Chaque 1er juillet, des dizaines de joueurs pros se retrouvent officiellement sans club. Une situation parfois choisie, parfois subie. Derrière la fameuse liste Provale se cache un système aux multiples enjeux : salary cap, aides au chômage, « faux chômeurs »… Enquête sur un angle mort.

C’est la liste dans laquelle les rugbymen professionnels ne souhaitent surtout pas apparaître. Il y a quelques années, elle était encore publique ; aujourd’hui, elle ne circule plus que sous le manteau des présidents et managers des clubs pros.

De quoi s’agit-il ? De la liste des joueurs encore à la recherche d’un club, établie par Provale, le syndicat des joueurs. Une liste des rugbymen au chômage au 1er juillet, qui n’est d’ailleurs pas exhaustive, notamment en raison de petits arrangements entre amis avec les fameux « faux chômeurs ». Ces joueurs, souvent en fin de contrat en Top 14, s’inscrivent à France Travail le 1er juillet… avant de retrouver un club de Pro D2 ou de Nationale autour du 15 juillet. Entretemps, ils ont eu le temps de déposer un dossier pour ouvrir leurs droits à l’Aide au retour à l’emploi (ARE). Un coup de pouce non négligeable, de plusieurs dizaines de milliers d’euros, calculé sur la base du montant total de leurs droits au chômage (plafonnés à 4 900 € par mois) et qu’ils pouvaient – et peuvent toujours – percevoir en deux fois, dans la limite de 60 % de ces droits, comme nous vous le révélions dans notre édition du 17 octobre dernier.

Une limite instaurée

Cette année, la LNR a décidé de légiférer : il a été acté que chaque club professionnel ne pourra plus enregistrer que deux joueurs chômeurs au maximum (exception faite pour la Nationale). Rien de tout cela, toutefois, dans la liste Provale, qui ne concerne que les adhérents au syndicat. Et pourtant, on y trouve cette année quelques gros noms, dont celui d’un ancien international : Eddy Ben Arous (20 sélections, 34 ans), pilier gauche historique du Racing 92, sans club pour la première fois. Selon nos informations, il a longtemps espéré une prolongation dans son club de toujours, qui l’aurait averti assez tard qu’il ne figurait plus dans les plans.

Ce qui frappe aussi cette année, c’est le nombre de jeunes présents dans cette liste. Des garçons issus de centres de formation prestigieux mais non conservés à l’issue de leur contrat espoirs. Les moins de 25 ans représentant près de la moitié de la liste. « C’est dur. Faire carrière, c’est un rêve. Et en ce moment, les nuits sont courtes. On scrute nos téléphones, en espérant des nouvelles de notre agent… qui ne viennent jamais », glissait, cette semaine, un jeune trois-quarts, formé dans une grosse écurie du Top 14, qui a préféré rester anonyme.

Pourtant, pour les clubs, embaucher un joueur sans contrat a ses avantages : il ne rentre pas dans le groupe de trente-cinq joueurs servant de base au calcul du salary cap. Or, en Top 14, les deux tiers des clubs ont déjà atteint le plafond autorisé, sans grande marge de manœuvre. C’est aussi pourquoi, pour un joueur en fin de contrat, il peut être stratégiquement intéressant d’attendre le 1er juillet pour se retrouver officiellement « sur le marché »… et espérer trouver un point de chute.