Le projet de Santander de racheter TSB pour 2,65 milliards de livres sterling (3,61 milliards de dollars) et de renforcer sa position au Royaume-Uni s’est concrétisé il y a seulement quelques semaines, alors que la banque espagnole envisageait une possible sortie du marché britannique, selon trois sources proches du dossier.
Le prêteur, confronté à des années de sous-performance de son activité britannique et à une part de marché au mieux stagnante, a revu cette année sa présence de deux décennies au Royaume-Uni.
Au lieu de cela, deux événements concomitants ont offert à Santander l’opportunité de racheter TSB, la filiale britannique de la banque espagnole Sabadell, a indiqué l’une des sources sous couvert d’anonymat.
Début mai, Santander a annoncé la vente de sa banque polonaise, engrangeant 6,8 milliards d’euros (8,02 milliards de dollars) dans l’opération.
Puis, la banque a appris que Sabadell – elle-même cible d’une offre publique d’achat de la part de son concurrent Santander, BBVA – commençait à recevoir des offres pour TSB, la septième plus grande banque britannique en nombre d’agences, qui a peiné sous le contrôle de Sabadell.
Conseillée par Centerview, Robey Warshaw et Deutsche Bank, Santander et ses banquiers ont travaillé durant trois semaines pour déposer une offre tard vendredi, selon la source.
Sabadell – accompagnée de Goldman Sachs et Morgan Stanley – a semblé maintenir le suspense jusqu’à une réunion du conseil d’administration mardi.
Finalement, Santander a devancé Barclays, deuxième finaliste, la différence entre les offres étant minime, selon deux sources proches du dossier.
L’opération met en lumière la consolidation croissante du secteur bancaire européen, qui pousse les établissements hors du top tier à reconnaître la nécessité de grandir ou de se retirer.
Santander et Sabadell se sont refusées à tout commentaire.
Centerview, Barclays, Deutsche Bank, Goldman Sachs et Morgan Stanley n’ont pas non plus souhaité s’exprimer. Robey Warshaw n’a pas répondu aux demandes de commentaires.
L’acquisition de TSB permettra à Santander de passer de la cinquième à la quatrième place sur le marché britannique des prêts hypothécaires, selon les estimations de RBC. Pour cela, Santander paie 1,45 fois la valeur comptable de TSB, un multiple jugé élevé par les analystes mais qui reflète l’ampleur des économies de coûts que la banque espagnole estime pouvoir réaliser en supprimant les doublons dans les fonctions administratives et les agences.
« L’acquisition de TSB permet de renforcer significativement l’activité de Santander au Royaume-Uni et offre des opportunités substantielles de réduction des coûts », analyse John Cronin, analyste bancaire chez SeaPoint Insights.
Cronin estime qu’il pourrait s’agir « de la première étape d’une stratégie plus large visant à stimuler la consolidation dans le secteur du crédit traditionnel, avec un Santander potentiellement offensif ».
Les banques britanniques, disposant de liquidités grâce à la hausse des taux d’intérêt, envisagent d’autres opérations, notamment alors que les néobanques peinent à grignoter des parts de marché aux principaux acteurs.
Ce mouvement s’inscrit dans un processus de consolidation observé dans d’autres marchés européens, notamment en Italie, où les banques sont contraintes de grossir pour faire face à des réglementations plus strictes et à des coûts technologiques massifs.
Selon des banquiers, l’opération de Santander va également accentuer la pression sur d’autres établissements britanniques souhaitant se développer par acquisitions, alors que les opportunités se raréfient, Virgin Money, la banque de Tesco et désormais TSB ayant toutes été reprises au cours des 18 derniers mois.
DES COUPES DIFFICILES
Après les rumeurs en janvier selon lesquelles Santander, banque présente dans dix marchés clés, envisageait de quitter le Royaume-Uni, la présidente exécutive Ana Botín avait publiquement réaffirmé l’engagement de la banque dans le pays.
Si le rachat de TSB concrétise cette promesse, la réussite de l’opération dépend en partie de coupes budgétaires potentiellement difficiles.
Santander a indiqué s’attendre à réaliser 400 millions de livres d’économies, soit environ 55 % de la base de coûts de TSB. Un chiffre largement supérieur aux synergies de coûts de 40 % généralement jugées réalisables au Royaume-Uni sur la base d’opérations passées, selon des analystes de BofA.
La banque estime que l’opération générera un rendement sur capital investi supérieur à 20 % et contribuera à porter le rendement des fonds propres de son activité britannique à 16 %, contre 11 % actuellement, un niveau inférieur à la moyenne du secteur.
L’intégration des systèmes informatiques et la migration des comptes clients s’avèrent être des tâches ardues au Royaume-Uni, en raison de la dépendance des banques à des logiciels historiques parfois vieux de plusieurs décennies. Deux sources proches du dossier indiquent que Santander utilisera Gravity, son nouveau système informatique, pour faciliter l’intégration.
La volonté de la banque espagnole de réduire les coûts en fermant des agences et en supprimant des emplois pourrait également susciter des protestations de la part des syndicats et des clients, ainsi qu’un examen attentif des autorités politiques.
Enfin, Santander devra batailler pour gagner des parts de marché face à Lloyds Banking Group et NatWest, qui dominent des segments plus rentables comme les crédits immobiliers et les cartes de crédit, même avec la taille supplémentaire acquise grâce à TSB.
($1 = 0,7346 livre sterling)
($1 = 0,8480 euro)