« C’est la folie chez nous, les moustiques. J’ai des piqûres sur tout le corps, mon fils c’est pareil. » À l’entrée du quartier de Barrouil, à Illats, jeudi 3 juillet, Zachary déballe un trampoline pour son fils de 3 ans. Dans sa boîte aux lettres, la société spécialisée dans la lutte contre les moustiques Altopictus vient de déposer un flyer sur lequel est inscrit en rouge avec un tampon qui a un peu bavé « cas autochtone ».

La veille, l’Agence régionale de santé a tenu une conférence de presse pour annoncer la détection à Illats du premier cas avéré de chikungunya autochtone en Nouvelle-Aquitaine. Un enfant de 5 ans résidant dans ce pâté de maison éloigné du centre-bourg a été infecté sans avoir quitté l’Hexagone. Alors chez Zachary, depuis mercredi 2 juillet, on augmente les doses de produits antimoustiques – « mais ce n’est pas bon non plus » –, et on continue d’utiliser l’arsenal habituel : prises antimoustiques, bougies, pièges… En espérant ne pas être infecté à son tour.

Nathalie a découvert la note d’information annonçant l’opération de démoustication.

Nathalie a découvert la note d’information annonçant l’opération de démoustication.

GUILLAUME BONNAUD/SO

« Qu’est-ce qu’on peut y faire puisqu’il y a des moustiques ? » lance, défaitiste, une voisine occupée à ramasser des haricots dans son jardin. « Et puis c’est que des tigres chez nous », la seule espèce vectrice de la maladie. « On évite de laisser traîner de l’eau, mais regardez, là, dit-elle en montrant le fossé de l’autre côté du grillage. Il y a de l’eau qui coule. » Selon elle, il n’y a pas si longtemps, des campagnes de démoustications étaient menées. « Mais depuis qu’il n’y en a plus… » Elle termine sa phrase d’un haussement d’épaules. Alors elle préfère « surveiller les symptômes, comme avec le Covid ».

Surprise

Un peu plus loin, Nathalie est prise au dépourvu, en peignoir. Elle découvre la note cosignée d’Altopictus et l’ARS, glissée dans sa boîte aux lettres, qui dépasse de la fente : « Opération de démoustication dans votre rue. » « Je suis un peu surprise, reconnaît-elle, mais c’est important que l’on soit informé. » Elle assure qu’elle va prendre des précautions dans la maison, « en mettant les ventilateurs par exemple ». « Mais bon, je sais qu’il commence à y avoir des cas de chikungunya un peu partout en France », ajoute-t-elle, fataliste.

« Qu’est-ce qu’on peut y faire puisqu’il y a des moustiques ? »

Sur son flyer, l’ARS précise que l’opération de démoustication aura lieu entre 22 heures vendredi 4 juillet et 7 heures le lendemain. Il est indiqué qu’un insecticide à base de pyréthrinoïde ou de pyréthrines naturelles, « les mêmes matières actives qui sont présentes dans les produits antimoustiques domestiques disponibles en pharmacie », sera pulvérisé depuis une voiture ainsi que lors d’interventions ciblées au besoin. « Les engins de traitement sont très bruyants », prévient le document. Pendant l’intervention, les habitants sont donc invités à rentrer leur linge, éloigner les animaux et rester à l’intérieur, fenêtres fermées.

« Pas de psychose »

Mais avant le curatif, dans les rues calmes de ce quartier d’Illats, deux employés d’Altopictus, vêtus d’un gilet jaune, préparent l’opération. Ils posent des pièges – des bonbonnes dotées d’un clapet, dans lequel est diffusé un produit attirant les moustiques et du CO2 – afin d’estimer la population et de tester dans leur laboratoire l’antimoustique le plus efficace sur ces spécimens. L’opération est censée durer plus de vingt-quatre heures.

Altopictus a également fait des recherches à l’école d’Illats.

Altopictus a également fait des recherches à l’école d’Illats.

GUILLAUME BONNAUD/SO

À quelques kilomètres de là, dans le centre d’Illats où défilent les camions, la maire Patricia Peigney attend de nouvelles directives de l’ARS. Depuis son bureau qui donne sur la cour de l’école où est scolarisé l’enfant touché par chikungunya – « des fois, je gronde les enfants s’ils font des bêtises », rigole-t-elle –, elle l’assure, « il n’y a pas de moustiques ici ». Elle en veut pour preuve le revêtement synthétique de la cour, qui n’a rien d’un nid à moustiques. Une conviction qui n’a pas empêché les employés d’Altopictus de faire le tour de l’établissement, à la recherche d’indices de la présence de l’insecte.

Patricia Peigney, la maire d’Illats, devant la mairie.

Patricia Peigney, la maire d’Illats, devant la mairie.

GUILLAUME BONNAUD/SO

Par précaution, les parents ont cependant reçu un courriel la veille, leur demandant d’habiller leurs enfants avec des vêtements longs. « Je l’ai vu trop tard », dit Johnny Poquet, dont la fille, en tenue estivale, sort de l’école au même moment. « Mais les manches longues par 30 °C, ce n’est pas possible », juge-t-il de toute façon. Une autre mère venue à la pause méridienne assure avoir glissé, comme demandé, du spray antimoustique dans le sac de son fils de 5 ans. Elle reconnaît avoir « un peu peur » à l’idée que le virus circule dans la commune, « mais le village est grand ». « Il n’y a pas de psychose », confirme Johnny Poquet, qui préfère attendre plus d’informations.

« Urgence sanitaire »
Altopictus a déployé son expertise à Illats dès jeudi 3 juillet, en particulier autour du quartier où vit l’enfant touché, sachant qu’un moustique-tigre vit généralement dans un rayon de 150 mètres. Dans un premier temps, l’équipe parcourt le quartier avec pour objectif d’éliminer les gîtes larvaires et de poser des pièges. Si une opération de démoustication est menée, elle sera effectuée « en fin de semaine ou début de semaine prochaine », indique Delphine Binet, responsable de l’agence Nouvelle-Aquitaine de l’entreprise, qui juge que c’est une question « d’urgence sanitaire ».