Par

Anaelle Montagne

Publié le

4 juil. 2025 à 6h50

Il n’a pas l’allure du proxénète. Du haut de ses 19 ans, Sofian M. « manageait » pourtant un réseau de prostitution bien huilé. Il s’occupait des profils de « ses filles » sur les plateformes en ligne, louait des logements dans différentes villes pour leurs relations tarifées, les protégeait pendant leurs passes… et récupérait la moitié de leurs gains.

Cheveux bouclés, quelques poils sur le menton, il était devant la justice à Toulouse ce jeudi 3 juillet 2025, poursuivi pour proxénétisme aggravé sur plusieurs femmes. La première est tout juste majeure. L’autre est mineure, placée en foyer. Deux victimes, donc. Pourtant, elles n’étaient vraisemblablement pas les seules à avoir travaillé pour le jeune Toulousain.

« Jamais rien demandé »

Sofian n’était pas connu des services de police avant le jeudi 8 mai 2025. Ce jour-là, tout bascule. Au petit matin, M., la victime âgée d’à peine 18 ans, se présente à la police pour porter plainte contre lui. Son récit est saisissant.

Elle explique qu’elle se prostituait déjà depuis deux ans quand, le 27 avril 2025, Sofian lui explique qu’il cherche « de nouvelles bosseuses ». M. soutient qu’il lui propose alors de la loger et, en échange, de récupérer la moitié des gains de ses relations tarifées. Lui insiste devant la Cour : il ne lui a « jamais rien demandé ».

Le fait est que rapidement, M. reçoit huit clients par jour dans l’appartement vacant de la mère de Sofian, près d’Aucamville. Soit 800 euros de gains dont 400 reviennent au jeune homme, quotidiennement. Quand elle reçoit des clients, Sofian est là, dans la pièce d’à côté.

Elle parle d’autres filles, qui travaillent aussi dans le logement. Comme A., la victime mineure, qu’elle croise souvent. Elle est censée être en foyer, mais l’administration admet ne pas parvenir à la gérer : elle est en fugue, tombée dans la prostitution.

Vidéos : en ce moment sur ActuMatelas au sol, lubrifiant et préservatifs

Au petit matin le 8 mai, une altercation éclate. M. explique que le prévenu l’étrangle, la menace avec un couteau, tente de la faire passer par-dessus un balcon. Pour ces faits, il ne sera pas jugé. Mais la déposition de la jeune femme permet d’interpeller Sofian, immédiatement

Dans l’appartement, les forces de l’ordre retrouvent des matelas au sol, du lubrifiant et des préservatifs. Et le mis en cause ne nie pas les faits. Il insiste simplement sur le fait qu’il n’a rien demandé, qu’il agissait « dans l’intérêt des filles ».

Quand les enquêteurs découvrent une photo de lui avec des liasses de billets, prise fin mars à Saint-Etienne, il admet même en garde à vue : « Je travaillais avec des filles de la même manière qu’à Toulouse, cet argent provenait de passes qu’elles avaient faites. » Déclaration qu’il contredira pendant l’audience. 

D’autres filles, d’autres villes

« On a des noms d’autres filles, des informations précises, mais malheureusement, ça n’a pas été creusé pendant l’investigation », déplore la présidente. La mère du prévenu n’a pas non plus été entendue.

C’est pourtant dans son appartement que la plupart des passes se déroulaient. Même si Sofian louait régulièrement des appartements dans d’autres quartiers ou d’autres villes, comme à Lyon. Comment payait-il ? « Avec l’argent de la mission locale et mon argent de poche », souffle-t-il. Il assure qu’il ne réalisait pas la portée ni la gravité de ses actes. Son avocat, Me Alexandre Martin, se saisit de cet argument.

Tous dans le même panier, pour « faire des lovés » ?

« Il n’y a pas d’un côté, des victimes et de l’autre, un terrible proxénète (qui est aussi un gamin de 19 ans) », soutient l’avocat. Non, pour lui, les jeunes filles, « victimes de leurs propres vies, se laissaient aller à l’appât du gain autant que le prévenu ».

Tout ce qu’ils voulaient, c’était « faire des lovés (de l’argent, ndlr)« , insiste Me Martin en citant un message retrouvé dans le portable du mis en cause.

De l’argent, son client devra finalement en débourser pour indemniser le préjudice moral des victimes. 4 000 euros pour chacune. Le jeune Toulousain a également été condamné à 24 mois de prison, dont la moitié avec sursis. 

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