Il faut en moyenne quinze minutes de route pour accéder à un produit de consommation courante en France. C’est du moins ce qu’affirme Philippe Palazzi, directeur général du groupe Casino, qui se définit comme « un commerçant de proximité ». Celui qui est aussi président de Monoprix et de Naturalia revendique ainsi avoir quitté « le commerce d’éloignement » pour lutter contre « la fracture d’isolement ». Le commerce de proximité reste le seul « le lien au quotidien » dans les 20 000 communes qui n’ont pas de commerce, a-t-il insisté, en ouverture de la table-ronde « Appréhender les fractures territoriales » organisée ce vendredi matin aux Rencontres économiques d’Aix.
« A chaque emploi industriel perdu, ce sont trois emplois induits qui suivent : un dans le commerce, un dans le service et un dans les services publics », a renchéri Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière. Et si les Maisons France Service commencent à remettre des services de proximité dans les villages et les centre bourgs, « on a perdu les uns et les autres l’intérêt collectif », a enchaîné le syndicaliste. « Qu’on arrête de faire du fonctionnaire-bashing, du service public-bashing et qu’on fasse moins de parisianisme ! », s’est-il encore exclamé.
La théorie du comptoir
Le Grand Paris s’est pourtant invité au débat, via Stéphan de Faÿ, directeur général de Grand Paris Aménagement. « Je crois au triptyque Etat-collectivité-entreprise », a-t-il déclaré. Autant « le maire a la légitimité du terrain », pour autant, il a besoin d’une ingénierie qui lui fait défaut et que l’Etat peut lui apporter. « Le logement est une difficulté de base des entreprises pour recruter », a rappelé de Faÿ. La mobilité est de la même façon « une fracture à résoudre ». Aussi a-t-il vanté, sans rappeler qu’il en a été l’un des artisans en 2010, le métro du Grand Paris Express comme modèle de réussite Etat-collectivité pour multiplier par deux le réseau de transport en commun en Île-de-France.
« Nous avons besoin que nos politiques s’inscrivent dans le temps long pour relancer l’économie, l’emploi et la création de valeur », a appuyé le patron de Casino, Philippe Palazzi. Sa cible à lui : « la précarité silencieuse » de la mère de famille monoparentale qui repose un produit trop cher, de l’étudiant qui ne mange pas ses trois repas par jour ou du retraité qui se prive en protéine. Autant de profils en manque de lien social. « On a fermé trop de bars. C’est ma théorie du comptoir », lui a répondu le SG de FO, Frédéric Souillot; sous les rires du public. Avant de pointer la « schizophrénie » française : « le citoyen n’a plus de commerce de proximité, mais commande sur les plateformes ».