Quelques heures avant l’attribution de sa troisième étoile, le chef Paskal Jankovski (Clovis Cornillac) disparaît avec son second, Antoine (Julien de Saint-Jean), lors d’une partie de chasse. À 20 ans, sa fille Clara (Julia de Nunez) se retrouve seule aux commandes du restaurant. Deux ans plus tard, elle reçoit une mystérieuse invitation pour Taïwan… Pourquoi avez-vous choisi de réaliser un film autour de cette histoire.
Il y a trois-quatre ans, des gens que je connais bien ont été confrontés à une disparition. Je me suis alors penché sur ce sujet.10 000 personnes disparaissent, chaque année, en France sans laisser de trace. C’est dingue, surtout pour les proches, que d’imaginer que quelqu’un qu’ils connaissent est vivant, probablement sous une autre identité et qu’ils n’auront plus jamais de nouvelles.
La transmission est l’un des thèmes majeurs du film, à travers ce père qui souhaitait confier les rênes de son restaurant à sa fille, Clara, mais celle-ci veut voyager avec Antoine.
À un moment, dans nos vies, la transmission est là, comme dans le film, où elle ne se passera pas comme on le pense. Le père a un sentiment très fort pour Clara, car elle est sa fille et qu’elle est douée, intelligente et belle. Il est tellement fier d’avoir construit ce restaurant, qu’il veut qu’elle en soit l’héritière. Il lui dit : « Tout ça est à toi » et elle lui répond : « Et bien non. À moi, maintenant, de me barrer au bout du monde, de vivre et d’être amoureuse ». Un père qui lui donne tout mais pas le voyage alors qu’à 20 ans, on a envie de voyager.
Ce qui m’intéresse dans la gastronomie, c’est la perfection, l’excellence, l’obsession, le stress
Pourquoi avoir choisi la gastronomie comme fil conducteur ?
Je me suis dit que mon enquête pouvait se dérouler sur une recherche où les indices seraient les saveurs. Ce qui m’intéresse aussi dans la gastronomie, c’est la perfection, l’excellence, l’obsession, le stress. Je dis toujours à mes amis : vous réussissez un très bon plat un soir mais vous vous rendez compte que dans ces restaurants, il faut les réussir tous les jours, toute l’année. Les grands chefs sont des artistes, des créateurs, qui ont des crises d’angoisse et d’anxiété. J’aime l’excellente cuisine qui, pour moi, me relie à la nature.
Régis Wargnier, ici avec Julia de Nunez et Clovis Cornillac, lors du tournage dans les cuisines du Moulin de Rosmadec. (Photo Didier Olivre)À Pont-Aven, le Moulin de Rosmadec (une étoile) a servi de décor au restaurant de Paskal Jankovski. Pourquoi ce choix ?
Je savais que le premier décor que je devais trouver, c’était la forêt (2) et qu’une fois que je l’aurais repérée, je trouverais un restaurant. Et comme, en plus, le Moulin de Rosmadec n’était qu’à un quart d’heure de chez moi, c’était parfait, d’autant que le chef Sébastien Martinez était heureux de nous accueillir. Il nous a dit : « Moi, je veux bien vous ouvrir ma cuisine, mais je reste, car je veux voir ce que c’est le cinéma ». Il joue d’ailleurs dans le film et on a proposé à son équipe de travailler avec nous. Et ce que vous voyez à l’image, ce sont donc de vrais commis, cuistots, et serveurs.
Et le choix de Taïwan ?
Taïwan correspondait à une double exigence. Il me fallait une terre de gastronomie et de cinéma. D’autre part, je ne voulais pas me retrouver, comme pour « Indochine », avec une équipe française de 30 personnes qui vous coupe du pays, qui vous protège et où on n’entend pas parler le mandarin. Dès le départ, je me suis dit qu’il fallait tourner avec une grande équipe asiatique et j’ai trouvé des techniciens et acteurs formidables.
Moi, je ne sais pas faire un film par an
Qu’est-ce qui vous a motivé à confier les rôles principaux à Clovis Cornillac et Julia de Nunez ?
J’aime beaucoup Clovis, à la fois comme personne et comme acteur. Il a un dévouement au film et à son rôle. Il m’a dit : « J’aime ton cinéma et le scénario : j’arrive ». Quant à Julia, je l’avais vue dans la série « Bardot ». Je trouvais alors qu’elle avait été inconsciente et audacieuse de jouer un des plus grands mythes du XXe siècle mais elle l’a fait tellement bien. Quand je l’ai rencontrée, j’ai été sensible à sa fraîcheur, à sa jeunesse. Elle a une capacité d’aller très vite dans l’émotion. Elle est très généreuse et spontanée dans son jeu.
Régis Wargnier (à droite), ici sur la terrasse du Moulin de Rosmadec. (Photo Didier Olivre)Pourquoi avez-vous attendu dix ans pour réaliser un nouveau film ?
Je n’avais plus envie. Il n’y avait pas de sujets où je me disais que j’allais me battre pendant trois ans, comme pour « La réparation ». Moi, je ne sais pas faire un film par an. On m’a proposé des sujets mais je ne trouvais pas mon chemin, alors je n’y suis pas allé.
En Bretagne, j’aime les ciels et les gens qui sont discrets tout en étant accueillants.
Voilà 20 ans que vous naviguez entre Paris et Moëlan-sur-Mer (29), où vous possédez une maison. Qu’est-ce qui vous a incité à jeter l’ancre dans cette cité finistérienne ?
J’ai choisi la Bretagne car c’est là que je passais mes vacances durant mon enfance : à Carnac (56), Quiberon (56), La Trinité-sur-Mer (56). Je suis donc habitué au vent, aux vagues… En Bretagne, j’aime les ciels et les gens, qui sont discrets tout en étant accueillants. Et, là, j’ai hâte d’y retourner pour retrouver une nature protégée, voir mes amis, me baigner, me promener avec ma chienne, m’asseoir face à la mer et penser à la suite, mais aussi prendre du temps pour moi, ce qui veut dire m’adonner à la rêverie.
« J’ai hâte de retourner en Bretagne pour retrouver une nature protégée, voir mes amis, me baigner, me promener avec ma chienne, m’asseoir face à la mer et penser à la suite, mais aussi prendre du temps pour moi, ce qui veut dire m’adonner à la rêverie », confie Régis Wargnier. (Photo Didier Olivre)À 76 ans, aujourd’hui, éprouvez-vous un peu d’appréhension avant la sortie du film ?
Le jour de la sortie est le plus dur. C’est le jour le plus long. On a fait tout ce que l’on a pu et là, il n’y a plus rien à faire. En général, le jour de la sortie, je vais, le matin, au Louvre, puis je disparais et, à 20 h, j’arrive chez le distributeur pour la soirée « chiffres ». Et là, on prend une douche sur la tête ou pas. Dans la vie, il n’y a pas tellement de boulot où, après trois ans de travail, minimum, la sanction se résume à ça : un chiffre qui tombe. On vous dit oui ou non.
1. Il s’agit des bois de Rosgrand, à Rédéné (29), et de Merrien, à Moëlan-sur-Mer (29).
Pratique
« La réparation » de Régis Wargnier avec Clovis Cornillac, Julia de Nunez, Julien de Saint-Jean.
Sortie en salle, mercredi 16 avril.