Installée à l’entrée du Neudorf, la Maison citoyenne se remarque de loin. Derrière sa façade multicolore se cachent un café associatif, un espace d’éducation populaire, des locaux pour les assos et une belle expérience démocratique. Découverte d’un tiers-lieu strasbourgeois pas comme les autres.

Samedi 14 avril, 18h30. La petite place devant la Maison citoyenne commence à se remplir. Installées sur les tables disposées ça et là, les bandes de potes se racontent les derniers potins autour d’un verre, dans une atmosphère aussi détendue que surchauffée.

Dans la maison multicolore, les artistes se préparent. Ce soir, elle accueille le S’Cabaret pour un concert. Derrière le bar, Jaffa et Vincent s’activent, servent bières et softs, la soirée débute.

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives © Adrien Labit / Pokaa

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

© Adrien Labit / Pokaa

« On a une grande salle au rez-de-chaussée et une plus petite en haut qui sont disponibles pour accueillir des associations et du public, explique Jaffa. Ça permet à énormément de structures de venir ici faire des choses et de pouvoir se rencontrer. »

Bénévole à la Maison citoyenne, il la découvre un jour en passant en tram, intrigué par les couleurs de la façade. Aujourd’hui, il est membre du comité collégial et actif derrière le bar de l’association. « Au départ, j’étais simple adhérent, je venais avec mes amis. Puis peu à peu, je me suis investi. Pour boire un coup, il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour tenir le bar ! »

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives Jaffa derrière le bar. © Adrien Labit / Pokaa

« C’est un lieu qui permet plein de choses »

Vincent, quant à lui, est arrivé à la Maison citoyenne « pour rencontrer du monde » après avoir emménagé à Strasbourg il y a quelques années. « Je m’occupe du café et j’essaye d’animer le volet social et politique de la maison au travers de l’éducation populaire. »

Le bénévole organise des arpentages et annonce qu’à partir de septembre la maison accueillera des ciné-débats. « Ça fait plaisir d’animer la vie du quartier et la vie associative. » Son collègue Jaffa reprend : « Il y a plein de projets qui se montent, ça fait du bien. Si tu as envie de bricoler, de faire des trucs, il y a toujours des choses à faire ici. »

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives Vincent derière le bar. © Adrien Labit / Pokaa

Le concert débute dans la grande salle, qui n’a de grande que le nom. Ambiance cosy, on a un peu l’impression d’être à la maison. Marie Cheyenne joue ce soir avec le S’Cabaret. « On a fait une pause avec le collectif pendant un temps et ce soir, c’est l’occasion de se relancer dans une ambiance super conviviale. »

Marie est aussi bénévole, elle s’investit dans les apéros chansons, la scène ouverte de la Maison citoyenne. « C’est un lieu qui permet plein de choses, on a une idée, on la fait. »

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives Marie Cheyenne devant le public de la Maison citoyenne. © Adrien Labit / Pokaa

« Un espace de rencontre, de travail pour les assos et de convivialité »

L’histoire de la Maison citoyenne remonte à 2014. À l’époque, ce petit bout de terrain et la maison qui l’occupe ont été oubliés lors de l’aménagement du quartier Étoile.

La SERS, la société d’aménagement de la Ville, contacte alors l’association Écoquartier de Strasbourg. « Ils nous ont proposé d’en faire quelque chose, explique Emmanuel Marx, membre du comité collégial de la Maison citoyenne. On partait d’une page blanche, mais on a posé deux conditions : que ce soit autofinancé et autogéré. On ne voulait pas qu’Écoquartier gère la maison, on voulait quelque chose d’autonome. »

Un collectif se forme et recueille les envies des habitant(e)s, dessinant les contours du projet : « Un espace de rencontre, de travail pour les assos et de convivialité. »

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives Emmanuel Marx, bénévole et membre du Comitié collégial de la Maison citoyenne. © Adrien Labit / Pokaa

« On a eu les clés en 2015, reprend Emmanuel. Heureusement qu’on ne savait pas ce que ça allait nous coûter à la fin, parce que sinon on n’y serait peut-être pas allés. » En effet, la maison est en si mauvais état qu’il est impossible d’y organiser des événements publics. Le collectif organise alors les premiers chantiers participatifs et se met en recherche de financement pour assurer les travaux.

« En quatre ans, on a dû faire 40 demandes de financement. Dès qu’il y avait un appel à projets qui sortait, on candidatait. » Peu à peu, le collectif rassemble de quoi financer les travaux. « Ça aurait couté moins cher de faire du neuf, rigole Emmanuel. On en a eu pour 180 000€ et il y a énormément de choses qui ont été faites en chantier participatif. »

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

De son état d’origine à l’inauguration. © Documents remis

En plein chantier, la maison trouve ses couleurs, presque par hasard. « Une volontaire en service civique nous avait dessiné une maison avec des couleurs à la Mondrian, c’était un visuel assez pêchu, on s’en est servi. »

Un jour, un peintre passe devant la maison et voit ce dessin. « Il nous dit qu’il vient de finir un chantier à côté et qu’il a plusieurs pots de peinture dont il ne fera rien, il nous a proposé de nous les donner. C’était trois des six couleurs du dessin. » Les membres du collectif saisissent l’occasion, achètent les couleurs manquantes, louent un échafaudage et « en un weekend, on a fait la peinture de la façade ».

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives Le chantier de peinture de la maison citoyenne. © Document remis

« Le vrai défi, c’est de tenir 30 ans »

En 2019, après quatre années de travaux, la Maison citoyenne ouvre enfin ses portes. Le collectif s’est constitué en association autonome et dispose d’un bail d’occupation de 30 ans. « L’objet de l’asso, ce n’est pas de gérer un café, ça, c’est un moyen. L’objet, c’est favoriser la transition écologique et citoyenne. »

Pour ce faire, la maison accueille de nombreuses activités. « On ne souhaite pas que ce soit un bar, le but ce n’est pas de faire concurrence aux cafés du quartier. On est là pour apporter des choses en plus donc on essaye d’avoir des activités variées. »

Strasbourg solidaire grande précarité La Maison citoyenne accueille les rencontres organisées par l’association La Cloche. © Adrien Labit / Pokaa

La maison est également mise à disposition de structures qui souhaitent organiser des événements. « Pour être le plus accessible possible et payer nos charges, il y a une forme de péréquation. Les assos payent moins que les particuliers qui payent moins que les entreprises. »

Si l’événement est gratuit et ouvert au public, la mise à disposition se fait à prix libre et conscient. « Le financement de la maison, c’est environ un tiers de bénéfices du bar, un tiers de cotisations des adhérents et un tiers de mises à disposition. »

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

Maison citoyenne Tiers-lieu Strasbourg Neudorf Alternatives

© Adrien Labit / Pokaa

Pas de président dans l’association de la Maison citoyenne, mais un comité collégial d’une quinzaine de personnes qui prend les décisions de manière collective. « On essaye d’avoir des pratiques démocratiques qui montrent qu’on peut décider ensemble de sujets qui d’ordinaire ne sont pas discutés. »

Par exemple, servir de l’alcool. « Pour certains, c’est essentiel, pour d’autres, ça l’est moins. Typiquement dans un bar, on ne se pose pas la question. » Emmanuel poursuit, « la réponse n’a pas besoin d’être simple, le monde est complexe, les solutions qu’on apporte peuvent l’être. » Pour lui, c’est la diversité des engagements bénévoles qui fait la solidité du projet. « Le vrai défi, ce n’est pas de faire vivre un lieu, c’est de tenir 30 ans. »