L’IA devient un outil de travail de plus en plus sollicité, mais une simple ponctuation suffit à la trahir. Selon une étude Indeed publiée le 30 juin, près de trois salariés interrogés sur cinq (57 %) disent utiliser des outils d’IA dans leur vie professionnelle, au moins deux fois par semaine. Le même document nous apprend que 67 % d’entre eux se servent de l’IA dans leur recherche d’emploi : de la simple recherche à la rédaction de CV en passant par la lettre de motivation.
Seulement, l’IA générative a elle aussi ses tics d’écritures. Le plus connu d’entre eux, le tiret cadratin et son petit frère le demi-cadratin, dont l’usage est peu courant au quotidien, se glissent dans presque tous ses textes. Mais ce n’est pas son seul cliché d’écriture : « Ce qui saute aux yeux, c’est la ponctuation », explique Sophie Vignoles, linguiste et cheffe de la production de contenu d’apprentissage chez Babbel. « Elle est trop parfaite, presque clinique. Le vocabulaire reste très lisse, sans surprise, sans prise de risque », poursuit-elle. Seulement, vous vous doutez bien que dans la vie pro, les recruteurs n’en sont pas dupes.
Un tiret qui en dit long
Le tiret cadratin sert à marquer une pause plus forte qu’une virgule, sans pour autant interrompre la phrase. Il permet d’ajouter une précision ou de souligner un retournement d’idée. Pour la linguiste, le chatbot le place dès qu’il le peut dans ses textes car il « coche toutes les cases de ce qu’elle a appris à considérer comme un bon outil d’écriture. »
L’IA n’invente rien, elle puise dans des quantités colossales de documents, souvent universitaires ou officiels. Forcément, le résultat manque de naturel : « Elle se forme en lisant des montagnes de textes, et beaucoup viennent de documents officiels, d’encyclopédies ou de supports pédagogiques, c’est-à-dire des écrits où la ponctuation est irréprochable », explique Sophie Vignoles. C’est donc peu étonnant de voir l’IA imiter ce style très académique à force d’être plongée dedans.
Donner de sa propre matière
La ponctuation n’est pas le seul révélateur de l’IA. Au-delà de l’aspect purement formel, le contenu des textes qu’elle génère est lui aussi très plat. Alors si vous tenez à lui faire rédiger une candidature qui a de la substance, il faut la nourrir d’informations. Pour Emeric Pagès, consultant en stratégie digitale et formateur aux outils IA, « le robot conversationnel est comme un assistant : plus je vais lui donner d’éléments en amont, plus il sera capable de rédiger quelque chose de profond, avec du relief. »
Comprendre : briefez-le comme vous le feriez avec un collègue. « Si je lui dis juste »rédige une lettre de motivation pour un poste de chef de projet”, ça n’a aucun intérêt », indique Emeric Pagès. « Mais si je lui parle de mes compétences, de mon vécu, l’IA peut produire quelque chose de plus humanisé », poursuit-il. Si selon le formateur, l’usage de l’intelligence artificielle dans l’environnement professionnel est « de plus en plus décomplexé », pour l’heure, les recruteurs font la moue. Les concernant, il vaut peut-être mieux leur servir une virgule de travers qu’un texte trop lisse.