Mais qui est le véritable propriétaire de la cité de la Buffa? Le méga-hôtel envisagé sur site (Nice-Matin du 30 avril 2024) sera-t-il finalement construit? Autant de questions qui n’auraient jamais dû se poser quand, en 2021, le fonds d’investissement français Apicap est présenté comme le « repreneur providentiel » de l’ex-halle marchande, à l’abandon depuis des années. Sauf qu’il vient de péricliter et qu’on apprend, à cette occasion, qu’il n’est… propriétaire de rien. Explications.

Un permis de construire après vingt ans de bataille

Il y a quatre ans, pourtant, c’est bien Apicap qui était annoncé comme l’acquéreur des lieux. Un rachat de haute lutte, au terme d’un long bras de fer entre la mairie et les derniers propriétaires de la cité en proie, depuis plus près de vingt ans, à une bataille foncière. Pour sortir la Buffa de l’impasse, Christian Estrosi était allé jusqu’à brandir la menace d’une déclaration d’utilité publique, c’est-à-dire d’une préemption par la Ville de ces parcelles qu’elle avait elle-même vendue…

« Notre stratégie a porté ses fruits puisqu’un acquéreur unique est sur le point d’acheter les derniers lots », annonçait alors la municipalité, se réjouissant du « dénouement  » offert par ce « fonds d’investissement sérieux ». En février dernier, un permis de construire était même délivré. Il prévoit l’édification d’un méga-hôtel en lieu et place dans l’ancien marché couvert. Le plus grand de la ville, avec 348 chambres. Les travaux doivent débuter avant la fin de l’année… sauf si la malédiction de la cité fantôme frappe de nouveau.

Une question qui se pose depuis un mois. Depuis que, le 3 juin, Apicap a été placé… en liquidation! Le fonds d’investissement a brutalement cessé. Chronique d’une faillite annoncée. C’est l’autorité des marchés financiers qui pourrait bien avoir provoqué la chute de cette société de gestion. Le gendarme des établissements financiers a sévèrement épinglé Apicap en 2023, lui infligeant une sanction de 400.000 euros et écornant au passage sa réputation auprès des investisseurs. Le fonds s’était vu reprocher, outre une insuffisance de fonds propres, des frais indûment facturés à ses clients pour plusieurs centaines de milliers d’euros.

« Ça ne change rien »


Le projet de méga hôtel qui doit voir le jour à la cité de la Buffa. Image de synthèse Jean-Paul Gomis Architecture

Apicap a été sanctionné et ne s’en est pas remis. Reste à savoir si le projet de la Buffa survivra à sa faillite. Le groupe hôtelier allemand Motel One, dont la filiale haut de gamme a été choisie pour exploiter le futur hôtel, en semble convaincu. « Le projet continue », assure Paul Cotteret, son représentant en France. Lui semble davantage se soucier d’un éventuel recours contre le permis accordé par la Ville. « Nous sommes toujours dans la période d’instruction. La fin de la période de purge [d’éventuels recours] est la véritable condition pour démarrer les travaux. » Car le permis n’a en fait pas été accordé à Apicap, mais à la société Buffa 54 qui n’a « aucun lien capitalistique » avec le fonds de pension.

« Sa liquidation n’a aucune incidence « , abonde un ancien salarié de la société de gestion placée en liquidation. Car en réalité, « Apicap n’a jamais acheté la cité de la Buffa », révèle-t-il. On découvre que le fonds n’était qu’une sorte d’intermédiaire qui a proposé ce projet, comme d’autres, à ses clients, en l’occurrence « des investisseurs professionnels ». « Ce sont eux qui ont apporté l’argent et ils sont toujours là… » Mais qui sont alors les véritables propriétaires de la Buffa? Les actionnaires de la société Buffa 54, qui est elle-même détenue par la société Norea Développement dont la piste de l’un des bénéficiaires semble mener au Luxembourg, vers un autre fonds d’investissement, lui-même récemment racheté… Le mystère s’épaissit.

Deux décennies d’abandon

Le déclin de la cité de la Buffa remonte aux années 2000. Sous une autre mandature: celle de Jacques Peyrat qui, juste avant de quitter l’hôtel de ville en 2008, décide de céder à un promoteur privé cette cité marchande inscrite au patrimoine municipal depuis 1925. Dix ans plus tard, la société Beaulieu Patrimoine, épuisée financièrement, se retrouve à son tour vendue à la barre du tribunal de commerce. Elle passe alors aux mains du groupe Carnivore qui, lui, se heurte rapidement à l’appétit financier des derniers commerçants de la halle… et d’un ancien dirigeant de Beaulieu Patrimoine qui, avant de jeter l’éponge, avait eu l’idée de racheter, au travers d’une autre société, plusieurs lots.

Victime de cette guerre de propriété, l’aménagement de cette dent creuse en plein centre-ville était resté au point mort. Jusqu’en 2021 et l’entrée en scène d’Apicap.