De sa colère au Michelin à une première demi-finale depuis huit ans à Toulon, cette saison, Pierre Mignoni est passé par tous les états. S’il a forcément évolué, le technicien a surtout « appris des autres ». Entraîneur passionné, il s’est donné, à 100%, comme toujours.
La déception de l’élimination presque digérée, il a accepté de se confier à Var-matin.
Quelques jours après l’élimination, comment allez-vous?
C’est l’heure du bilan. J’en profite pour faire des entretiens avec mon staff. Pas trop avec les joueurs, car une fois la saison terminée, ils relâchent et il faut savoir les laisser. Je les ai vus une fois, afin de caler leurs dates de retour. Mais on a surtout travaillé avec le staff, pour voir sur quoi on peut progresser. J’essaye de mettre un petit peu tout le monde en réflexion.
À titre personnel, quels sentiments vous ont animé lors des jours qui ont suivi la défaite?
Quand tu sens que tu peux faire des choses et que tu ne les fais pas, c’est frustrant. Mais maintenant, c’est fait, et je me dis qu’on a quand même réalisé une belle saison. Et que ça faisait longtemps que le club n’avait pas atteint ce niveau de compétition, en Top 14 comme en Champions Cup.
N’est-ce pas difficile de trouver du positif dans la défaite?
Je pense qu’il faut être juste dans l’analyse, sans être trop négatif à cause de la frustration. Il faut se laisser un peu de temps pour digérer, afin d’avoir une vision juste sur nos axes de progrès. Pour ça, j’ai besoin d’analyser avec mon staff, mais également d’un peu de temps pour me reposer et de prendre du recul. Il faut déjà penser à la prochaine saison, sur laquelle on a déjà travaillé, mais également se régénérer personnellement. Il faut aussi regarder derrière, et se rappeler qu’il y a trois ans, on partait de loin.
D’autant que, même si vous aimeriez griller les étapes, il y a tous les ans de la progression…
Tu ne peux pas arriver, claquer des doigts et tout gagner. Ce n’est pas possible. Bordeaux ne l’a pas fait. Ils ont perdu des demies, des quarts, des finales. C’est un exemple. Toulouse est aujourd’hui dans une autre phase de sa progression, mais l’a vécu aussi, avant. Nous, est-ce qu’on se satisfait de la saison qu’on a fait? Non. Est-ce qu’on est en progrès? Oui. Est-ce qu’il y a des choses positives? Oui. Je laisse les gens commenter, mais ce qui compte, ce sont les résultats. Et ils sont là.
Qu’avez-vous appris sur vous tout au long de la saison?
Sur moi, pas tant de choses, mais j’ai surtout appris à connaître encore mieux mon groupe, mes joueurs. Sur moi, j’essaye d’évoluer, d’être meilleur que l’année dernière, mais ma personne m’importe peu. Ce qui m’importe, c’est les autres. Quand je vois les joueurs évoluer, changer, progresser, je me dis qu’on est sur le bon chemin. Quand je vois un joueur avec qui on peut être en échec, ça me rend triste.
Votre colère face à Clermont avait fait réagir et vous avait valu une suspension. Depuis, on vous sent plus apaisé. Est-ce le cas?
Vous l’avez perçu ainsi? En tout cas, quand j’explose, généralement, c’est que je ressens de l’injustice. Mais ne vous inquiétez pas, je réexploserai, hein (rires). Parce que je suis comme je suis. Quelqu’un d’entier. Quand je ne sens pas l’équilibre de justesse, ça me frustre et m’énerve. Je fais souvent référence au fait que je suis une « mèche courte » [qui se consume plus vite qu’une mèche longue], et j’essaye de la rallonger au fur et à mesure de mes expériences (sourire).
Y parvenez-vous?
J’essaye (rires). Mais c’est pareil dans mon quotidien. J’ai 70 personnes et souvent des problèmes à gérer. Si j’explose à chaque problème, ça ne peut pas fonctionner. J’essaye de prendre du recul, mais si je hausse le ton, c’est que je considère qu’il y en a besoin. Il ne faut pas le faire tout le temps, sinon tu n’es plus entendu. Je suis là pour faire attention à tout, mais j’ai besoin de mon staff, des joueurs, du club. Je suis devant, je suis le leader, mais j’ai besoin des autres.
Prenez-vous malgré tout du plaisir?
C’est un métier de fou, hein, mais il n’y a pas que des problèmes! Je prends du plaisir. Aussi parce que je fais un métier que j’aime. Ce n’est pas que je m’en fous de moi, mais presque. Des fois, tu mets entre parenthèses ta famille. ça fait partie du métier d’entraîneur. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est passionnel. J’aime la relation avec les autres. Elle peut être dans le conflit, dans la sérénité, dans la joie, dans la passion, mais si je n’ai pas ça, je ne suis pas heureux. C’est addictif.
N’auriez-vous cependant pas besoin, parfois, d’avoir moins de casquettes? RCT passion, les partenaires, les réunions, les médias, et au milieu de tout ça, l’équipe professionnelle…
Cela fait partie du boulot. J’aime être comme ça. Je ne le vis pas mal. Des fois c’est un peu dur, oui. Mais comme tout un chacun dans son travail. Après, les problèmes durent très peu de temps et je bascule sur autre chose. J’ai besoin de me régénérer. Je ne peux pas être tout le temps comme ça, sinon je manquerais de clairvoyance. Et c’est là où j’ai besoin des autres, qu’ils me disent les choses. Je n’ai pas besoin qu’on me dise oui à tout. Tu peux être en désaccord. Les joueurs le peuvent. Ce n’est pas une dictature. Au contraire. Je veux beaucoup d’échanges.
Oui, mais était-ce nécessaire, par exemple, de vous rendre dans le vestiaire du Mourillon pour faire un discours avant le match du maintien en Fédérale 3?
Je ne le fais pas tous les week-ends non plus (sourire). On m’a demandé de venir, de remettre un maillot, alors j’y suis allé. Cela a aussi été le cas pour le RCTPM [promu en Élite 1 féminine]. Il le faut, c’est important. Et beaucoup de coaches le font, ça n’a rien d’exceptionnel. Au contraire, je fais les choses comme je les ressens et par passion. C’est un métier dans lequel il y a très peu de bonheur, mais c’est la vie d’une saison. Ça dure très peu de temps. Même quand tu gagnes un titre, tu ne peux pas t’endormir. Tu ressens un bien-être, c’est une sorte de plénitude dans ton travail qu’il faut savoir apprécier mais le quotidien revient très vite. Tu ne peux pas rester sur ça. Il faut repartir sur l’après. Pour moi, le plus important, c’est d’anticiper le coup d’après, justement, et de faire le moins d’erreurs possible, afin de connecter les gens ensemble.