Sujet mutualisé par excellence, la communication commune aux deux collectivités a fait l’objet d’un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) pointant des dysfonctionnements. Ses recommandations doivent faire l’objet d’une réponse de leur élu n°1 commun, « l’ordonnateur » dans le jargon. En l’occurrence, le président – même si autodésigné en « retrait total » – et maire Gaël Perdriau. Réponses censées être transmises avant juillet. Mais contrairement à la Ville où il a les mains libres, celui-ci a fait retirer cette délibération à la Métropole à la suite du refus d’une large majorité de les cautionner tout en proposant la rédaction d’une autre version.

Le 25 juin, l’assemblée métropolitaine a eu droit à une ouverture très conflictuelle mais cette fois raccourcie par la volonté de la présidente par intérim. ©If Média / Xavier Alix

Vingt minutes d’intensité, tel un orage d’été. Pour un peu, on se serait cru à la « hauteur » des « échanges » de l’Assemblée nationale. Mais ce n’était que celle de Saint-Etienne Métropole. Et Sylvie Fayolle qui tient – officieusement ou officiellement selon le contexte… – la présidence par intérim, a mis toute son énergie pour empêcher que la séance communautaire du mercredi 25 juin ne dérape d’emblée sur ces heures déjà tant et trop vécues d’échanges, de débats, d’attaques / défenses entre les « pro » Perdriau, pour la plupart issus de sa majorité toujours fidèle à Saint-Etienne et, plus nombreux, les « anti » Perdriau, Stéphanois ou non.

Appuyée par plusieurs salves d’applaudissements des derniers cités, la maire de Saint-Paul-et-Cornillon a élevé le ton, s’est fâchée, a coupé court aux tentatives d’interventions, invectives et autres brouhahas, martelant qu’il n’y aurait « pas de débats ». Avec succès. Il y avait, effectivement plus important, en particulier l’examen de la réalité du budget 2024, comme chaque année au début de l’été et comme à la Ville de Saint-Etienne, d’ailleurs, le lundi suivant lors de son conseil municipal. Nous y reviendrons comme à notre habitude. En début de séance du conseil donc, le fameux rapport de la Chambre régionale des comptes sur la politique de communication mutualisée depuis la fin du mandat précédent entre Ville et Métropole est revenu sur la table. Il appartenait en effet aux deux collectivités de donner avant juillet, une réponse à chacune des recommandations conclusives. Du moins à leur président, appelé dans ce contexte, histoire de perfectionner la clarté du contexte, « l’ordonnateur »…

Du légalement « indélégable »

Nouvelle illustration d’une « mise en retrait », sans fondement juridique qui ne peut sûrement pas être totale, ne serait-ce – au-delà de sa « réalité » effective – que techniquement sur certains pouvoirs, légalement « indélégables ». Comme ici donc. Impossible pour Sylvie Fayolle et le reste de l’exécutif de répondre à la place de « l’ordonnateur ». En revanche, ces réponses doivent faire l’objet d’une délibération non pas votée, mais mise à l’ordre du jour « pour information ». Problème : mis à la connaissance du bureau des élus métropolitains (une cinquantaine d’entre eux sur environ 120) du 12 juin, les écrits de Gaël Perdriau n’ont logiquement pas convenu à ses détracteurs, néo ou vétérans, de droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs, tous nettement majoritaires. D’autant plus, que l’assemblée avait créé une mission d’information menée par Claude Liogier (évincé pour cela de la majorité municipale stéphanoise) dont les conclusions de son rapport touffu n’agrémentent évidemment pas ces réponses puisque hostiles à la politique menée par Gaël Perdriau.

D’où le refus d’une majorité d’élus du bureau à la suite d’échanges tendus de voir s’acheminer ces réponses telles quelles. Le président en retrait Gaël Perdriau a donc fait retirer par son directeur de services (lui aussi commun à la Ville) la délibération de la séance du 25 juin devant informer l’Assemblée de ses réponses envoyées à la CRC. Tout en arguant de sa bonne foi de justement prendre en compte ses opposants et leur désaccord en agissant de la sorte. Par la voix de son adjoint à la culture, aussi vice-président dans ce domaine à la Métropole, Marc Chassaubéné qui a ensuite continuer à ferrailler, entre autres, avec Sylvie Fayolle par pics interposées, Gaël Perdriau a fait savoir qu’il avait envoyé un mail dès sa prise de connaissance du désaccord du bureau à ses écrits. Mail, selon sa version, qui invitait ces élus à rédiger une nouvelle délibération s’ils le souhaitaient, plus conformes à leurs avis. Proposition réitérée mardi dans un second en vue d’un nouveau bureau ce mercredi que nous avons pu lire. En cas d’entente, la délibération devra être présentée lors de la prochaine assemblée, le 2 octobre.  

Xe pub sur une Xe polémique

En attendant la réalisation de cette option ou non, Sylvie Fayolle qui n’avait pas le pouvoir de remettre la délibération à l’ordre du jour (« le DGS nous a dit avoir reçu l’ordre du président – en retrait – de la retirer ») a donc fait inscrire en assemblée une phrase explicative pour « couvrir » l’assemblée dans le compte rendu de la séance : « Le conseil métropolitain réuni ce jour n’est pas à l’origine du retrait de la délibération de la CRC sur les observations de la communication. C’est du simple fait de l’ordonnateur (Gaël Perdriau, Ndlr). » « Le camp » Perdriau a voté contre, l’idée ayant été soumise à un scrutin officieux. La 1re vice-présidente avait déclaré en amont, au sujet de la proposition de Gaël Perdriau qu’elle ne tomberait pas dans ce qu’elle considère comme un « piège ». D’autant qu’elle arguait d’un flou sur la formulation de proposition sur qui doit la remanier. « Ce n’est pas nous qui avons enlevé cette délibération. Que l’ordonnateur en rédige une nouvelle version ».

Ce n’est pas nous qui avons enlevé cette délibération. Que l’ordonnateur en rédige une nouvelle version. 

Sylvie Fayolle

Version devant prendre en compte pour elle les conclusions de la mission d’information connue depuis décembre et le fait que le bureau ne cautionne pas ces réponses, comme il l’a signifié, à une très large majorité le 12 juin. Pourquoi Gaël Perdriau n’a-t-il pas proposé une rédaction commune en amont pour éviter une Xe pub sur une Xe polémique ? Nous n’avons pas réussi à obtenir de réponse à cette question… Reste que cela met, du coup, la collectivité hors des clous réglementaires. Alors, à quelle sanction s’expose Métropole, évoquée par Isabelle Dumestre, conseillère d’opposition stéphanoise ayant mis le sujet sur la table en début de séance. « Je n’ai pas trouvé de jurisprudence à ce sujet même si j’ai manqué de temps pour en être certaine, nous indique-t-elle. Apparemment, « l’ordonnateur », celui qui ordonne les paiements aux yeux juridictions – donc, le président – peut perdre ce statut attaché à sa présidence, à défaut de cette dernière. Pourquoi n’a t-il pas anticipé ? Pour moi, c’est pour montrer qu’il est encore le maître, c’est sa rationalité à lui. Il a besoin de contrôler, il ne peut pas s’en empêcher. »

« Circulez, y a rien à voir »

Côté sanction, pas grand-chose donc à risquer, apparemment même si Sylvie Fayolle a préféré prévenir le préfet au cas où… Encore du bruit de vaisselle cassée. Pourtant, estime l’élue, « ce n’était pas la mer à boire (sur cette situation précise, pas sur le fond du rapport, Ndlr). Nous aurions seulement souhaité une délibération avec ses réponses mais prenant en compte notre désaccord avec elles et les préconisations de la mission d’information. » Déclinaison donc, à nouveau, d’un« conflit » permanent, sûrement pas larvé mais bien affiché et, tout autant que la communication, mutualisé avec la Ville de Saint-Etienne. Une habitude depuis 2 ans et 10 mois. La délibération informant sur les réponses données à la CRC était, elle aussi, obligatoirement au menu du conseil municipal qui suivait celui métropolitain lundi dernier, et là directement présentée par un maire qui n’est pas en retrait et disposant encore d’une majorité approbatrice de ses actes.

Une par une, les réponses données par Gaël Perdriau (lire encadré ci-dessous) ont été citées et commentées par Olivier Longeon, élu d’opposition EELV par un « circulez, y a rien à voir ». Du Coluche dans le texte pour manifester ce qu’il considère comme une minimisation éhontée de très graves faits reprochés. Appuyant son collègue écologiste, Isabelle Dumestre revenait sur le contexte métropolitain, cette « absence de remise en cause », et la mise en doute par le maire des magistrats sur la légitimité de certaines observations, voire leur manque de connaissance du fonctionnement d’une collectivité. « Déni » et de « l’injustifiable justifié », notifiait, lui, Lionel Boucher, ex adjoint, opposant UDI depuis 2 ans au point de maintenir dans le secret ses propres élus quant à certaines dépenses : « L’Opacité, l’ambiguïté ne sont pas levées. »

« J’assume totalement »

Gaël Perdriau : « J’assume totalement ces réponses. La formalisation de la stratégie de communication, est partagée avec les adjoints et les vice-présidents. Il n’ y a eu aucune campagne personnifiée mais portant sur la propreté, le développement économique, l’enseignement supérieur… » ; Pour le maire, « ce n’est pas parce que la CRC le dit que c’est vrai. Depuis 30 ans, que je suis élu, idem partout ailleurs, je n’ai jamais vu une campagne de communication présentée à une assemblée comme réclamé par la CRC. Elle peut en avoir envie. Mais il faut alors solliciter les parlementaires. » Mauvaise habitude qu’a la CRC, estime Gaël Perdiau, d’outrepasser ses fonctions d’analyse technique d’une gestion conforme à la loi ou prévenant de dérives dangereuses mais sans infractions, « comme elle l’a fait par exemple en 2020 sur la 3e ligne de tram en disant qu’il fallait faire un bus à haut niveau de service… » 4 ans après, « au-delà que la 3e ligne est un succès, cette remarque n’avait pas lieu d’être. Mes juges sur ce choix, ce sont les Stéphanois ».

Et de souligner que la compétence de son service de com mutualisé a non seulement permis des économies mais aussi plus d’efficacité, reconnue par ses pairs. « Circulez, y a rien à voir ? Non, M. Longeon, je ne me permettrais pas. Dans ma 2e réponse, je dis juste que ce qui est demandé, est déjà là. Un sondage à visée électorale ? A 5 ans (4 ans, Ndlr) d’une échéance électorale ? » C’est d’un « surréaliste » qu’a qualifié le maire sur les échanges à la Métropole cinq jours auparavant. Surréaliste, la vie publique stéphanoise et métropolitaine l’est effectivement. Cela fait maintenant 3 ans, quasiment.   

Les réponses de Gaël Perdriau en question

Voici les réponses, en partie, envoyées par le maire (mais du coup pas le président, même si ce sont les mêmes ou presque). L’ensemble sera publié par la CRC sur son site comme l’est déjà le rapport et des premières réponses.

Recommandation n°1 de la Chambre Régionale des Comptes : Formaliser la stratégie de communication et la présenter aux assemblées délibérantes 

Réponse : « Il n’y a donc pas lieu de « présenter » la formalisation de la stratégie de communication aux assemblées délibérantes, celles-ci n’ayant pas à intervenir pour approuver ou même être informées d’une éventuelle « stratégie » en matière de communication, qu’il s’agisse de la communication interne ou de la communication externe. »  

Recommandation n° 2 : Rattacher à la hiérarchie administrative le service « presse » du cabinet 

Réponse : « En application des jurisprudences précitées, les missions d’un service « presse », bien qu’ayant un lien direct avec l’élu, relèvent de la hiérarchie administrative. » 

Recommandation n°3 : Mettre fin à l’achat de sondages à connotation électorale 

« Ces sondages, réalisés en 2018, 2019, 2021, 2022 et 2023, ne peuvent être considérés à « connotation électorale ». En effet, deux questions, figurant dans le sondage IFOP de février 2022 ont été identifiées et qualifiées comme politiques par la Chambre. Or, ces dernières étaient issues du sondage de 2022, soit quatre ans avant les prochaines échéances électorales. »

 « Ces sondages s’inscrivent donc pleinement dans le cadre de la réglementation en vigueur d’une part, et sont communément pratiqués par un grand nombre de collectivités, d’autre part. »

Recommandation n°4 : Se doter de critères précis pour la distribution de places à des événements sportifs et réaliser un bilan annuel des attributions 

« La commune s’assure autant que possible de permettre une distribution équitable. » 

« On peut d’ailleurs s’étonner que cette obligation imposée par l’URSSAF ne s’applique ni au Département de la Loire ni à la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Force est de constater que des disparités de traitement existent sur le territoire alors pourtant que ces règles juridiques sont issues des mêmes textes applicables à tous. »

« Sur l’absence de « critérisation » quant à la distribution des places aux associations, le choix a été de ne pas faire de différence entre les bénévoles qui s’investissent dans le tissu associatif sans opérer de distinction quant à leur objet d’intérêt général. »

Recommandation n° 5 : Fiabiliser l’utilisation de la nomenclature fonctionnelle budgétaire afin de donner une information complète sur les dépenses de communication de chaque entité  

 « A la Ville de Saint-Etienne ces dépenses étaient déjà correctement imputées. La recommandation de la Chambre ne s’adresse donc pas à la Ville. » 

Recommandation n°6 : Veiller à ne recourir aux marchés publics sans publicité ni mise en concurrence que dans les stricts cas où les conditions exigées par le code de la commande publiques sont réunies 

« Suite à cette recommandation, la Ville de Saint-Etienne exige dorénavant la rédaction d’une note d’opportunité explicitant les raisons de l’absence de mise en concurrence, avant tout lancement d’une consultation sans publicité ni mise en concurrence. Un contrôle renforcé est ainsi opéré lors de la rédaction des décisions d’attribution des marchés avec la présence obligatoire d’un paragraphe définissant les besoins de la collectivité. »

 « Une note du Directeur Général des Services a été diffusée, le 10 janvier 2025, à l’ensemble des directeurs afin de rappeler les règles d’utilisation des marchés sans mise en concurrence et préciser la procédure interne mise en place. Par conséquent, la recommandation de la Chambre a bien été prise en compte. » 

Recommandation n°7 : Organiser une procédure de mise en concurrence adéquate pour les prestations d’impression diverses 

« Un appel d’offres a été publié le 25 juillet 2024 pour l’impression de supports de communication pour la Ville de Saint-Etienne et Saint-Etienne Métropole. Cette consultation comprenait huit lots. 5 lots 72 sur 263 ont été attribués et notifiés en novembre 2024 et avril 2025. Les 3 derniers lots devraient être relancés et notifiés au 3ème trimestre 2025. »

 « Un marché d’impression pour les magazines internes a été lancé et notifié en avril 2025. Un marché d’impression est en cours pour les magazines municipaux et métropolitains à destination des résidents (marché passé en 2022 pour une durée de 4 ans). Par conséquent, la recommandation de la Chambre a bien été prise en compte. »