaires, y compris chez des particuliers, supprimer tous les contenants artificiels, même minuscules, comme des jouets d’enfant. Les habitants seront tous informés de nos actions, par des flyers distribués dans les boîtes aux lettres, afin qu’ils ferment leurs fenêtres durant les pulvérisations. »
Éviter la propagation est le maître-mot de l’ARS à ce stade. Le professeur Denis Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux, et son équipe sont sur les starting-blocks depuis le début de l’été : « Nous savions que le risque était imminent, déclare-t-il, mais là, c’est clair, on y est. Le moustique vit avec nous, il est désormais ici chez lui et les dômes de chaleur, les pluies agressives, les chaos climatiques favorisent son intégration. C’est un urbain comme nous. L’an dernier, nous n’avons connu que deux cas importés de chikungunya en Nouvelle-Aquitaine, et nous en sommes déjà à 115 à ce jour, dont un cas autochtone. Il va falloir adapter nos comportements, apprendre à vivre avec ce risque. Se protéger des piqûres, poser des moustiquaires aux fenêtres, au-dessus des lits, se frotter avec des produits répulsifs. Nous sommes assez démunis face aux moustiques… »
L’école ne fermera pas
À Illats, pas de fermeture d’école annoncée, ni de branle-bas. Des recommandations sont déjà transmises aux enseignants, aux familles, avec le rappel des bonnes pratiques. Selon les experts de l’ARS, l’enquête ne déterminera peut-être jamais qui a été le cas index ou patient zéro. « Il faut savoir, reprend le professeur Malvy, que seule une personne atteinte du chikungunya et présentant des symptômes, notamment la fièvre, peut être le transmetteur. Sans symptôme, pas de transmission. En revanche, tout le monde est capable de basculer de l’infection à la maladie, avec des signes parfois agressifs : fièvre, douleurs musculaires, articulaires et éruptions cutanées. Chikungunya signifie « marcher courbé », la maladie peut être invalidante plusieurs jours et pour 20 % des cas, avoir des manifestations douloureuses à long terme. »