Des billets gratuits pour voyager en train : sur le papier, l’abonnement Max Jeune de la SNCF vend du rêve. Mais à Strasbourg, la réalité des usagers/ères semble toute autre et certain(e)s peinent à profiter pleinement de leur offre. Pour mieux comprendre la situation, nous avons interrogé celles et ceux qui vivent avec ce problème au quotidien, mais aussi la SNCF.

Depuis 2017, l’abonnement Max Jeune permet à des usagers/ères âgé(e)s de 16 à 27 ans de réserver jusqu’à six billets de train gratuits en simultané, et ce, de manière illimitée, pour 79 € par mois. L’occasion de voyager librement en France et dans certains pays frontaliers. D’ailleurs, en février dernier, la SNCF indiquait que 74% des trains éligibles proposaient des places Max.

« L’offre fait rêver, mais ce n’est pas toujours aussi simple que cela » raconte Thomas, 25 ans, abonné à Max Jeune depuis cinq ans. Et comme lui, d’autres Strasbourgeois(es), séduit(e)s par cette offre au départ, rencontrent désormais de nombreux obstacles, notamment pour réserver leurs billets dans les TGV INOUI, OUIGO Grande Vitesse et Intercités.

Des soucis de réservation qui ne datent pas d’hier, puisque nous avions déjà reçu des témoignages de Strasbourgeois(es) déçu(e)s en 2022, quand l’offre s’appelait simplement TGV Max. 


Gare de Strasbourg1 © David Levêque / Pokaa

Quand le « Max » devient minimal

« Je me suis abonné à TGV Max Jeune fin 2023, c’était principalement pour aller voir des concerts à Paris ou des amis » raconte David, 23 ans. « Depuis le début de l’année, c’est devenu très compliqué. Même si je m’y prends un mois à l’avance, je ne trouve pas de billets », explique-t-il.

« Quand on a de la chance, on peut trouver un Strasbourg-Paris la veille, mais avec une correspondance à Meuse TGV de plusieurs heures, par exemple », rajoute-t-il. Cette situation transforme la flexibilité promise en un véritable parcours du combattant pour les Strasbourgeois(es), contraint(e)s de revoir leurs plans de voyage.

Manque de places TGV Max

gare strasbourg manga

1. © Romain Fournier / Pokaa ; 2. © Nicolas Kaspar / Pokaa

Pour Lucas, 24 ans, c’était la possibilité de suivre ses études au Conservatoire d’Aubervilliers tout en restant vivre à Strasbourg qui l’a poussé à souscrire à Max Jeune. « L’abonnement me permettait, au départ, de faire l’aller-retour pour suivre mes cours la semaine. Mais depuis un certain temps, je dois m’organiser chaque semaine pour trouver un compromis avec mes profs quand je n’ai pas de billets. »

Ainsi, pour les abonné(e)s qui comptent sur cet abonnement au quotidien, l’incapacité à garantir des voyages ponctuels se transforme en un véritable frein.

train TGV Strasbourg gare © Rob Dammers – Flickr / Photo d’illustration

Un manque de places qui interroge les usagers/ères. « Un week-end, j’ai réussi à obtenir mon billet Strasbourg-Paris la veille de mon départ. Mais en montant à bord, j’ai constaté que ma voiture était complètement vide, alors que l’application affichait qu’il s’agissait du dernier billet disponible », s’agace Thomas.

Par ailleurs, le caractère aléatoire des disponibilités de billets soulève de nombreuses interrogations. « Quand on obtient son billet à la dernière minute, on a l’impression que la SNCF met les invendus en TGV Max », explique Lesane, 20 ans, abonné depuis 2023.

gare strasbourg © Nicolas Kaspar / Pokaa

Strasbourg, parent pauvre du réseau Max ?

« J’ai habité un temps à Lille, et maintenant que j’habite à Strasbourg, je constate qu’il y a une grande différence dans le nombre de places proposées sur les deux trajets », raconte Thomas. Une situation qui a des conséquences, comme l’explique Clarha, abonnée depuis 1 an et demi : « Quand je dois acheter des billets, ce sont souvent des billets de dernière minute, donc plus chers, malgré les 30% de réduction de l’abonnement. ».

Un ressenti contre lequel la SNCF se défend. Charlotte Caillaux, attachée de presse de SNCF Voyageurs, explique : « Sur cette période, plus de 4 000 places ont été proposées à 0 € sur la ligne Paris-Strasbourg, soit sur 27% des trains, et elles ont pratiquement toutes été consommées. En effet, 79% de ces trains ont été entièrement exploités. » 

Gare de Strasbourg Attente Train Voyage © Adrien Labit / Pokaa

Un abonnement « rentable » mais à quel prix ?

« L’avantage de TGV Max Jeune, c’est que normalement il se rentabilise dès l’aller-retour Strasbourg-Paris » raconte David. En effet, la plupart des trajets Strasbourg-Paris sans réduction coûtent déjà plus de 80 €, ce qui rend l’abonnement rentable uniquement pour les usagers/ères capables de réserver un aller-retour dans le même mois.

De plus, pour éviter de subir l’incertitude des disponibilités, plusieurs jeunes font le choix de prendre des trains sans réduction. C’est notamment le cas de Lesane : « J’ai dû réserver plusieurs trains en juin sans utiliser TGV Max Jeune pour ne pas dépendre du hasard. »

Gare de Strasbourg Attente Train Voyage

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1. © Adrien Labit / Pokaa ; 2. © Tamara Leroy / Pokaa

Par ailleurs, d’autres alternatives sont envisagées lorsque le TGV se révèle trop onéreux pour certain(e)s. « Quand j’ai fait ma rentrée à Lyon en école d’ingénieur il y a quelques années, ma seule option était de faire du covoiturage, même si j’avais tenté de réserver une place un mois avant » ajoute Thomas. « Devoir trouver une alternative à l’époque m’avait beaucoup stressé, depuis le début de l’année, c’est devenu quotidien. »

Face à ces constats, la SNCF met en place de nouvelles alternatives pour faciliter l’accès aux billets. Charlotte Caillaux précise : « SNCF Voyageurs a fait évoluer l’abonnement Max Jeune/Senior, avec Max Avantage Jeune/Senior. Ainsi, les clients bénéficient de 30% de réduction sur leur réservation dès lors que le tarif Max à 0€ n’est pas disponible. » De plus, ces abonné(e)s ont désormais aussi accès aux billets OUIGO Grande Vitesse à 0€, « tous les jours pour les 16-27 ans et du lundi au vendredi pour les plus de 60 ans. »

L’abonnement TGV Max Jeune offre certes une certaine flexibilité pour les trajets gratuits, mais il se transforme trop souvent en véritable casse-tête pour les usagers/ères. Pour certain(e)s, la solution réside dans le recours à d’autres alternatives, comme acheter des billets sans réduction, tandis que d’autres se retrouvent dépendant(e)s du caprice des disponibilités de la SNCF, au risque de compromettre leurs engagements personnels, voire académiques.