Incontournable. Même indissociable. Au moment de construire la programmation du festival d’été des 60 ans de Châteauvallon, à Ollioules, un nom paraissait évident: celui d’Angelin Preljocaj. Le chorégraphe entretient une histoire intimement liée au site, et il y revient à deux reprises cet été avec sa compagnie.
Le G.U.I.D pour démocratiser la danse
Première étape dès vendredi avec le G.U.I.D (Groupe urbain d’intervention dansée). Une fois n’est pas coutume, la troupe va se produire dans un amphithéâtre… où la danse règne déjà. Presque un contresens par rapport à son ADN. « C’est vrai! », s’amuse Angelin Preljocaj. « Ils sont habilités à intervenir partout, donc dans un amphithéâtre, ça devrait aller. »
Le projet est né en 1996. « Je voulais apporter la danse là où elle ne va jamais. Montrer cet art à des gens qui ont peu l’occasion d’aller dans des théâtres. J’ai voulu créer ce groupe, une sorte de guide, comme dans un musée », poursuit le chorégraphe.
Sur scène, ses danseurs présentent un patchwork de ses différentes pièces. « Il y a toujours la possibilité que quelque chose, tout à coup, accroche un spectateur. Il peut ne pas aimer le premier extrait et ensuite être séduit. Il y a toujours quelque chose qui attire l’attention. Que ce soit dans un village reculé, dans une école, une prison ou un hôpital, il y a forcément de belles rencontres. C’est très important pour nous. Convaincre des convaincus, c’est bien, mais l’idée est d’essayer d’élargir la perception de la danse au monde. »
« Helikopter », œuvre la plus radicale
Le Ballet Preljocaj revient donc une deuxième fois à Châteauvallon à la fin du mois avec une soirée dédiée à deux spectacles: un classique du répertoire et une nouveauté. Et du côté du « classique », c’est l’une des pièces les plus radicales du chorégraphe qui sera présentée: Helikopter (2001).
« Ça fait partie de ces pièces-laboratoires que j’ai pu faire et que j’espère pouvoir continuer à créer. J’aime alterner les ballets narratifs avec des choses plus abstraites. »
Ici, la musique résonne au son des pales d’hélicoptère. « À l’époque, je cherchais des choses originales en musique contemporaine, et je suis tombé là-dessus. La première fois que j’ai écouté, je pensais que ce n’était pas possible, que c’était hors propos. J’ai dormi là-dessus, et le lendemain matin, je me suis dit: “C’est justement parce que c’est indansable qu’il faut essayer de le faire. » »
Dans un premier temps, il a dû convaincre ses danseurs. « Ils ont été partants pour une aventure à la manière d’explorateurs », sourit-il. Il a aussi fallu dompter le public. Comme il le fait encore aujourd’hui, Angelin Preljocaj avait ouvert ses répétitions au public. « Ça rend les choses les plus radicales digestes et accessibles. Il y a une connaissance des enjeux et du propos, et le public commence à toucher du doigt, d’une façon plus probante, le spectacle », concède-t-il.
Plus de 20 ans après, le ballet est repris à l’identique. « Certains danseurs n’étaient même pas nés lorsque je l’ai créé. Ils sentent bien les enjeux, il y a des vidéos, une notation à partir de laquelle on remonte la chorégraphie… Ils peuvent voir à quoi cela ressemblait, alors que les danseurs originaux ne se rendaient pas forcément compte de ce qui était en train de se jouer. »
« Licht », création en réponse à « Helikopter »
En pendant de cette pièce, le public découvrira le même soir une création 2025: Licht. « L’idée était de répondre à Helikopter. D’abord musicalement, dans l’idée que Stockhausen (compositeur allemand de musique expérimentale) est un peu le grand-père de l’électro. Je voulais un petit-fils ou une petite-fille pour lui répondre. »
Pour écrire la musique de cette nouvelle pièce, Angelin Preljocaj a pensé à Laurent Garnier. « On a déjà travaillé ensemble, on a une grande complicité. »
Pour le reste, le chorégraphe voulait « répondre à la dramaturgie sombre et écrasante d’Helikopter, avec ses nuages qui s’amoncellent au loin et forment une chape de plomb au-dessus des danseurs. L’idée était de percer ces nuages et d’aller vers la lumière. » Le nom Licht puise, lui, ses racines chez Stockhausen et son ultime travail autour de sept opéras. Un clin d’œil, histoire de boucler la boucle.
Le G.U.I.D, vendredi 4 juillet à 20h à Châteauvallon. De 5 à 25 euros. Spectacle suivi d’un mapping vidéo pour revivre l’histoire de Châteauvallon.
Licht et Helikopter, jeudi 24, vendredi 25 et samedi 26 juillet à 22h à Châteauvallon. De 5 à 35 euros.