Un journal satirique d’actualité sous Trump : imaginez-vous l’intensité du travail. The Onion, en ces temps trumpien absurdes, tente de faire rire face à l’actualité, en “catharsis”.

Hier, le Gorafi, média français satirique, a posté une nouvelle fake news rigolote

Et une autre plus tôt

C’est drôle. C’est horrible, aussi, et c’est drôle parce que c’est horrible. C’est ça, le pouvoir précieux des médias satiriques en ces temps absurdes : nous faire rire sur les trucs terribles qui nous entourent et tenter d’être plus absurde que l’absurdité du réel.

En France, ça déconne sur le dérèglement climatique, le racisme dans la vie ou dans les institutions, type le ministère de l’Intérieur, François Bayrou, et plein de trucs plus légers aussi. Ça déconne tellement que des « fake news » du Gorafi deviennent réalité. Un article publié il y a neuf ans, en 2016, prévoyait par exemple qu’il faudrait un jour cacher les stagiaires à Jean-Marc Morandini pour ne pas les mettre en danger, alors que l’animateur télé est condamné pour corruption de mineurs.

Aux États-Unis, leur Gorafi à eux, c’est The Onion, et vous l’imaginez, y a du pain sur la planche. Parce que nous on déconne sur Bayrou qui ne finit pas ses phrases, puis c’est compliqué de trouver plus absurde et éhonté que la chasse aux sans papiers de Retailleau, mais eux, avec Trump, tous les titres de presse ressemblent à du Gorafi originel. Par exemple, “Trump crée un camp de réfugiés au milieu des alligators”, “après avoir vu un film sur Alcatraz, Trump veut rouvrir Alcatraz”, “Trump signe un décret pour libéraliser les débits des pommeaux de douche”, etc.

Il y a une semaine, juste après les bombardements américains sur l’Iran, le New York Times publiait dans ses encarts publicitaires une pleine page signée de The Onion, une fausse tribune titrée : “Le Congrès, plus que jamais, notre nation a besoin de votre lâcheté”.

The Onion “mise tout sur la vérité – même si elle est absurde”

Si ça prête à sourire, c’est précieux, la satire, quand le monde part en cacahuète. “Ce que The Onion fait de mieux, c’est apporter une forme de catharsis.” c’est ce que dit le boss de The Onion Ben Collins, dans les colonnes du magazine Rolling Stone.

“Ça donne aux gens, même ceux qui n’ont pas les mots, une manière de formuler leur ressenti. (…) On voulait rappeler aux gens qu’ils ne sont pas seuls à se sentir impuissants. Et dire au Congrès : peut-être que vous pourriez foutrement faire quelque chose, à un moment donné, face à l’horreur de ces six derniers mois.” L’horreur absurde qui fait qu’ils sont un peu passés de journal rigolo à porteur de vérité brute, Ben Collins dit “Nous, on mise tout sur la véritémême si elle est absurde — ce qui colle parfaitement à notre modèle. Et je pense qu’on va finir par devenir l’un des plus grands journaux du pays, en nombre de tirages. On est distribués dans les 50 États et dans plus de 50 pays.” 

Faire du “distordu, pour être drôle”, un travail toujours plus dur – et nécessaire

En surfant sur le site, on peut trouver des titres comme : “Le plan de retraite de la plupart des américains consiste désormais à ce que Richard Gere tombe amoureux d’eux après avoir payé pour du sexe”. Ou bien, en réaction à la fronde à Venise contre le mariage démesuré de Jeff Bezos sur l’ile, The Onion titre “les invités arrivant au mariage du fondateur d’Amazon Jeff Bezos et de Lauren Sánchez cette semaine auraient reçu des bouteilles en plastique aux initiales des mariés pour uriner pendant la cérémonie.”

C’est comme la série animée South Park, leur travail satirique est encore plus difficile à mesure que le monde est absurde, et en même temps terriblement nécessaire. C’est là aussi qu’on lui rend ses lettres de noblesse : la satire, c’est une science, un art, Ben Collins dit “Ce n’est pas juste « tout exagérer » ; c’est plutôt tourner le monde en x 1,25, pas en x 2. Suffisamment distordu pour être drôle, mais encore ancré dans le réel.”
Mi rigolo, mi sérieux, car les temps l’imposent, une note de bas de page dans l’article du New York Times que des copies papier de la tribune avaient été envoyées aux parlementaires directement visés, accusés d’inaction face à un Donald Trump de plus en plus autoritaire.