«J’ai fait des réserves, mais elles sont déjà bien entamées. Je vais retourner en chercher en début de semaine prochaine. » Derrière la caisse de son épicerie du 5e arrondissement de Paris, Rami ne cache pas son enthousiasme. Avec la fin des examens à l’université, la fête de la musique, le début de l’été, la fin du baccalauréat, et bientôt les résultats, la période est bénie pour lui et la nouvelle star de ses frigos : la boisson Vody.

Mélange de vodka et de boisson énergisante, la Vody a débarqué depuis plusieurs mois dans les échoppes de la capitale. « Moi j’en vends depuis un peu moins d’un an, mais je crois que certaines épiceries du nord de Paris en ont depuis bien plus longtemps, au moins deux ans », nous raconte-t-il.

« Ce n’est pas souvent qu’on vend autant un produit »

Sandrine, propriétaire d’un petit « market » dans le 13e arrondissement, non loin de Tolbiac confirme l’engouement assez récent : « Je ne l’ai pas vraiment vu débarquer parce que j’étais en arrêt maladie. C’est mon mari qui m’en a parlé. Depuis trois mois que j’ai repris le travail, c’est en effet de la folie. » Ne se situant pas dans un quartier « festif », elle n’en vend presque pas la semaine. « Mais le week-end, c’est une vingtaine par jour. Pour la fête de la musique, j’ai dû en vendre presque 40 en une soirée. Ce n’est pas souvent qu’on vend autant un produit. Même les bières en soirée ne cartonnent pas à ce niveau », explique-t-elle presque un peu gênée.

Ce léger embarras, beaucoup d’épiciers parisiens ne peuvent le cacher quand on leur parle du produit. Tous, pourtant, le proposent.

La Vody fait polémique depuis quelque temps et l’ouverture d’une enquête par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L’autorité s’inquiète notamment de ces canettes qui ciblent explicitement les jeunes, entre couleurs acidulées et format « soda » trompeurs.

Une boisson à risques déjà interdite en Côte d’Ivoire

« Certains qui viennent en racheter sont souvent déjà là », explique Sandrine en mettant sa main bien au-dessus de sa tête pour montrer le niveau d’alcoolisation. « Ce sont surtout des jeunes en effet, jamais plus de 25 ans, mais surtout des gens qui veulent se démonter la tête. D’habitude, on voit des gens qui prennent des “8.6” ou de l’” Amsterdam”, des bières qui sont déjà à 8 degrés et qui tapent fort. Mais ça c’est vraiment au-dessus. » Et pas qu’un peu… Selon les arômes, la boisson oscille entre 18 et 22 degrés…

Selon Catherine Poggi, diététicienne-nutritionniste, citée par RMC conso, « par la présence de caféine, ce mélange masque la fatigue et l’effet de l’ivresse, ce qui peut entraîner une surconsommation. La boisson favorise aussi des situations de prise de risque, car la personne surestime ses aptitudes ». La spécialiste avance également de nombreux autres risques comme des tachycardies, l’hypertension et même, selon les spécialistes, des risques de troubles psychologiques comme de l’anxiété, des crises de panique ou d’épilepsie.

Si les autorités s’inquiètent c’est aussi que le succès est tel que des pages entières sur les réseaux sociaux, et notamment TikTok, y sont consacrées jusqu’au « Vody Challenge » qui consiste à en boire le plus possible en une journée et qui a déjà mené à des comas éthyliques, au point que la boisson a été interdite en Côte d’Ivoire et que le dossier est très suivi en Guadeloupe.

Entre 4 et 5 euros la canette

« C’est normal que ça plaise aux jeunes. Avant ils faisaient leurs propres mélanges avec des alcools forts et des jus. Là c’est tout prêt et ça leur permet de faire la fête. Ce n’est pas à moi de juger ou d’estimer les risques, sinon je ne vendrais plus d’alcool, ni même de gâteaux au chocolat », explique Rami qui parle d’expérience depuis son commerce situé entre les universités de la Sorbonne, Jussieu et les quais de Seine, très fréquentés par les jeunes lorsque le temps s’y prête.

Surtout, vendue entre 4 et 5 euros la canette, la Vody lui assure une nouvelle et belle recette à chaque week-end ou événement festif. « Moi j’achète de manière légale et je vends de manière légale. Je demande toujours la carte d’identité des jeunes pour m’assurer qu’ils sont majeurs. Mais ce n’est pas de ma faute si après ils donnent ça à des mineurs », explique-t-il, pointant du doigt certains confrères moins regardant selon lui. « Ce n’est pas négligeable. Sans cela, ils m’achètent une flasque de rhum ou de vodka à 15 euros et un jus de fruits à trois euros. Là, c’est deux ou trois canettes chacun… Faites le compte. »

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Il espère surtout que la boisson ne sera pas interdite à son tour en France. Produite par l’entreprise allemande Cody’s Drink, elle est destinée initialement au marché africain et ne semble pas respecter les normes françaises.

« C’est sûr que je ne le trouve pas chez Metro, mais je l’achète chez des fournisseurs qui ont pignon sur rue en Île-de-France, donc je n’ai rien à me reprocher, précise l’épicier, on le trouve même sur Internet et sur Uber Eats, donc je ne vois pas le problème ». « Ils n’ont qu’à faire changer l’emballage si ça les embête. Mais ce n’est pas souvent qu’on peut avoir une telle opportunité », ajoute-t-il en rappelant que la Vody n’est pas vendue, pour le moment, en grande surface, ce qui donne aux épiceries une attractivité importante.