Depuis son lancement en 1977, la
sonde Voyager 1 n’a jamais
cessé d’avancer. Silencieuse et intrépide, elle file dans le vide
sidéral à plus de 61 000 km/h. En près de 50 ans de voyage, elle a
quitté l’environnement solaire familier pour plonger dans l’espace
interstellaire. Et à la fin de l’année 2026, elle
franchira une frontière symbolique et inédite dans l’histoire
humaine : la distance que la lumière parcourt en 24 heures.

Cette unité, appelée
jour-lumière, équivaut à
environ 25,9 milliards de kilomètres. Autrement dit : là où la
lumière met une journée entière pour nous parvenir, notre plus
lointaine ambassadrice y aura mis… un demi-siècle.

Une sonde mythique, toujours
en mouvement

Lancée par la NASA le 5
septembre 1977, quelques jours après sa jumelle Voyager 2, Voyager 1 avait pour mission initiale
d’explorer les planètes extérieures du Système solaire. Elle nous a
offert les premières vues détaillées de Jupiter et Saturne,
révolutionnant notre compréhension de ces géantes.

Mais le voyage ne s’est pas
arrêté là. Après avoir quitté la région planétaire, Voyager 1 a continué, toujours plus
loin, jusqu’à franchir en 2012 l’héliopause, la frontière où le
vent solaire cède face au milieu interstellaire. Elle est ainsi
devenue le premier objet humain à quitter l’héliosphère — cette
bulle protectrice générée par notre Soleil.

Pourquoi un jour-lumière,
c’est énorme

Pour donner une idée plus
concrète : la lumière met un peu plus de 8 minutes pour atteindre
la Terre depuis le Soleil(soit 1 unité astronomique ou ~150
millions de km). Voyager 1, elle, est actuellement à plus de 166
unités astronomiques, et le temps que met un signal radio pour
atteindre la sonde dépasse désormais 23 heures.

Cela signifie qu’en novembre
2026, les signaux mettront 24 heures pile à faire le trajet aller
simple depuis la Terre. À cette date, Voyager 1 aura atteint une
distance-lumière de 1 jour. Elle franchira ce cap le 15 novembre
2026 vis-à-vis de la Terre, et le 28 janvier 2027 vis-à-vis du
Soleil.

Ce jalon n’est pas seulement
symbolique. Il matérialise à quel point l’exploration humaine est
encore balbutiante à l’échelle galactique. Une journée-lumière,
c’est un cheveu dans l’océan de l’Univers.

voyager
Les sondes jumelles Voyager de la NASA, lancées en 1977, voyagent
actuellement dans l’espace interstellaire à environ 56 000 km/h.
Cette vue d’artiste représente l’une des sondes s’éloignant à toute
vitesse. Crédit : NASA/JPL-CaltechJusqu’où ira-t-elle ?

Voyager 1 est loin d’avoir
terminé sa course. Même si ses instruments scientifiques
s’éteindront progressivement au début des années 2030, la sonde
continuera de dériver dans le vide — muette, mais intacte. À sa
vitesse actuelle, il lui faudra environ 40 000 ans pour s’éloigner
à deux années-lumière, soit la limite extérieure estimée du Système
solaire (à mi-chemin entre nous et l’étoile la plus proche, Proxima
du Centaure).

Car contrairement à ce qu’on
pourrait croire, Voyager 1 n’a pas encore totalement « quitté le
Système solaire ». Si elle a bien dépassé l’héliosphère, elle
évolue encore dans la zone gravitationnelle d’influence du Soleil,
notamment dans la région supposée du nuage d’Oort, une immense
sphère hypothétique de comètes glacées.

Un rappel de notre petitesse
cosmique

L’événement à venir – franchir
une journée-lumière – nous donne une perspective vertigineuse. Même
avec des technologies avancées, aucun engin habité ne s’est jamais
approché d’un tel exploit. Apollo 10 détient encore, depuis 1969,
le record de vitesse humaine (près de 40 000 km/h) – soit 6 fois
moins que Voyager 1 – et il faudrait 155 jours à cette vitesse pour
atteindre seulement 1 UA. Ce sont des chiffres qui font
réfléchir.

L’espace, notre prochain
grand défi

Alors que Voyager 1 s’éloigne
vers l’inconnu, elle emporte à son bord un message pour les
éventuelles civilisations extraterrestres : le célèbre
Golden Record, un disque
contenant sons, images et musiques de la Terre. Un espoir fragile,
mais magnifique, de contact cosmique.

Et surtout, elle laisse
derrière elle une leçon : l’Univers est immense, le voyage est
long, mais l’audace humaine, elle, ne connaît pas de
frontières.