Le 27 juin 2025, deux frères d’origine azerbaïdjanaise meurent en détention à Ekaterinbourg. Officiellement, de causes naturelles. Pour Bakou, ce sont des assassinats maquillés. En quelques jours, cette affaire a relancé une crise latente entre la Russie et l’Azerbaïdjan. Arrestations de journalistes, suspension de rencontres diplomatiques, annulation d’évènements culturels : les deux Etats connaissent un regain de tensions.
Depuis le crash d’un avion civil azerbaïdjanais en décembre 2024, probablement abattu par un missile russe, les relations entre la Russie et l’Azerbaïdjan n’ont jamais été aussi fragiles. L’Express fait le point.
Pourquoi les tensions ont-elles brusquement ressurgi ?
Le point de départ de la crise actuelle remonte au 27 juin. Ce jour-là, la police russe mène une vaste opération à Ekaterinbourg, dans l’Oural, à plus de 1 700 kilomètres de Moscou. Une cinquantaine de personnes sont interpellées, soupçonnées d’être liées à des assassinats commis il y a plus de vingt ans. Parmi les personnes arrêtées figurent deux frères d’origine azerbaïdjanaise, Huseyn et Ziyaddin Safarov, tous deux citoyens russes. Les deux frères sont ensuite déclarés morts.
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Selon les autorités russes, l’un serait décédé d’un arrêt cardiaque, l’autre d’une insuffisance cardiaque aiguë. Mais très vite, les médias azerbaïdjanais contredisent cette version. Le site 1news.az révèle que les corps présenteraient de multiples fractures, des hématomes au visage, des blessures au torse et aux jambes. Pour Bakou, il s’agit de traces de torture.
De son côté, le parquet général d’Azerbaïdjan a ouvert une enquête officielle pour « actes de torture commis par les forces de l’ordre russes ». Le ministère des Affaires étrangères, a, quant à lui, convoqué le représentant russe à Bakou et lui a remis une « note de protestation ferme ».
Quelles ont été les réactions ?
Les réactions azerbaïdjanaises ont été rapides et fermes. Le 29 juin, la délégation parlementaire azerbaïdjanaise a annulé sa visite à Moscou, prévue dans le cadre de la commission interparlementaire bilatérale. Le même jour, Bakou a suspendu tous les événements culturels russes sur son territoire : festivals, expositions, concerts sont annulés.
Le lendemain, les bureaux de Sputnik, l’agence de presse publique russe, à Bakou ont été perquisitionnés. Trois journalistes sont arrêtés, accusés de fraude et de blanchiment d’argent. Deux d’entre eux, Igor Kartavykh (chef du bureau) et Evguéni Beloousov (rédacteur en chef), sont placés en détention provisoire. Moscou a réagi en dénonçant des « détentions illégales » et parle d’une « provocation inacceptable ».
A quand remonte le début du divorce diplomatique ?
La crise actuelle s’inscrit dans un processus de détachement progressif amorcé depuis plusieurs années. En février 2022, juste avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Bakou et Moscou signaient encore une « déclaration d’interaction alliée ». Mais cette dynamique a rapidement volé en éclats.
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L’invasion russe de l’Ukraine, puis le retrait des soldats russes du Haut-Karabakh après la reconquête totale de la région par l’Azerbaïdjan en 2023, a fragilisé l’image de Moscou comme puissance protectrice. Dans ce conflit, la Russie n’a pas défendu les séparatistes arméniens, ses alliés traditionnels, ce qui a été perçu à Bakou comme un feu vert implicite à sa reconquête territoriale.
Depuis, l’Azerbaïdjan assume une stratégie d’autonomie régionale. Elle s’appuie sur son alliance militaire avec la Turquie, ses exportations gazières vers l’Europe et ses ambitions d’acteur pivot dans le corridor énergétique transcaspien.
Quels sont les risques pour la Russie ?
Moscou risque de perdre l’un des derniers partenaires stables du Caucase. L’Azerbaïdjan, qui faisait jusqu’ici figure d’interlocuteur modéré, affiche désormais une posture offensive. Le Kremlin redoute un alignement plus affirmé de Bakou sur les positions turques et occidentales, ce qui réduirait davantage son influence dans la région.
Autre crainte pour la Russie : voir Ankara s’irriter d’un conflit ouvert avec un Etat turcophone allié, ce qui pourrait affaiblir leur partenariat déjà délicat.