Notre rubrique en partenariat avec l’Ordre des avocats de Saint-Etienne – «  Les Pages du Barreau » se consacre, ce vendredi, à la fiscalité.

Dans un contexte économique en mutation et malgré une fiscalité mouvante, parfois sans visibilité, la location meublée continue de séduire les investisseurs. À mi-chemin entre immobilier patrimonial et activité commerciale, elle offre des leviers fiscaux souvent plus attractifs que la location nue. Mais entre régime réel, micro-BIC, statut de LMP ou LMNP, prestations para-hôtelières, TVA et plus-values, la fiscalité en 2025 se complexifie. Décryptage des règles à jour et des dernières évolutions issues de la loi de finances pour 2025.

Par Me Hélène Vilain, avocate au Barreau de Saint-Étienne, spécialiste en droit fiscal.

Me Hélène Vilain, avocate au Barreau de Saint-Étienne, spécialiste en droit fiscal.

Location meublée : un régime fiscal plus favorable que la location nue

La location meublée se distingue de la location nue (non meublée) par son régime fiscal.

Alors que la location nue génère des revenus fonciers, la location meublée est traitée comme une activité commerciale relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Concrètement, cela ouvre des avantages aux bailleurs. Dans le cadre du régime du réel (sortie du micro-BIC au-delà de 15 000 euros de recettes en 2025, ou sur option pour le régime réel), l’amortissement du bien (hors terrain) et du mobilier est autorisé : une déduction non permise en location nue. Cela permet de gommer une large part des loyers imposables, parfois totalement, grâce aux amortissements comptabilisés en plus des charges exposées. Résultat : une fiscalité allégée, voire nulle pendant plusieurs années.

En comparaison, les revenus fonciers issus de la location nue sont taxés à l’impôt sur le revenu et sont soumis aux prélèvements sociaux (après un abattement de 30 % en micro-foncier, ou une déduction limitative des charges dans le régime réel), sans possibilité d’amortissement. L’écart fiscal peut donc être significatif, en défaveur de la location nue.

Prestation para-hôtelière : attention aux frontières !

Les contribuables qui souhaitent franchir un cap et offrir des prestations para-hôtelières basculent dans un autre « univers fiscal », plus complexe, mais potentiellement plus favorable en matière de TVA.

Pour qu’une location meublée soit considérée comme para-hôtelière, au moins trois des quatre prestations suivantes doivent être fournies de manière régulière et dans des conditions similaires à l’hôtellerie :

  • Petit-déjeuner,
  • Nettoyage régulier des locaux,
  • Fourniture de linge de maison,
  • Réception de la clientèle, même non personnalisée.

Cette définition exclut les simples locations de type Airbnb en autonomie et sans services.

Dès lors que ces conditions sont réunies, la location devient assujettie à la TVA.

L’appréciation des critères para-hôteliers continue de soulever des difficultés d’interprétation concrètes. Consciente du flou entourant certaines notions, l’administration fiscale a tenté d’apporter des précisions dans ses mises à jour doctrinales du 7 août 2024, puis du 26 mars 2025. Elle y détaille notamment la manière dont il convient d’apprécier la régularité du ménage ou de la fourniture du linge, introduisant d’abord une distinction selon que le séjour est d’une durée « inférieure » ou « supérieure à une semaine », venant affirmer ensuite, pour éviter toute ambiguïté, que « la semaine s’entend d’une période de sept jours consécutifs (comprenant six nuits) ».

L’enjeu de la qualification est déterminant, puisqu’il ne s’agit pas d’un choix laissé au contribuable : l’assujettissement à la TVA est automatique dès lors que les critères para-hôteliers sont remplis. Le bailleur devient de plein droit redevable de la TVA, qu’il doit collecter (au taux de 10 % dans la plupart des cas) et reverser au Trésor public.

Cela entraîne un véritable changement de régime, avec son lot d’obligations déclaratives et de rigueur comptable. En contrepartie — mais c’est là l’un des attraits du dispositif — la TVA supportée en amont, sur l’achat du bien, les travaux ou encore le mobilier, devient récupérable.

L’intérêt peut être à double tranchant : levier puissant dans un contexte de travaux ou d’achat d’immeuble neuf, l’assujettissement à la TVA peut au contraire se contenter d’alourdir le coût global de la location en l’absence de TVA à récupérer par le bailleur (acquisition immobilière ancienne et/ou sans TVA exposée.)

TVA : annonce d’un seuil de franchise en base unique révisé, aux effets ambivalents

Autre (r)évolution importante en 2025 : la révision annoncée du seuil de la franchise en base de TVA.

L’abaissement du seuil de la franchise en base de TVA à 25 000 euros, tel que prévu initialement dans la loi de finances pour 2025, a cristallisé les hésitations du gouvernement.

La réforme est officiellement renvoyée à la loi de finances pour 2026. En attendant, les loueurs para-hôteliers doivent composer avec un cadre inchangé, mais au prix d’une instabilité préjudiciable à la lisibilité fiscale de leurs investissements.

Cette réforme visait avant tout les autoentrepreneurs, dans une logique d’uniformisation européenne et de concurrence loyale entre les différents opérateurs. Mais cette mesure aurait eu un effet collatéral non négligeable sur les loueurs para-hôteliers, en provoquant un assujettissement à TVA plus généralisé de leur activité. En effet, dans un secteur où les loyers dépassent assez aisément ce seuil, même pour une activité modeste, cette réforme revenait de fait à assujettir à la TVA de nombreux exploitants para-hôteliers, sans distinction de taille ou de structure. Une évolution profonde du régime économique de la para-hôtellerie se dessinait : alourdissement des obligations fiscales et comptables, complexification de la gestion des flux…

Date d’entrée en vigueur repoussée, manque de clarté sur les régimes transitoires… finalement, dans un contexte budgétaire tendu, le gouvernement a choisi de reculer pour mieux sauter : la réforme est officiellement renvoyée à la loi de finances pour 2026. En attendant, les loueurs para-hôteliers doivent composer avec un cadre inchangé, mais au prix d’une instabilité préjudiciable à la lisibilité fiscale de leurs investissements.

2025 : les nouvelles règles du jeu pour les plus-values immobilières

La loi de finances pour 2025 a introduit un autre changement notable : elle remet en cause certains avantages liés aux plus-values générées lors de la cession d’un bien exploité en location meublée non professionnelle.

Selon l’importance des recettes et la nature de l’activité, le bailleur peut être considéré comme loueur en meublé professionnel (LMP) ou non professionnel (LMNP).

La qualification de LMP suppose deux conditions cumulatives :

  • Recettes annuelles excédant 23 000 euros pour l’ensemble du foyer fiscal ;
  • Recettes supérieures aux autres revenus « professionnels » et pensions retraite du foyer fiscal.

Si le loueur reste non-professionnel, la cession de son bien immobilier relève du régime des plus-values immobilières des particuliers.

Jusqu’à présent, la plus-value était simplement déterminée par différence entre le prix de cession, et le prix d’acquisition de l’immeuble. L’amortissement du bien pratiqué pendant la période de location meublée n’était pas pris en compte lors de la vente.

Pour les cessions intervenant à partir du 16 février 2025, ce « paradis fiscal » a pris fin : les amortissements comptabilisés doivent désormais être réintégrés, ce qui augmente d’autant la plus-value fiscalisée.

La détention longue s’avère toujours la meilleure assurance anti-fiscalité. Au bout de vingt-deux, la plus-value immobilière est totalement exonérée d’impôt sur le revenu, et au bout de trente ans, les prélèvements sociaux disparaissent à leur tour. Une franchise totale, mais réservée aux propriétaires patients.

Conclusion : un arbitrage stratégique, au cas par cas

En 2025, le paysage fiscal de la location meublée reste favorable, mais demande une analyse fine du projet : type de bien, nature des prestations, objectif patrimonial ou lucratif, stratégie de revente.

La location meublée classique (LMNP au réel) conserve un avantage compétitif très fort, notamment pour des opérations patrimoniales ou de constitution de revenus complémentaires.

La location para-hôtelière, plus contraignante, séduit les opérateurs cherchant à optimiser la TVA.

L’évolution mouvante de la législation impose de mettre à jour sa stratégie fiscale en tenant compte des nouvelles lignes rouges posées par le législateur. En bref, investir dans la location meublée reste un choix fiscalement performant, à condition de ne pas s’y aventurer les yeux fermés.