Des personnes se précipitent pour monter à bord d’un bateau de passeurs, dans le nord de la France, le 30 juin 2025.

Des personnes se précipitent pour monter à bord d’un bateau de passeurs, dans le nord de la France, le 30 juin 2025. SAMEER AL-DOUMY/AFP

Lire plus tard

Google Actualités

Partager

Facebook

Bluesky

E-mail

Copier le lien

Envoyer

S’abonner

Les traversées s’enchaînent. Nous sommes à l’aune du mois de juillet, et l’Europe s’apprête à affronter une canicule. Pendant ce temps, dimanche 29 juin, 585 personnes embarquant sur des bateaux dans le nord de la France ont traversé la Manche, selon les autorités britanniques. Lundi 30 juin, 879. Et mardi 1er juillet, 440. En tout, d’après Londres, ils ont été plus de 20 000 à gagner les côtes anglaises depuis le 1er janvier 2025. Un record.

A lire aussi

Dans les dunes, près de Wimereux, le 24 novembre 2021. Un bateau de type Zodiac, utilisé par les personnes exilées pour passer vers les côtes britanniques, est échoué. Il a été percé par la police sur la plage lors d'une tentative de passage pour empêcher la traversée. (LOUIS WITTER / LE PICTORIUM POUR L’OBS)

Reportage 
« Ici, je meurs à petit feu » : depuis cette plage du Nord, des migrants s’élancent dans la mer au péril de leur vie

Le sujet s’impose d’autant plus qu’Emmanuel Macron sera au Royaume-Uni mardi 8 juillet pour une visite d’Etat de trois jours. Au menu notamment : les traversées de la Manche. Par un accord, d’abord, qui devrait permettre au gouvernement britannique de renvoyer en France des personnes arrivées par des embarcations de fortune et, en contrepartie, d’accepter celles aux motifs jugés légitimes. Et par un changement de doctrine, ensuite, qui permettrait aux forces de l’ordre de l’Hexagone d’intercepter les small boats jusqu’à 300 mètres des côtes – alors qu’actuellement, conformément au droit international de la mer, une fois qu’un bateau est à l’eau, les autorités ne font que du sauvetage.

Ce changement de doctrine semble déjà être perceptible, comme l’ont montré des images diffusées par la BBC ce vendredi 4 juillet. On voit sur la vidéo du média britannique des gendarmes français, pantalon de treillis mouillé jusqu’aux genoux et couteau à la main, lacérer une embarcation pneumatique déjà à l’eau, avec des hommes, des femmes et des enfants à l’intérieur. De l’autre côté de la Manche, un porte-parole du Premier ministre britannique Keir Starmer s’est félicité de ce « durcissement » des pratiques des forces de l’ordre françaises. Cette mesure pourrait pourtant augmenter le nombre de décès. Rappel des chiffres.

20 000 traversées depuis le 1er janvier 2025

Malgré les réponses sécuritaires, comme celles envisagées et celles déjà prises par les gouvernements successifs, les traversées de la Manche ne diminuent pas : l’année 2025 s’annonce comme record. C’est du jamais-vu depuis 2018, moment où les embarcations gonflables sont devenues la principale voie migratoire de la France vers le Royaume-Uni.

En six mois, jamais autant de personnes ont traversé la Manche depuis le début des décomptes. Sur cette période, elles ont donc été plus de 20 000, contre 13 489 en 2024 ou 11 433 en 2023 durant les six premiers mois – c’est-à-dire 48 % et 75 % de plus respectivement.

Comme le montrent les images prises par l’Agence France-Presse, derrière les chiffres, ce sont bien évidemment des personnes, parfois des parents avec leurs enfants sur le dos, et plus rarement avec un gilet de sauvetage orange fluo, qui se sont élancées souvent directement vers la mer, trempés jusqu’au torse, pour essayer de monter à bord d’un bateau de passeurs déjà mis à l’eau et ainsi éviter les contrôles sur les plages du nord de la France.

Deux adultes et un bébé montent sur un bateau à Gravelines (Nord), le 2 juillet 2025.

Deux adultes et un bébé montent sur un bateau à Gravelines (Nord), le 2 juillet 2025. DAN KITWOOD/GETTY IMAGES VIA AFP

C’est justement ce phénomène que les autorités voudraient contrer en cherchant à intercepter les embarcations jusqu’à 300 mètres des côtes. Mais les associations affirment que cette réponse uniquement sécuritaire ne fera qu’augmenter la mortalité. Car, a priori, les exilés ne vont pas renoncer au trajet et n’hésiteront alors pas à prendre plus de risque, au péril de leur vie.

19 décès et disparitions en six mois

« Les mouvements de panique lors de l’embarquement sont devenus l’une des premières causes de décès », rappelait récemment l’association d’aide aux exilés Utopia 56 sur Instagram, un post accompagné d’images de policiers à proximité d’une embarcation dans l’eau. Environ 40 % des décès ont lieu près de la côte, au moment du départ, avait aussi noté la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord en 2024.

Le nombre de victimes est inquiétant. Dix-neuf personnes, dont un enfant, sont déjà mortes ou disparues depuis le 1er janvier en tentant de rejoindre le Royaume-Uni depuis la France, selon l’Organisation internationale pour les Migrations.

Là encore, ce nombre est à comparer avec les données des années précédentes : il y avait bien eu une vingtaine de décès et disparitions en 2020, 2022 ou 2023… Mais sur un an.